Deux cousins (extraits)
Arrivée
Le chauffeur leur dit qu’il avait le temps, qu’il attendrait que les formalités d’entrée fussent terminées pour monter les bagages de Daniel dans sa chambre. Il avait été convenu qu’il reviendrait chercher Frédéric le soir. Les deux cousins se rendirent au secrétariat.
— Dois-je venir avec toi ? demanda Frédéric.
— Volontiers, je ne connais pas tous les détails des assurances maladie en Suisse. Ils vont peut-être me poser des questions que je ne comprends pas.
— Moi non plus, je ne connais pas tout, on verra bien.
Une employée les accueillit, debout derrière un comptoir. La clinique avait déjà reçu le dossier de Daniel depuis les États-Unis et tous les formulaires étaient déjà remplis, il n’eut qu’à les contrôler et signer. Il dut aussi monter son passeport et donner un chèque que son père lui avait signé pour payer les deux premières semaines. L’employée lui expliqua ensuite :
— Vous pouvez quitter la clinique pour quelques heures, pour la nuit ou définitivement si vous le désirez, mais nous vous prions de signer une décharge vers l’infirmière de l’étage car nous ne sommes plus responsables si vous sortez du parc, à moins que la sortie ne soit organisée par la clinique.
— D’accord, fit Daniel.
— Votre chambre sera la 321, au troisième étage. Vous y trouverez une brochure avec des informations pratiques. Une infirmière aidera à vous installer.
La femme informa sa collègue par téléphone de l’arrivée de Daniel, puis se tourna vers Frédéric :
— Vous êtes Monsieur de Goumoëns, le fils de Monsieur le Président du conseil de la clinique, je présume ?
— Oui, c’est exact.
— La secrétaire de votre père m’a transmis vos données personnelles, je vous prie de les contrôler et de signer.
— Mais je n’ai pas prévu de séjour chez vous, je suis en bonne santé !
— Elle nous a demandé de prendre deux rendez-vous : ce sera à 11 heures chez le Dr Zimmermann et à 14 heures chez le Dr Tissot.
L’employée nota les heures des rendez-vous sur un papier et le tendit à Frédéric, en lui expliquant où se trouvaient les cabinets des médecins. Les deux cousins sortirent du secrétariat et retrouvèrent Urbain qui attendait dans le hall avec les valises.
— Je pense que c’est pour l’acné, fit Frédéric, il va se moquer de moi, le médecin, avec mes trois boutons.
— Bah, dit Daniel, tu m’as dis que tu voulais y aller. Tu en avais parlé à tes parents ?
— Oui, c’est exact. Ils auraient quand même pu me poser la question avant.
— Et le deuxième médecin ?
— Je n’en sais rien.
Les cousins et Urbain montèrent jusqu’au troisième étage dans l’ascenseur situé au milieu de l’escalier en colimaçon. Une infirmière les attendait. Elle était jeune, elle devait avoir entre vingt et trente ans ; elle avait des cheveux blonds, mi-longs, qui lui recouvraient le front ; elle était vêtue de la blouse blanche traditionnelle. Elle tenait à la main une plaque en fer avec une copie ronéotypée du dossier de Daniel.
— Monsieur Daniel Deblüe, né le 12 janvier 1948 ? demanda-t-elle aux cousins.
— C’est bien moi, fit Daniel. Mon cousin Frédéric est seulement en visite.
— Enchantée, je m’appelle Dominique Nusslé, je serai votre infirmière responsable. Suivez-moi, je vais vous montrer votre chambre.
Celle-ci était petite, les murs étaient blancs. Un lit en fer, étroit, qui devait dater de l’ouverture du sanatorium, le matelas paraissait épais et confortable ; un lavabo, avec un haut miroir et une tablette sur laquelle se trouvaient des produits d’hygiène ; une armoire ; une table et une chaise. Dominique ouvrit la porte-fenêtre pour aérer. Sur la terrasse, une chaise longue. La vue sur le lac Léman était splendide. Urbain déposa les valises et prit congé en souhaitant un bon rétablissement à Daniel.
— Ce bâtiment est ancien, dit l’infirmière, les chambres n’ont pas encore de salles de bain individuelles. Des travaux sont prévus prochainement pour l’adapter aux standards actuels.
— Cela ne fait rien, dit Daniel. L’essentiel pour moi sera d’être bien soigné.
— Je vais vous laisser mettre vos affaires dans l’armoire, je reviens dans un quart d’heure pour vous conduire à la salle de bain.
— À la salle de bain ? J’ai pris une douche ce matin !
Il se garda bien de dire que c’était avec son cousin et qu’il avait éjaculé avant de se laver.
— Oui, confirma Dominique en riant. Cela surprend tous les nouveaux arrivants. Autrefois, les patients étaient sales après un long voyage sur des routes poussiéreuses et ils devaient se laver en entrant. Nous avons gardé cette tradition, un peu désuète de nos jours, je le reconnais, nous essayons cependant d’éviter ainsi les maladies nosocomiales avec une hygiène très stricte. Je vous donnerai un savon désinfectant.
— Qu’est-ce que c’est les maladies noso… ?
— Nosocomiales. Les maladies qu’on attrape en milieu hospitalier. Vous aurez ensuite le dîner à midi, à la salle à manger, avec votre cousin, nous vous avons réservé une table spéciale ; puis la visite d’entrée vers le Dr Jayet, à 14 heures. Il y a deux gobelets sur le lavabo, vous remplirez d’urine le plus grand quand vous aurez besoin et vous sonnerez pour qu’on vienne le chercher.
— Je peux le faire tout de suite. Où sont les toilettes ?
— En face de votre chambre, sur la gauche. Mais vous pouvez le faire dans la chambre. Il y a un urinal dans la table de nuit si vous ne voulez pas sortir de votre chambre pendant la nuit, mais nous vous demandons de le vider vous-même le matin si vous n’êtes pas alité.
— Je vais vous laisser seuls dit Frédéric.
— Reste, lui dit son cousin en riant, tu m’as déjà vu uriner, si je me souviens bien.
Frédéric rougit, Daniel n’aurait pas dû dire cela devant l’infirmière.
— Et le deuxième gobelet ? demanda Daniel.
— C’est pour un spermogramme, vous pouvez le faire aussi aujourd’hui si vous le désirez, il faut que ce soit terminé à 16 heures pour qu’on puisse le porter au labo avant la fermeture. Ce n’est pas nécessaire de vous abstenir avant pendant quelques jours, c’est juste pour voir si vous êtes stérile ou pas.
— Je peux aussi en faire un ? Demanda Frédéric.
— Bien sûr, j’apporterai un deuxième gobelet avec votre nom.
Daniel se mit face au lavabo, l’infirmière était à ses côtés et regardait, Frédéric se positionna de telle manière qu’il vît tout dans le grand miroir qui surplombait le lavabo, sans donner l’impression qu’il matât. Daniel sortit son pénis de sa braguette, l’infirmière l’interrompit :
— Attendez, je vais le nettoyer, pourriez-vous le décalotter ?
Dominique prit une compresse de gaze et l’imbiba d’alcool, la passa sur le gland.
— Vous ne pouvez pas retirer la peau plus loin ? Ah oui, c’est mentionné dans votre dossier. Nous regarderons plus tard ce que nous pouvons faire.
Daniel urina. Lorsque le gobelet fut plein au deux tiers, l’infirmière lui dit d’arrêter, elle partit avec l’échantillon. Daniel referma sa braguette, puis sortit également pour terminer aux toilettes. Il revint quelques minutes plus tard.
— Ça commence bien ! s’exclama-t-il. Je vais devoir me mettre à poil devant l’infirmière et lui montrer mon phimosis.
— Tu as l’habitude, tu l’as fait devant mes sœurs.
— Ce n’est pas la même chose. C’était volontaire, ici c’est imposé. Cela va me rappeler des mauvais souvenirs, des vieilles infirmières scolaires revêches.
— Ici, ton infirmière est sympa, au moins.
— Trop sympa, je vais bander devant elle.
— Bah, t’inquiète pas, dit Frédéric en riant, je ne pense pas que tu seras le premier homme à le faire. Ce doit être aussi pour voir si tu as des maladies honteuses.
— C’est quoi, des maladies honteuses ?
— C’est un autre nom pour « maladies sexuellement transmissibles », la chaude-pisse, par exemple, ou la syphilis. On devrait tout le temps mettre des capotes anglaises.
— Tu es bien renseigné !
— Tu sais que mon père est au conseil de la clinique. Il faut toujours trouver des nouveaux patients pour les années à venir, les meilleurs clients finissent par mourir. Ils ont eu l’idée de sponsoriser des brochures éducatives destinées aux ados et je peux les lire en priorité pour donner mon avis.
— Bonne idée. J’irai en demander au secrétariat, cela me fera de la lecture.
— J’espère que tu as pris d’autres bouquins pour passer le temps.
— J’ai pris le Le Seigneur des anneaux, j’en ai pour quelques jours à le lire. Ce qui me console, c’est que tu vas aussi devoir te déshabiller devant le dermatologue.
— Tu crois ? fit Frédéric, soudain gêné. J’ai les boutons sur le visage, pas sur la verge.
— Tu verras bien, c’est l’heure de ton rendez-vous. Rira bien qui rira le dernier !
Une vue sur le lac Léman ! Bravo !