Soizig
Soizig 4 - Pérégrinations
La mer, ça bouge, je l'ai dis déjà, mais si tu n'as pas fais le Golf, tu n'as rien vus, le Golf de Gascogne, tous les marins y sont passés au moins une fois, la lessiveuse de l'enfer, le tourbillon infernal, le secouage à vomit, tu te fais branler la couenne à n'en plus finir, la moitié de l'équipage est au tas, j'avais fais le Raz de Sein pendant des semaines sur mon premier bateau, le rail de Ouessant, je croyais que j'avais vu le pire, mais non, le Golf, c'est au dessus de tout, tu crois que tu vas crever à chaque coups de gite, que le rafiot va pas se relever, et je parle pas du reste… Si, j'en parle… les chiottes qui refoulent tout le contenu des canalisations, tu en ressort moucheté, bref, quand tu as finis de passer le golf, la vie devient belle, tu peux sortir fumer ta clope sur le pont, bouffe et déconnades rythment la journée, tu sais pas où tu vas, dans quel pays, à part qu'il y en a pour deux semaines de traversée, c'est secret militaire, mais si tu sais lire une boussole, tu vois qu'on file plein sud, dans la bannette la nuit, je me tape une branlette discrète en reniflant la culotte de Soizig aux effluves épicées qui ravivent les images de nos érotiques copulations…
Deux jours avant d'arriver à destination, la passerelle annonce à la radio du bord, le pays où l'on va débarquer, la Martinique, tous le monde saute de joie, soleil et ciel bleu éternels, plage de sable, mer chaude et cocotiers, les anciens te refilent les bonnes adresses, te parlent de la rue qui glisse, te racontent le goût des femmes et du rhum, même marié, le marin reste un marin… comme disait ma grand-mère, "Une femme dans chaque port… Un porc dans chaque homme…", le Toubib affiche les consignes anti chaudes-pisses, le Bidel (chef du service intérieur et de la discipline), celles sur les quartiers interdits et les abus de boisson, on débarque par groupes de potes, deux semaines sans alcool et te voila en ville à goutter aux punchs de toutes sortes, puis un tour dans la rue de religieuses, c'est là que ça ce passe avec les dames, cinquante francs debout, cent francs sur les cartons, dans un hangar en ferraille, tu en oublies vite ta Mie laissée seule au pays, de toute façon, faut jouer à l'homme pour ne pas passer pour une "tarlouze", tu suis les initiés, la virée des grands trou duc, en deux heures, tu t'es vidé les balloches, t'es cuit et refais, faut dire que le cagnas te tape aussi sur le ciboulot, tu as du mal à retourner à bord, d'ailleurs vaut mieux faire une sieste dans un coin discret, pour ne pas te faire mettre sur la peau(cahier des punis) par la Bidel, en rentrant bourré…
Deux mois passés, on repart pour un ailleurs non divulgué, mer des Sargasses, poissons volants, dauphins suiveurs, couchés de soleil magnifiques à pleurer, des images qui resterons ancrées à jamais en toi, puis diffusion de la nouvelle destination, Cayenne… Là, ce sont tes lectures qui te remontent en mémoire, des images de films documentaires aussi, les histoires racontées par les anciens quand tu étais branleur, les Îles du Salut, le Bagne et ses cachots fétides, les Bagnards et leurs évasions, les meurtres entre eux pour un morceau de pain, la réclusion à perpette, la Veuve (guillotine) pour les autres, l'Île du Diable, où il était interdit de parler, les relégués, condamnés à l'exil perpétuel en Guyane, ça fait froid dans le dos et en même temps, une fascination morbide te pousse à aller voir de près cette institution à détruire les hommes, le bateau remonte l'estuaire du fleuve pour atteindre le port situé à plusieurs kilomètres de Cayenne, la chaleur est moite, l'eau du fleuve marron, le ciel lourd, rien à voir avec la vision idyllique de la Martinique, les gars font la tronche, deux mois à faire ici, ça sent le bagne, même en liberté, mais les anciens te rassurent, ils connaissent l'endroit et les lieux touristiques, bien sur, le Bidel nous interdit encore un quartier chaud, à croire qu'il en parle pour que l'on y aille, ce qui sera fait le soir même, La Crique, endroit insalubre où l'on trouve un melting-pot dans lequel se fondent Chinois, Brésiliens, Surinamiens, Haïtiens, Guyanais anglais et sans doute des représentant d'autres ethnies, bidonville de cases créoles miteuses en bois et tôles, aux volets rouillés et murs béants de lézardes, on y voit des épaves échouées dans la vase et des cadavres de chien sauvages, sans parler de l'odeur ambiante…
Mais avant les libations nocturnes, un gars nous emmène au musée départemental pour nous "culturer" un peu, cabinet de curiosités, situé près de la place des Palmistes, dans une superbe demeure créole, un Musée au caractère différent de ceux que l'on voit en France, salle de taxidermie, minéraux, maquettes, la salle parfumée des essences de bois, celle des tableaux réalistes de douleur sur la vie des Bagnards, peints par eux et par les relégués, vraiment à visiter cet endroit, puis l'heure de manger arrive, on cherche un peu, tiens, une crêperie, ça va nous rappeler le pays, elle est tenue par des Chinois qui l'on achetés à un ancien Bosco Breton qui avait finit ses vieux jours ici, mais les crêpes sont bonnes, le taulier aimable comme un Chinois sait l'être, il met sa tournée et en causant des endroits qui bougent le soir, il nous indique une discothèque, " - Tlé Tlé bon… Toi aller…", on suit son conseil et nous voila dans le plus grand lupanar de la ville, l'architecture intérieure fait penser aux bordels de Shanghai du temps de l'empire Britannique, déjà bondé de matelots braillards entourant une piste de dance où se trémousse une belle streaptiseuse métisse de type Brésilienne, le premier étage est ceinturé d'une galerie avec balustrade, là son accoudées des dames de toutes origines, qui nous font des signes avenants pour que l'on viennent les rejoindre, un ancien qui connait l'endroit m'explique que c'est la haut que ça ce passe pour "la chose", sur la piste, la Brésilienne finie son streap, elle glisse son string, c'est un trav, les gars sifflent leur déception pendant qu'elle secoue sa verge molle…
Chacun à choisit sa chacune d'un signe de la main, j'étais hésitant après avoir vus la brésilienne montrer son engin, il y en avait de très belles la haut, mais je ne tenais pas à m'en prendre une dans le cul à cause d'un choix hasardeux, on se tuyautaient entre nous pour être sur de pas tomber sur un mec déguisé, et capote obligatoire, j'en ai trouvé une belle, bien faite et sans bite, affaire faite, nous avons quittés l'endroit pour une excursion en terres interdites, direction la Crique et ses bars clandés glauques, franchement, faut avoir vu ça une fois dans sa vie, baraque en bois et tôles rouillées, seule une lanterne rouge au dessus de la porte vous indique que c'est ouvert, et quand vous découvrez l'intérieur, vous changez d'époque, comme dans film noir et blanc d'avant guerre ou juste après, Macao l'enfer du jeux, Pépé le moko, Casablanca, le Salaire de la peur, l'Or de la Sierra madré, tout y est, sol en terre battue, tentures défraîchies, banquettes maculées de crasse, l'éternel ventilateur à pales déglinguées accroché au plafond qui tourne en t'envoyant de l'air chaud, le billard au tapis troué dont tu ne reconnais plus la couleur, les regards mauvais que te jettent les quelques affreux qui squattent la place qu'en tu entres, le vieux mobilier hétéroclite couvert de tâches datant de l'époque du bagne, au fond de la pièce, le rideau cramoisi qui cache une arrière salle réservée aux prestation mafieuses des seuls habitués, gardée par un porte flingue balafré qui roupille affalé sur une chaise boiteuse, l'odeur de vinasse, d'urine et de rhum est un plus déplaisant que l'on a pas dans un film…
On pose un cul, le taulier claque deux doigts pour faire lever le porte flingue qui vient en boitant nous demander ce que l'on veut, en précisant qu'il y a que de la bière et du rhum, alors vat pour le choix du patron, on va pas discuter, de toute façon personne parle le Français ici, on voudrai bien de quoi se faire un pécoce, on branche le boiteux quand il nous apporte les binouzes tièdes et le tafia trafiqué, on fait ça moitié en français et en rosbif, il nous propose des pierres précieuses, on recommence, il propose des putes, on mime, on lui montre les feuilles à rouler, il comprend et il veut voir le pognon, on en montre un peu, celui des poches, pas celui planqué dans les godasses ou les caldés, il nous fait signe de le suivre derrière le rideau, on hésite, ça sent l'embrouille, je dois être con mais je me lève et le suit, derrière le rideau, des putes en attente, je réexplique, une des femmes me dit de la suivre, on sort par une porte de derrière, je crois que je transpire de la raie dans mon slip à ce moment là, elle m'emmène par une ruelle sombre, un caniveaux entre les baraquements, merde je suis tout seul là, j'en mènes pas large, elle ouvre une porte, me fait signe d'entrer, c'est un placard éclairé par une ampoule blafarde, juste de la place pour le lit et une chaise, elle veut baiser, fait chier, elle a rien comprit ou elle me force la main (si je puis dire), elle a besoin de tunes, elle me montre un sachet de tabac qui fait rire, je veux le payer mais elle dit non, elle trousse sa robe, pas de culotte sur une motte fournie qui lui remonte sur le ventre, elle s'allonge en écartant les cuisses, j'y échapperai pas, recapotage et je monte dedans (expression Brestoise), je bande mou, je suis long à venir, pour deux raisons, j'ai déjà tiré et j'ai la trouille, je simule, je fais semblant de jouir, elle se relève, prend mes sous et me donne le sachet, on retourne au bar, les potes sont surpris que j'en revienne vivant, on se casse vite fait, le tarpé nous a fait du bien…
On repart au bout de deux mois de jailles et de troussages payants, passage à Fort de France pendant un mois, puis le chemin du retour avec escales de représentation, l'île de la Barbade, l'île de Madère, le golf encore, le temps qui change, je n'ai pas eu de lettre de Soizig pendant toute la mission, je lui ai envoyé deux cartes postales, chez ses vieux, je ne sais pas si elle m'attend ou si elle s'est trouvée un lascar de remplacement, la chair est faible, et puis là encore, la date d'arrivée au port militaire est secrète, ça trépigne à bord, surtout les jours où l'on tourne en rond, il y a la queue à l'infirmerie, beaucoup de gars se sont fait plombés, la bande des nœuds coulants qu'on les appellent, j'ai le droit à une perme, une longue, vu que je vais être libérable bientôt (fin du service militaire), je prend le train sans prévenir personne, j'aime faire des surprises, ça caille à mort, mais j'expose mon bronzage en restant en teeshirt, celui de Cayenne en Créole, "Tiembè raid, Pa moli " (Tiens bon !), je fais le beau, la frime du mataf quoi, arrivé dans ma ville, je monte voir mes parents avec quelques souvenirs rapportés de là-bas, ils sont curieux de ce que j'ai vus et contents de me revoir, je me met le compte avec mon père qui a sortit les bonnes bouteilles et l'eau de feu pour l'occase, grasse mat de feignant le lendemain, ma mère me parle des nouvelles de la famille pendant mon petit dèj, à midi, j'en prends aussi de mes potes de voisins, elle me dit qu'ils m'attendent, je ne parle pas de Soize, elle ne la connait pas…
Je passe voir mes potes de voisins, Malo rentre juste de cours, il finit ses études, sursitaire pour l'armée, il est pas pressé d'y aller, son frangin Perrig, plus âgé, bosse déjà et vit avec une mousmée, ils n'ont plus que leur mère, une femme cool, qui les laisse vivre, je les envie parfois car chez moi c'est plus serré au niveau discipline, je lui demande des nouvelles de Soizig, qu'il connait bien car je la lui ai présentée un soir de piste dans un Fest-noz, ils ont sympathisés et j'en avais profité pour demander à Malo de la sortir de temps en temps, pendant que j'étais en mer, s'est un copain de longue date et de confiance m'étais-je dis, il saurai la sortir pour la distraire si elle avait le blues, il m'a raconté quelques virées en boîtes mais restait évasif, comme un peu gêné de répondre à mes questions, " - elle te racontera…", finit-il par me dire et embraya sur ma mission, curieux de ce que j'avais vus et fais là-bas, j'en déduisais qu'il préférait rester discret sur elle, par respect, après tout, elle n'était pas sa nana, et lui n'aimait pas parler des gens dans leurs dos, on est descendus en ville pour s'en jeter un, même deux, en attendant qu'elle nous retrouve dans le troquet de jeunes où nous avions nos habitudes…
La voila qui arrive, étonnée de me voir mais souriante comme jamais, pelle de quinze, elle regarde mon bronzage, envieuse, et me demande si je ne me les caille pas à faire le beau en teeshirt avec les dix degrés qu'il fait ici, je lui raconte que le ciel bleu et le temps chaud tous les jours, tu en as vite plein le cul et que tu ne rêve que d'une chose là-bas, c'est de te prendre un bon crachin Breton sur la tronche, un bien vif, celui qui te pique le visage, elle n'y croit qu'à moitié, elle aime le climat d'ici mais quand même, les îles paradisiaques bordées de sable fin sous des cieux bleu d'azur, avec la mer à vingt huit degrés, c'est pas qu'une vue de l'esprit, difficile de croire que ça puisse être chiant à supporter, elle rit et se moque un peu, nous trouvons un box tranquille dans la salle du fond, celle pour couples amoureux qui veulent avoir la paix, près de la cheminée allumée, elle me questionne aussi sur mon voyage, curieuse de tout ce que j'ai vu et visité, volontairement, j'omets de parler des détails trop croustillants, je ne vais pas lui dire que j'ai trempé mon "biroulig" dans des fesses autochtones pendant cinq mois, j'en ai honte maintenant, mais sur le coup, on s'est bien fendus la gueule, curieusement, je ne m'étais pas aperçu que Soizig était assise à côté de Malo et pas de moi, ils me faisaient face tous les deux et j'eus un instant, le sentiment de voir un couple, troublante impression que de sentir un doute s'immiscer en soit…