Institut Cerebralium
Partie I : Admission
L’ambulance circulait à vive allure, toutes sirènes hurlantes, passant a travers les bois vers le château de l’Institut. Portes grandes ouvertes, celui ci préparait déjà l’arrivée de son nouveau patient.
Et manque de chance, c’est moi.
Je suis encore dans le gaz: sans doute parce qu’on m’avait administré des doses de valium.
Autant vous dire que je suis embrouillé. Même mon nom, je ne m’en souviens pas.
J’entends les freins crisser sur le gravier. Le bruit mécanique de la porte de l’ambulance. Mais je ne peux pas relever la tête...je suis entravé aux jambes et aux poignets. Des sangles solides, percées de trous qu’on m’avait fixé pour ne pas que je me bouge pas….
Mais pourquoi? Je ne me souviens pas...seule ma tête est libre. Une infirmière à l’ancienne mode, masque sur le visage et cheveux bruns retenus par une gimpe se penche au dessus de mon visage.
- Nous sommes arrivés Monsieur Crowley…..
Derrière son masque, je la vis sourire. Mais ses yeux verts, magnifiques au demeurant, brillaient d’un éclat ardent. Ses iris étaient très dilatés.
- Qu’est ce que…
-Chuuutttt
Je sentis sa main sur mon épaule. Sa voix était douce, presque un murmure...Mais sa poigne était ferme.
- Détendez vous Monsieur Crowley...Nous allons vous soigner….
J’entends le bruit des roulettes de mon lit mobile. Tournant la tête d’un coté à l’autre j’essaye de voir ce qu’il se passe autour de moi. Le soleil couchant caresse de ses rayons mon visage tandis que je sens le haut de mon corps se relever. Une rampe. Nous prenons une rampe. L’infirmière continue de mettre son visage dans mon champ de vision mais sa voix devient de plus en plus...acide. “Nous allons vous soigner, nous allons vous soigner...”
“Mhh me soigner de quoi?”
Ma voix est encore pâteuse mais j’arrive a articuler ses mots
“ Vous verrez...avec le Docteur Brahms”.
Sa voix était devenue presque inaudible et en même temps...éthérée...comme un courant d’air. Une violente lumière blanche et crue m’est projetée au visage. Celle d’une lampe scialytique.
Un médecin en blouse se penche au dessus de moi. Une rousse, le nez aquilin, des lunettes à verres cul de bouteille et le visage très anguleux, presque triangulaire, se penche.
- Monsieur Crowley? Vous m’entendez?
J’opine du chef, les yeux mi-clos sous la violence de la lumière blanche. La nuque douloureuse, j’essaye de l’éviter. La nausée me prend et ma respiration se fait courte.
- Enlevez la lumière….
Ma voix est faible mais je sens des gouttelettes de sueur couler de mon front. Je les sens rouler sur mes tempes. Et un vent glacé semble se saisir de mon corps.
Le médecin recule la tête.
- Il a un accès de fièvre ! Vite un thermomètre. Mary, aidez moi !
Je me mets a claquer des dents, ma vue se brouille. Je sens confusément qu’on me déchausse. Puis mes pieds sont exposés au vent glacé. Mes dents se mettent à claquer, doucement d’abord puis de manière irrésistible. Je sens que l’infirmière m’ôte le pantalon, puis le boxer.
Et paf, je sens quelque chose de dur et froid me pénétrer l’anus. Sans vaseline. Je serre les dents de douleur, sentant la tige de verre frôler mes testicules pendantes. Le contact de l’embout métallique avec mes chairs anales m’éléctrisait. Les sphincters se contractent autour de l'instrument, comme si ils voulaient l'étrangler. Ma verge durcit et s’élève mais c’est très douloureux. Anormal. Mon gland, sensible, frotte contre mon boxer.
En pleine confusion, je tente de maîtriser mes tremblements mais ceux-ci se font plus violents encore. J’ai chaud, j’ai froid, j’ai l’impression que tous mes membres s’étirent et rapetissent tout seuls. La nausée me saisit à la gorge et les cris que je pousse faiblement s’étranglent dans ma gorge comme un gargouillis.
Confusément, j’entends, comme filtrée par de l’ouate, la voix du médecin
- 42°C ! Vite, un bain de glace!
Dans le coton le plus total, je me sens soulevé de terre. Des couleurs pastels du plafond se fondent en une couleur blanche crue, comme celle de la lampe scialytique.
Puis la douleur du choc: je me sens plongé dans une grande masse d’eau, maintenu par des formes confuses. Je vois brouillées, les chevelures de deux femmes, la brune et la rousse s’agiter. Le bruit léger des cubes de glaces résonne à mes oreilles comme des gongs et ma respiration se fait courte.
- Monsieur Crowley ! Monsieur Crowley...Restez avec nous !
Ma respiration se fait plus ample, et ma vue s’éclaircit. Je vois les visages de plus en plus nets du Docteur Brahms et de Mary. Je devine sur les côtés deux grands malabars tout en muscles dont les mains, de la taille d’un couvercle de poubelle, me maintiennent les épaules dans l’eau et soutiennent ma tête en dehors.
- Ah vous revoilà! On va vous mettre au lit et je reviendrai vous voir. Vous pouvez marcher?
J’opine du chef et grommelle un “oui” très rauque. Les deux malabars, des jumeaux, me prennent par les aisselles et , rapidement vêtu d’une blouse, me tiennent par les épaules. Mes jambes sont pataudes et j’ai toujours froid mais moins qu’avant. J’arrive dans la chambre qui appartement m’a été attribuée : Des murs nus, un petit cabinet de toilette et un lit métallisé. Tout est solidement fixé au sol, faisant corps avec le béton.
- Qu’est ce que...qu’est ce que….
- Calmez vous Monsieur Crowley...on va...vous soigner.
La voix de Mary résonne a mes oreilles, sa propriétaire encadrant les malabars qui, sans un mot m’allongent sur le dos,.Dans le flou je me laisse faire….Mais je vois le Docteur Brahms rentrer avec des sangles de contention….qui s’agitaient dans ses mains comme des serpents. J’entends leurs sifflements à mes oreilles.
- Ahh!!! Laissez moi ! Virez moi ses serpents ! Virez les !
Je vois leurs crochets pointus, leurs langues bifides trembloter. Je m’efforce de détourner mon regard de ses sinistres animaux. Fermant les yeux pour leur échapper, je constate avec horreur que leurs yeux jaunâtres s’impriment dans l’écran noir de mes paupières.
Dans un sifflement atroce, je vois Mary, le Docteur Brahms et les deux malabars s’approcher de moi et saisir qui mes bras, qui mes jambes et m’appliquer ses serpents sur la chair.
- Lâchez moi ! Laissez moi tranquille ! Laissez moi !
Je tente de me débattre, mais mes membres sont entravés dans un bruits de cliquetis métalliques de tocsin. J’entends les sifflements de ces serpents dans ma tête. Je sens la morsure des contentions sur ma peau. Et ces cris de serpents qui hurlent à mes oreilles comme les Nazguls du Seigneur des Anneaux
Je sens un douleur à la cuisse, à travers le brouillard qui obscurcit ma vue. La douleur me fait tendre sur les contentions mais celles ci sont solides et me retiennent douloureusement. Je devine le visage du Docteur Brahms qui tient une seringue. Vide.
- Qu’est ce que….
- Du valium….répondit elle. Cela va vous faire dormir et ensuite nous pourrons vous...soigner.
Je veux répondre mais je sens que ma langue ne veut plus m’obéir, pas plus que mon palais.
La seule pensée qui me parvient, comme un noyé cherchant de l’air est...Qu’est ce que je fous là?
Je n’ai pas le temps de développer la question que le sommeil m’emporte, lourd comme une chape de plomb.
Intéressant début.