Vues: 62 Created: Il ya 2 semaines Mis à jour: Il ya 2 semaines

Scénettes piquantes

Le traitement

Chiara poussa les portes vitrées de l’hôpital avec une assurance tranquille, presque mécanique, fruit d’une répétition qui avait poli ses gestes jusqu’à l’os. Le hall d’entrée l’accueillit avec son odeur familière, un mélange entêtant d’antiseptique et de café tiède qui s’accrochait aux narines comme une vieille habitude. Dehors, le ciel d’avril pesait sur la ville, lourd de nuages gris chargés d’une pluie qui hésitait encore à tomber, mais à l’intérieur, les néons crachaient une lumière blanche, impitoyable, qui découpait chaque contour avec une précision chirurgicale.

Elle ajusta la bandoulière de son sac sur son épaule, un tic nerveux qu’elle ne remarquait plus, et s’engagea dans le couloir menant au service d’oncologie ambulatoire. Ses bottines claquaient doucement sur le linoléum usé, un rythme régulier, presque hypnotique, qui calmait son esprit sans qu’elle s’en rende compte. Dans sa tête, les pensées flottaient, légères et désordonnées : la pluie qui menaçait de ruiner son trajet retour, la soupe aux poireaux qu’elle réchaufferait ce soir dans sa petite cuisine, et cette sensation étrange, presque délicieuse, qui envahirait ses seins après le traitement – un poids secret, une plénitude qu’elle avait appris à attendre comme une récompense.

Elle avança dans le couloir, passant devant des portes numérotées, des chariots abandonnés et une affiche jaunie vantant les mérites du lavage des mains. L’hôpital vivait son ballet quotidien : une infirmière pressée croisait un brancardier aux épaules voûtées, un murmure de voix s’échappait d’une salle entrouverte.

Chiara, elle, glissait dans ce décor comme une habituée, une silhouette familière pour le personnel qui la saluait parfois d’un hochement de tête discret. Arrivée devant la salle 12, elle frappa deux coups brefs, par réflexe plus que par réelle nécessité, et la porte s’ouvrit presque instantanément.

Marianne se tenait là, blouse blanche impeccable tendue sur ses épaules robustes, un sourire en coin illuminant son visage aux traits francs. « Tiens, ma patiente préférée, pile à l’heure ! » lança-t-elle, sa voix chaude tranchant avec la froideur aseptisée de l’environnement. Chiara répondit par un petit rire, léger comme une brise, et posa son sac sur le porte-manteau métallique près de la porte. « Toujours, vous me connaissez. »

La salle de soin, petite et fonctionnelle, semblait conçue pour effacer toute trace de personnalité. Un lit étroit trônait au centre, son matelas recouvert d’un drap jetable qui crissait sous le moindre mouvement. A sa gauche, un support métallique dressait ses bras froids, deux flacons vides suspendus comme des fruits transparents attendant d’être cueillis. Sur le chariot roulant, une constellation d’instruments brillait sous la lumière crue : des canules encore scellées dans leurs emballages stériles, des flacons de désinfectant alignés comme des soldats au garde-à-vous, des gants en latex empilés avec une rigueur presque maniaque. Une odeur de plastique neuf saturait l’air, ponctuée par des effluves plus âcres, celles de la Bétadine et de la chlorhexidine qui patientaient dans leurs flacons ambrés.

Chiara dégrafa son soutien-gorge avec une aisance étudiée, le pliant soigneusement sur la chaise en plastique à côté du lit. Elle s’allongea, le dossier légèrement relevé pour soutenir son dos, et glissa ses mains derrière sa nuque, exposant sa poitrine généreuse avec une sérénité qui trahissait des mois de routine. Ses seins, lourds et pleins, s’étalaient sur son torse comme deux vagues tranquilles, leur peau pâle marbrée de fines veines bleutées, leurs courbes dessinées avec une précision presque insolente. La pudeur, ici, n’avait plus sa place : elle s’était dissoute dans la répétition, dans les regards professionnels de l’infirmière, dans cette intimité étrange née de la nécessité.

Marianne s’approcha, ses mains déjà enveloppées de gants stériles qui claquaient légèrement contre ses poignets. Elle posa ses doigts sur le sein gauche de Chiara, entamant une palpation préventive avec une délicatesse qui contrastait avec la fermeté de son toucher. Ses paumes glissaient sur la peau, pressant doucement, explorant la chair avec une assurance qui parlait d’années d’expérience.

Les seins de Chiara, fermes et résistants, roulaient légèrement sous la pression, leur surface lisse ondulant comme une étoffe précieuse manipulée avec soin. «Aucune de nodosité résiduelle, parfait. » Dit Marianne, un sourire dans la voix, ses yeux plissés par une satisfaction sincère. « Et je ne parle pas de leur fermeté ... » Plaisanta-t-elle.

Chiara haussa une épaule, un mouvement paresseux qui fit tanguer sa poitrine dans une danse lente et naturelle. « C’est bien pour ça que vous m’appelez votre patiente préférée, non ? » Marianne éclata d’un rire franc, secouant la tête comme pour chasser une pensée amusante. « Oh, si toutes mes patientes étaient comme toi, je passerais mes journées à siffloter. »

Elle recula d’un pas, ses gants crissant légèrement, et attrapa un flacon de Bétadine sur le chariot. Le liquide ambré, épais comme du miel, gicla sur une compresse stérile avec un bruit mat, et Marianne entreprit de désinfecter la poitrine de Chiara en larges cercles concentriques. La fraîcheur du produit fit frissonner la peau, qui se teinta d’un brun intense, profond, évoquant un bronzage d’été arraché à une plage lointaine. Les seins, mobiles sous les mouvements amples de Marianne, oscillaient doucement, leur poids les entraînant dans un balancement hypnotique, comme des fruits mûrs prêts à tomber.

Elle passa ensuite à la chlorhexidine alcoolique à 2 %, un deuxième passage plus vif, plus mordant, qui effaça partiellement la teinte cuivrée pour rendre à la peau une blancheur plus conforme, légèrement rosée par le froid et le frottement. Les courbes de Chiara, luisantes sous la lumière, semblaient vibrer d’une vie propre, leur surface captant les reflets des néons dans une danse subtile.

« Je parie que votre poitrine fait des jalouses ! » Lança Marianne en frottant le sein droit, ses doigts glissant sur la chair pleine avec une précision presque caressante. Chiara sourit, les yeux mi-clos, savourant la fraîcheur qui s’évaporait sur sa peau.

« Vous me dites ça à chaque fois. »

« Mais c’est vrai ! Ferme, généreuse, esthétiquement irréprochable. Moi, à côté, je fais pâle figure. »

Elle baissa les yeux sur sa propre blouse, qui laissait deviner des formes moins opulentes, un peu affaissées par les années et la gravité. « Oh, arrêtez, vous n’êtes pas si mal non plus, » rétorqua Chiara, sa voix mêlant sincérité et une pointe de taquinerie.

Marianne suspendit les deux flacons d’acide zolédronique au support métallique, 10 cc d’un liquide clair, limpide comme une eau de source prisonnière du verre. Elle raccorda les tubulures avec une dextérité de couturière, trois par flacon, leurs extrémités fines dansant dans l’air avant de se stabiliser comme des fils tendus vers leur cible. Les lignes, transparentes et souples, pendaient avec une grâce fragile, prêtes à s’animer.

Marianne attrapa une canule à embout vert, longue de 50 mm, son aiguille scintillant comme une lame sous la lumière. Elle la positionna au-dessus du sein gauche, à 10H par rapport au mamelon, et appuya d’un coup sec, précis. La peau résista une fraction de seconde, tendue comme une membrane sur le point de craquer, avant de céder dans un pincement aigu qui traversa Chiara comme une décharge. Elle inspira profondément, ses lèvres s’entrouvrant sur un souffle retenu, un éclair de douleur crispant fugacement son visage avant de s’évanouir. « Ça va ? » demanda Marianne, son ton doux mais ferme, ses doigts déjà prêts pour la suite. « Oui, oui, c’est juste le début qui pique, » répondit Chiara, sa voix légèrement rauque, maîtrisée.

« Bon, on y va, » annonça-t-elle, et à ces mots, les mamelons de Chiara se dressèrent brusquement, deux pointes roses durcies par une anticipation instinctive, presque animale.

La deuxième canule, à 12H, s’enfonça avec la même brutalité rapide, l’aiguille perçant la chair dans un craquement imperceptible, suivi d’un frisson qui remonta le long de la colonne de Chiara. La troisième, à 2H, compléta le trio, et le sein gauche, désormais hérissé de ses trois pointes métalliques, semblait vibrer d’une énergie contenue, comme une toile tendue sous un vent invisible.

Marianne roula son tabouret de l’autre côté du lit, frôlant la table avec son chariot dans un grincement discret. « Allez, le droit, maintenant, » dit-elle, ses mains déjà en position. Elle répéta le rituel avec une précision métronomique : 10H, 12H, 2H, chaque insertion arrachant à Chiara un tressaillement léger, un soupir maîtrisé qui s’échappait comme une vapeur. Les seins, maintenant traversés par six canules, semblaient figés dans une tension étrange, leur surface lisse ponctuée de ces intrus d’acier qui captaient la lumière en éclats froids.

Marianne ajusta une tubulure, ses doigts gantés effleurant la peau avec une délicatesse presque incongrue. « Vous avez déjà pensé à faire des soins en institut ? » demanda-t-elle, brisant le silence avec une légèreté calculée. « Moi, j’ai commencé la semaine dernière. Massage, huiles essentielles, tout le tralala. Ça rebooste un peu la bête. »

Chiara gloussa, ses mains toujours croisées derrière la nuque, ses seins immobiles. « Sérieux ? Ça marche vraiment ? »

« Disons que ça fait du bien au moral, » répondit Marianne, un sourire en coin. « Mes seins sont pas au niveau des vôtres, hein, mais je les bichonne comme je peux. »

Elle libéra le flux des perfusions, tournant les petites valves avec une précision d’horloger, et le liquide commença à s’écouler, goutte à goutte, à la vitesse de 1 ml par minute.

Une brûlure vive irradia soudain dans les seins de Chiara, comme si des filaments de feu s’infiltraient dans sa chair, traçant des lignes incandescentes sous la peau. Elle serra les dents une seconde, le temps que la sensation s’émousse, laissant place à un une sorte d’engourdissement, une anesthésie douce qui enveloppait ses nerfs comme un voile.

« Moi, ce que j’aime, c’est la lingerie, » lança Chiara, le regard perdu dans les fissures du plafond, sa voix prenant une intonation rêveuse. « Un bon soutien-gorge, ça change tout. On se sent tenue, mise en valeur. » Marianne hocha la tête, ses yeux surveillant les flacons avec une attention discrète.

« Oh, ça, je vous crois. Avec votre poitrine, tu dois avoir l’embarras du choix. Moi, je galère à trouver un truc qui tienne sans me couper la circulation ou me donner l’air d’une mémé. » Elles rirent ensemble, un son clair et spontané qui ricocha dans la pièce, allégeant l’atmosphère saturée d’odeurs chimiques.

Les seins de Chiara, traversés par les canules, semblaient gonfler imperceptiblement sous l’afflux du produit, leur peau tendue luisant sous la lumière comme une toile vernie. Une chaleur sourde montait en elle, lente et capiteuse, comme un vin doux qu’on laisserait infuser dans une cave oubliée. « Vous savez ce que j’apprécie le plus ? » Reprit Chiara, sa voix plus basse, presque intime. « Les 24 ou 48 heures après le traitement. Cette sensation de … plénitude. Comme si tout était plus vivant là-dedans, plus présent. »

Marianne haussa un sourcil, amusée, ses doigts tapotant une tubulure pour vérifier le débit. « Vous n’êtes pas la première à me dire ça. Ça doit être bizarre, quand même ? » – « Bizarre, mais comment dire … » répondit Chiara, un sourire flottant sur ses lèvres. « C’est comme si mes seins prenaient toute la place, comme s’ils respiraient pour moi. »

Un pic douloureux traversa soudain son sein droit, une aiguille invisible semblant fouiller la chair, et Chiara grimaça, son souffle se coupant une seconde. « Ouch, ça tire un peu là … » murmura-t-elle, ses doigts se crispant légèrement derrière sa nuque.

Marianne posa une main légère sur la peau, juste au-dessus de la canule à 2H, ses gants froids contrastant avec la chaleur qui irradiait de la zone. « Ça va passer, respirez profondément, » dit-elle, sa voix douce mais assurée. Elle tapota doucement, un geste presque maternel, et le flux continua, régulier, implacable, les gouttes tombant dans les tubulures avec une lenteur hypnotique.

« Par contre, les piqûres dans les fesses, » ajouta Chiara, sa voix reprenant une teinte plus légère, « ça, je ne supporte pas. »

Marianne éclata de rire, un son rauque et généreux qui emplit la pièce. « Quoi, vous avez peur d’une simple piqûre dans le fessier ? »

« Peur non, c’est juste que ça fait des crampes, je trouve, » répondit Chiara, un sourire malicieux aux lèvres. « Là, c’est pas pareil, je ne sais pas comment expliquer. » Elles échangèrent un regard complice, et le silence s’installa un instant, rythmé par le goutte-à-goutte monotone des perfusions.

Les minutes s’étiraient, paresseuses, et la salle semblait se refermer sur elles, devenant un cocon intime et suspendu dans le temps. Les seins de Chiara, gorgés de liquide, prenaient une densité nouvelle, une lourdeur presque voluptueuse qui faisait frémir la peau autour des canules. Leur surface, tendue à l’extrême, semblait prête à craquer, comme une pêche trop mûre sous le soleil. Marianne, penchée sur son travail, laissait parfois son regard s’attarder, un mélange de professionnalisme et d’une curiosité discrète, presque involontaire.

« Vous devriez poser pour les magazines ! » Suggéra-t-elle soudain, mi-sérieuse, mi-taquine, ses doigts ajustant une valve avec une précision d’orfèvre. « Avec ça, vous feriez un carton, à coup sure. »

Chiara roula des yeux, un geste théâtral qui fit trembler légèrement sa poitrine sous les aiguilles. « Très drôle. Je garde ça pour moi, merci. » Pourtant, dans sa voix perçait une pointe de fierté, un écho à cette plénitude qui montait en elle, une vague lente et inexorable qui menaçait de déborder.

Les flacons se vidaient avec une lenteur exaspérante, leur niveau descendant comme une marée paresseuse révélant un rivage oublié.

Le liquide, clair et innocent en apparence, s’infiltrait dans la chair de Chiara, traçant des chemins invisibles, dissolvant les micro calcifications avec une patience de sculpteur. Elle sentait chaque goutte, chaque millilitre, comme une intrusion douce mais insistante, une caresse qui brûlait avant de s’apaiser. Marianne, assise sur son tabouret, croisait parfois les jambes, ses yeux passant des flacons à sa patiente avec une vigilance tranquille.

« Vous faites quoi, ce soir ? » demanda-t-elle, brisant le silence avec une curiosité banale. « Oh, rien d’extraordinaire, » répondit Chiara, sa voix traînante. « Une soupe, un bouquin, peut-être une série si je tiens éveillée. Et vous ? » – « Pareil, mais avec un verre de rouge en plus, » dit Marianne, un clin d’œil dans la voix. « Faut bien se récompenser après une journée passée à piquer des gens. »

Chiara rit doucement, ses seins frémissant sous l’effort, et une nouvelle douleur, brève mais vive, traversa le sein gauche. Elle fronça les sourcils, un souffle s’échappant de ses lèvres. « Encore un petit cadeau du produit, » commenta Marianne, ses doigts effleurant la zone avec une légèreté de plume. « Ne vous inquiétez pas, on arrive au bout. »

Les flacons finirent de se vider, deux coques transparentes abandonnées sur leur perchoir, leurs tubulures pendantes comme des cordes coupées. Marianne coupa le flux avec une précision chirurgicale, ses gestes fluides et assurés, et entreprit de retirer les canules une à une.

Elle commença par le sein gauche, saisissant la première aiguille à 10H entre ses doigts gantés. Elle tira d’un coup sec, et un point rouge perla sur la peau, une goutte minuscule qui roula lentement avant d’être essuyée d’une compresse. Deux autres points saignèrent légèrement sur le sein droit, des larmes écarlates vite étouffées. Chiara sentit une dernière brûlure, fugitive, comme un adieu, puis plus rien – juste ce poids, cette présence qui emplissait sa poitrine comme une caresse intérieure, un secret qu’elle porterait en elle.

Marianne désinfecta à nouveau, la chlorhexidine traçant des cercles froids sur les seins désormais libérés, leur surface luisante captant la lumière dans un éclat presque irréel. Elle appliqua deux pansements larges, leurs bords adhésifs épousant les courbes avec une précision géométrique, couvrant les trois points d’injection de chaque côté. « Et voilà, ma belle, » dit-elle, sa voix teintée d’une satisfaction tranquille. « Vous êtes prête à repartir. »

Chiara se redressa lentement, ses muscles ankylosés protestant doucement sous l’effort. Elle attrapa son soutien-gorge, ses doigts glissant sur la dentelle avec une lenteur presque rituelle. Les seins, alourdis par le traitement, dansaient sous ses mouvements, leur poids nouveau les entraînant dans une oscillation paresseuse. Elle les ajusta dans les bonnets avec une satisfaction secrète, savourant cette plénitude qui pulsait sous sa peau, un trouble doux et inavoué qui la suivrait jusqu’au lendemain.

« Merci, Marianne, » dit-elle, enfilant son pull avec précaution. « Toujours un plaisir. » L’infirmière rangea son matériel, ses gestes rapides et efficaces, un sourire flottant sur ses lèvres. « A dans deux semaines, alors. Et attention à la pluie, hein ! »

Chiara hocha la tête, attrapant son sac. En quittant la salle, elle sentit cette plénitude l’envelopper comme une étreinte, une vague lente et capiteuse qui la porterait jusqu’au prochain rendez-vous, un fantasme discret niché au creux de sa chair.

La porte de la salle 12 se referma derrière Chiara avec un claquement discret, un écho qui résonna dans le silence revenu. Marianne resta immobile un instant, les mains encore occupées à ranger le chariot, ses doigts glissant sur les tubulures désormais inertes. L’air semblait plus lourd, chargé d’une tension qu’elle ne nommait pas, une chaleur diffuse qui s’attardait dans ses paumes gantées.

Elle ôta les gants d’un geste sec, les jetant dans la poubelle avec une précision mécanique, mais son esprit s’échappait déjà, happé par des images qui tournaient en boucle, insidieuses, tenaces. Le poids des seins de Chiara sous ses doigts, leur fermeté insolente, la résistance fugace de la peau avant que la canule ne s’enfonce – un frisson remonta le long de sa colonne, un écho qu’elle ne pouvait ignorer.

Elle traversa le couloir d’un pas rapide, presque furtif, ses semelles crissant sur le linoléum comme un murmure pressé. Les vestiaires du personnel se trouvaient au bout, une enfilade de cabines étroites aux portes métalliques peintes d’un gris terne. Elle poussa celle du fond, la plus isolée, et s’y glissa comme on entre dans un confessionnal. Le verrou claqua derrière elle, un son définitif qui scella l’espace. Le vestiaire sentait le métal froid et le tissu humide, une odeur de fin de journée qui se mêlait à celle, plus intime, de sa propre peau sous la blouse. Elle s’adossa à la paroi, le contact dur et glacial contre ses épaules la ramenant un instant à la réalité, mais ses pensées s’échappaient déjà, irrésistibles.

Sa main droite, d’abord hésitante, glissa vers l’élastique de son pantalon de toile, un tissu rêche qui contrastait avec la douceur de ses doigts. Elle ne réfléchissait plus, guidée par une pulsion sourde, un besoin qui montait comme une marée.

Sous le tissu, la chaleur de sa peau l’enveloppa, un refuge secret où les images prenaient vie. Elle revoyait la canule, son éclat métallique sous les néons, la façon dont elle avait percé la chair de Chiara – ce moment précis où la peau cédait, où la profondeur s’ouvrait à elle, une violation lente et consentie qui vibrait encore dans ses nerfs. La fermeté du sein, sa courbe pleine, son poids vivant sous ses mains, tout revenait en vagues, obsédante, enivrante. Elle imaginait la pointe d’acier s’enfonçant encore, encore, un geste qu’elle répétait en esprit avec une précision presque sacrée, un rituel qui la consumait.

Puis, l’image bascula, comme un miroir qui se retourne. Elle se voyait allongée, torse nu, la blouse écartée, ses propres seins exposés, moins opulents mais frémissant sous une tension nouvelle. Dans ce fantasme inversé, c’était Chiara qui tenait la canule, ses doigts fins et assurés traçant des lignes invisibles sur sa peau. Elle sentait presque la piqûre, la morsure froide de l’aiguille pénétrant sa chair, un mélange de douleur et de délivrance qui faisait trembler ses jambes. Les rôles s’inversaient, et cette pensée – Chiara au-dessus d’elle, son regard calme mais chargé d’une intention trouble – la précipitait plus loin, dans un vertige qu’elle ne contrôlait plus.

Son souffle s’accéléra, rauque, contenu, s’échappant par saccades dans l’espace confiné. Ses doigts, cachés sous l’élastique, suivaient un rythme instinctif, une danse secrète qui répondait aux images gravées dans son esprit. La cabine, avec ses murs froids et son silence oppressant, devenait une bulle hors du temps, un lieu où la frontière entre le réel et l’imaginaire s’effaçait. La sensation de la canule, cette intrusion profonde, revenait sans cesse, mêlée à la vision des seins de Chiara, puis des siens, offerts, percés, unis dans une étrange communion. Une chaleur monta en elle, irradiante, comme un feu qui couve sous la cendre, jusqu’à ce qu’un frisson la traverse, brutal et silencieux, la laissant pantelante contre la paroi.

Elle resta là, immobile, le temps que son souffle retrouve un semblant de régularité. Les images s’estompèrent lentement, comme des ombres chassées par la lumière, mais leur écho persistait, tapi quelque part dans sa chair. Elle remonta sa main, ajusta son pantalon avec un geste machinal, et déverrouilla la porte.

En sortant, elle croisa son reflet dans le miroir terni des vestiaires – un visage impassible, professionnel, qui ne trahissait rien. Pourtant, au fond d’elle, une braise continuait de rougeoyer, un secret qu’elle porterait jusqu’à la prochaine fois.