Scénettes piquantes
Mademoiselle l'infirmière (version 2025)
Aurélie s’étira avec lenteur, les paupières encore lourdes de sommeil. Le carillon strident de son réveil l’avait arrachée sans ménagement à son rêve évanescent, lui rappelant soudain l’importance de la journée : la rentrée !
Etudiante en école d’infirmière, elle aurait pu profiter d’un mois supplémentaire avant la reprise des cours – sa dernière année, celle qui lui offrirait peut-être le graal tant convoité : le diplôme d’Infirmière Diplômée d’État (IDE).
Mais en attendant ce couronnement incertain, la chance lui avait souri. Une petite annonce, une candidature spontanée, et voilà qu’elle décrochait un poste d’infirmière scolaire dans un collège. A sa propre surprise, le directeur l’avait embauchée dès le premier entretien.
Et c’est ainsi qu’en ce matin de septembre, Aurélie, comme des millions d’élèves, se préparait à faire sa rentrée.
En arrivant devant l’établissement, Aurélie dut se frayer un chemin à travers une marée d’adolescents surexcités, heureux de se retrouver après ces longues semaines de vacances. Malgré le tumulte, elle parvint sans encombre à la loge du concierge, où l’attendait un homme prévenant. Informé de son arrivée par le directeur, celui-ci lui remit avec un sourire complice les clés de l’infirmerie – ce précieux sésame qui officialisait sa nouvelle fonction.
Le cœur battant, Aurélie poussa enfin la porte de son futur domaine. Dès aujourd’hui, pour les élèves comme pour le personnel, elle ne serait plus seulement Aurélie… mais Mademoiselle l’infirmière.
Son bureau n’avait rien d’un cabinet ministériel. Entre les murs un peu défraîchis et le matériel spartiate, il était clair que la santé scolaire n’était pas la priorité des budgets. Pourtant, en y posant son sac, elle sentit une vague de fierté l’envahir. Ce petit local anonyme, c’était désormais le sien – et cela suffisait à lui faire oublier son austérité.
Aucune consigne précise ne lui avait été transmise. Le directeur, absorbé par les urgences de cette rentrée mouvementée, n’avait sans doute pas eu le temps de s’attarder sur les détails. Qu’à cela ne tienne, Aurélie entreprit d’explorer méthodiquement son nouveau territoire.
L’infirmerie se révélait modeste : un bureau, deux petites salles adjacentes équipées de lits aux matelas douteux et de lavabos étroits, le tout complété par des sanitaires sommaires. Rien de bien glamour, mais c’était son royaume désormais.
Elle consacra un long moment à inventorier le contenu de l’armoire à pharmacie, une pièce visiblement plus récente que le reste. Les étagères regorgeaient de l’essentiel : désinfectant, compresses stériles, bandages, sparadraps colorés. Côté médicaments, l’éventail se limitait aux basiques – antidouleurs, anti-nauséeux – accompagnés de quelques thermomètres qui semblaient avoir connu des jours meilleurs.
De retour à son bureau, elle en tira les tiroirs avec curiosité. Presque vides, si ce n’est quelques fournitures de bureau oubliées par son prédécesseur. Les mains posées sur le bois usé, Aurélie laissa son regard se perdre par la fenêtre. Une idée germait déjà : établir une liste exhaustive des améliorations nécessaires. Elle y travaillerait patiemment, déterminée à faire de cette infirmerie rudimentaire un véritable havre de soins.
Elle était absorbée dans son inventaire depuis près de deux heures quand des coups discrets résonnèrent à sa porte.
« Entrez ! »
Un homme élégant dans la cinquantaine franchit le seuil, son costume sobre soulignant une posture autoritaire.
« Mademoiselle Aurélie Lemoine, je présume ? »
« Oui, c'est bien moi ... Monsieur ... ? »
« Docteur Samain. Enchanté. »
Sa voix veloutée contrastait avec une poignée de main ferme. Aurélie sentit ses paumes devenir moites tandis qu'il poursuivait :
« Je représente le ministère de l'Éducation nationale. Je viens procéder à votre visite médicale d'embauche. »
« Ah ? J'avais cru comprendre que je devais me rendre au centre de médecine du travail ... »
« Voyez-vous, le ministère prend soin de ses personnels », lui épargna-t-il avec un sourire qui ne parvenait pas à atteindre ses yeux. « Nous simplifions les démarches. »
« Eh bien ... très bien, alors. »
La réponse lui échappa, teintée d'une hésitation qu'elle ne parvint pas tout à fait à dissimuler.
Le médecin promena son regard autour de la pièce, une moue légèrement dédaigneuse aux lèvres :
« Ce n'est pas Byzance, ici ... »
« Non », admit Aurélie avec un sourire forcé. « Mais pour un premier poste, c'est parfait. J'aurai le temps de voir du pays plus tard. »
« Dans l'Éducation nationale, vous en verrez effectivement de toutes les couleurs », rétorqua-t-il avec une pointe d'ironie.
« Pour l'instant, cela me permet surtout de financer ma dernière année d'études », répondit-elle en ajustant nerveusement ses manches.
Le docteur Samain hocha la tête sans commentaire et désigna la porte d'un geste las :
« On va donc faire avec ce que l’on a. Je vous conseille toutefois de fermer la porte pour éviter toute intrusion intempestive durant l’examen. »
« Bien sûr ... »
D'un pas qu'elle espérait décontracté, Aurélie s'exécuta. Le trousseau de clés tinta faiblement dans sa main tremblante tandis qu'elle donnait deux tours de serrure. Après une brève hésitation, elle tira également les lourds rideaux beiges, isolant la pièce du monde extérieur.
Le médecin avait déjà ouvert sa volumineuse mallette, alignant méthodiquement ses instruments sur le bureau. Le métal froid scintilla sous la lumière fluorescente.
« Je me déshabille docteur ? »
« Oui, s’il vous plaît … »
Aurélie déplaça une chaise près d’elle, songeant qu’un portemanteau mobile serait utile – une note mentale de plus pour sa liste. Le médecin, absorbé par un dossier, lui offrait la discrétion de son dos tourné. Elle en profita pour se déshabiller avec une hâte nerveuse : ses baskets d’abord, puis son jean qu’elle fit glisser d’un mouvement vif, enfin son sweater qu’elle ôta d’un geste ample, libérant ses épaules d’un seul coup.
Il ne lui restait plus que sa lingerie en soie paille – un soutien-gorge à balconnet et un petit slip échancré, trop élégants pour ce cadre clinique.
« Je suis prête, docteur … »
« Bien. »
L’homme se retourna, ajustant d’une main experte le stéthoscope autour de son cou. Son regard parcourut Aurélie avec une neutralité professionnelle, sans s’attarder.
« Tenez-vous droite, s’il vous plaît. Respirez profondément par la bouche … »
Un frisson parcourut Aurélie lorsque le métal froid du stéthoscope entra en contact avec sa peau. Bien qu'elle connaisse parfaitement la procédure pour l'avoir maintes fois pratiquée en stage, elle ne put réprimer cette réaction instinctive. L'instrument glissa avec méthode sur son thorax, remontant vers les clavicules avant de redescendre le long de la courbe de ses seins, puis disparaissant dans son dos entre les omoplates. Elle concentrait toute son attention à maintenir une respiration régulière, synchronisant ses inspirations aux instructions murmurées du médecin.
« Voyons votre tension maintenant. »
Son bras gauche se tendit automatiquement. Le brassard se resserra autour de son biceps dans une étreinte progressive, comprimant chair et muscles avant de se relâcher avec un léger sifflement. La peau marquée gardait à présent les stries temporaires du tissu.
Le médecin poursuivit son examen avec une efficacité routinière. L'otoscope pénétra brièvement dans ses conduits auditifs, suivi du faisceau lumineux qui fit contracter ses pupilles. L'abaisse-langue métallique lui écrasa la langue, provoquant un réflexe nauséeux qu'elle maîtrisa aussitôt.
Ses doigts experts entamèrent alors la palpation systématique des ganglions. D'abord dans les creux de son cou, où ses doigts exercèrent une pression calculée. Puis sous les aisselles, zone où son toucher sembla s'attarder un instant de trop. Enfin le long des clavicules, dernier arrêt de ce parcours clinique qui la laissait étrangement vulnérable malgré sa connaissance professionnelle de chaque geste.
Le médecin entreprit alors une série de questions routinières, notant chaque réponse d'un coup de stylo sec sur son dossier.
« Vous fumez ? »
« Non, jamais. »
La pointe du stylo gratta le papier.
« Consommation d'alcool ? »
« Un verre occasionnellement, en soirée. Rien d'excessif. »
Il hocha la tête sans commentaire.
« Des médicaments en ce moment ? »
« Aucun. »
« Des pathologies chroniques ? »
« Non ... »
« Des allergies connues ? »
« Non rien. »
Les questions s'enchaînaient mécaniquement, auxquelles elle répondait par de brefs démentis.
« Des troubles digestifs ? »
« Non. »
« Des problèmes dentaires ? »
« Non plus. »
Le médecin leva enfin les yeux de son dossier.
« Des problèmes aux seins ? »
« Juste quelques tensions avant mes règles ... »
Il referma le dossier d'un geste définitif.
« Parfait. L'examen physique est terminé. »
L'examen n'avait duré qu'une dizaine de minutes - une rapidité à laquelle Aurélie était habituée dans le cadre de la médecine du travail. Elle commençait déjà à enfiler son jean lorsque la voix du médecin la stoppa net :
« Un instant, mademoiselle. Il nous reste encore le test d'aptitude à passer. »
Aurélie fronça les sourcils, interloquée :
« Un test d'aptitude ? De quoi s'agit-il ? »
« Vous n’avez pas encore le diplôme d’infirmière mais vous en occupez le poste. Vous avez la responsabilité de la santé et du bien-être des élèves de cet établissement. Ce qui veut dire que dans ce cadre vous allez être amenée à effectuer certains actes médicaux. Mais votre savoir est essentiellement théorique pour l’instant. Je dois donc vérifier que vous êtes capable de pratiquer concrètement ces actes. Je ne parle pas de chose simple comme administrer une pilule ou poser un pansement. Je veux surtout parler des injections. »
« Je comprends, admit Aurélie en mordillant sa lèvre inférieure. En effet, je n’en ai pratiqué que quelques-unes jusqu’à présent … »
« Alors voyons comment vous vous débrouillez … »
D’un geste précis, le médecin aligna sur le bureau une seringue dans son emballage et une boîte d’ampoules. La lumière fluorescente se refléta sur le verre des flacons.
« Vous allez me préparer une injection avec ce matériel. »
Aurélie saisit la boîte d’une main qu’elle s’efforça de garder stable. L’ouverture du carton produisit un craquement sec. Elle en sortit une ampoule et, par réflexe professionnel, en lut l’étiquette à voix haute :
« Vitamine B12, 2 ml, voie sous-cutanée, à utiliser avant le … »
Son doigt s’immobilisa sur la date. Les sourcils froncés, elle tourna l’ampoule entre ses doigts avant de lancer un regard interrogateur au médecin.
« Euh, docteur… ? »
« Oui ? »
« Cette ampoule est périmée depuis trois mois. »
Un sourire approbateur étira les lèvres du médecin.
« Félicitation mademoiselle Lemoine ! La plupart de vos collègues se laissent prendre à ce piège … »
Aurélie sélectionna une nouvelle ampoule, vérifiant scrupuleusement la date cette fois. Satisfaite, elle ouvrit l'armoire à pharmacie d'un geste décidé, en sortant méthodiquement un flacon de désinfectant, des compresses stériles et un rouleau de sparadrap.
Mieux vaut trop que pas assez, pensa-t-elle en déposant le matériel sur le bureau. Sous le regard inquisiteur du médecin, elle entreprit de remplir la seringue, ses doigts accomplissant chaque geste avec une précision rodée par les heures de pratique en laboratoire.
"Votre technique est irréprochable, mademoiselle Lemoine."
Le compliment la fit légèrement rougir. Elle resta immobile, la seringue à la main, incertaine de la suite.
« Maintenant, passons à la pratique. »
« Je dois la faire sur moi-même ? »
« Si cela ne vous dérange pas. »
« Non, ça va. Je l’ai déjà fait à l’école … »
« Parfait. Alors allez-y. Voie sous-cutanée, si vous le voulez bien. »
« D’accord … »
Aurélie posa délicatement la seringue sur la table. Après avoir imbibé une compresse d'alcool, elle entama le geste vers son bras gauche avant d'hésiter. Son regard balaya brièvement son abdomen, puis se décida pour la face externe de sa cuisse droite.
« Je ne crois pas que j’y arrivais seule sur le bras … », murmura-t-elle en essuyant la zone d'un mouvement circulaire.
« L'emplacement vous appartient », répondit le médecin avec neutralité.
Elle s'installa en demi-assise sur le bureau, trouvant un point d'équilibre. Elle pinça la peau de sa cuisse pour former un repli, décapuchonna l’aiguille avec ses dents, l’enfonça avec aisance à la base du pli et injecta rapidement le contenu de la seringue. Elle frotta ensuite le point de piqûre avec le coton et termina par la pose d’un sparadrap.
« Voilà docteur, j’ai fini … »
« Très très bien. Votre technique est bonne. Juste une remarque si vous le permettez, vous injectez un peu vite. Vous le supportez sans doute très bien mais sur une autre personne il conviendrait d’être plus délicat. »
Elle eut un hochement vif. « Oh bien sûr docteur … Je ne ferais pas ça sur autrui ! »
« Je vous fais confiance … On peut continuer ? »
« Je vous écoute … »
Le médecin glissa vers elle un nouveau nécessaire d'injection. « Même exercice, commençons par la préparation. »
Cette fois, le défi se compliquait : un flacon de Mediastan lyophilisé nécessitant une reconstitution. Aurélie entreprit la procédure avec méthode - désinfection soigneuse du bouchon en caoutchouc, prélèvement précis de 3 ml d'eau stérile qu'elle injecta dans la poudre blanche. Son poignet imprima au flacon un mouvement rotatif régulier jusqu'à dissolution complète. Le liquide reconstitué fut aspiré avec attention, la seringue complétée du solvant restant.
« Cette fois, ce sera en intramusculaire », annonça le médecin.
Aurélie jeta un regard à l'aiguille imposante et au volume médicamenteux. Elle s’y était attendue. Un nouveau coton alcoolisé circula sur sa cuisse droite.
« Vous ne choisissez pas un autre site d'injection ? »
« Je suis droitière », expliqua-t-elle en ajustant sa position. « Sur la cuisse gauche ce serait malcommode. »
Un silence pesant s'installa. Aurélie mordilla sa lèvre, partagée entre l'appréhension et la fierté professionnelle. La perspective d'une injection maladroite dans sa cuisse gauche la faisait hésiter.
« Je ... je vais plutôt me la faire dans la fesse … » Annonça-t-elle enfin, la voix légèrement tremblante.
Le médecin haussa un sourcil. « C'est votre choix. »
« Ce sera plus pratique », insista-t-elle en détournant le regard.
D'un geste mal assuré, elle fit glisser le côté droit de son slip, découvrant sa fesse. La peau nue apparut, pâle sous la lumière crue de l'infirmerie. Elle avait également pratiqué cet exercice à l’école. S’il demandait un peu de souplesse, il n’en demeurait pas moins simple au point de vue de la technique. Elle se contorsionna afin de frotter le coton près de sa hanche.
« Vous piquez toujours aussi haut ? » Commenta le médecin d'une voix neutre.
« Sur moi oui, c’est plus facile pour voir ce que je fais … » Expliqua-t-elle tout en cherchant la bonne position.
« Alors imaginez que ce n’est pas sur vous mais sur un patient, et descendez plus bas. »
Elle ajusta son geste, sentant son cœur battre plus vite.
« Comme cela docteur ? »
« Encore un peu... là. Parfait. »
Aurélie suivit les instructions à contrecœur. La zone idéale, située dans le quadrant supéro-externe de sa fesse, lui échappait visuellement. Elle procéda donc à une désinfection approximative, couvrant une large surface par précaution. La position inconfortable lui tordait le torse sans pour autant lui offrir une meilleure visibilité. Avec un soupir, elle se redressa.
D'un mouvement machinal, elle dégagea l'aiguille de son capuchon avec les dents, tout en expulsant l'air résiduel d'une légère pression sur le piston. Privée de repères visuels, elle adopta une approche tactile : la pointe de l'aiguille effleura sa peau en cercles concentriques jusqu'à localiser la zone cible.
Une pression ferme, et l'acier pénétra sans résistance dans le tissu musculaire. Elle tourna légèrement la tête pour vérifier l'absence de sang dans le corps de la seringue, puis, saisissant l'appareil à pleine main, administra le médicament avec une lenteur calculée - bien plus mesurée que lors de l'injection précédente.
La seringue vidée, Aurélie la lâcha pour chercher la compresse, mais celle-ci avait disparu. Ses yeux balayèrent le bureau à plusieurs reprises, tandis que chaque rotation de son corps faisait osciller la seringue encore plantée dans son muscle, provoquant une désagréable sensation de picotement.
Exaspérée, elle attrapa une nouvelle compresse dans le paquet et, d'un geste vif, retira enfin la seringue. Elle pressa le coton sur la zone avant de rajuster son slip avec un soulagement discret.
« Terminé, docteur. »
« Excellent travail. Mon rapport sera très positif, soyez-en sûre. »
« Oh merci ! Cela comptera aussi pour mon examen final ? »
« Absolument. Quelques points bonus, sans aucun doute. »
« Super ! » Fit-elle, radieuse.
Le médecin sourit, observant ses réactions.
« Ce n'était pas trop pénible ? »
« La deuxième injection était un peu plus sensibledésagréable. »
« A cause du produit, n'est-ce pas ? »
« Oui, il brûle un peu », admit-elle en frottant discrètement sa fesse. « Mais ce n'est rien, j'ai connu pire ! »
« Parfait. Alors, une dernière pour finir ? »
« D'accord ... »
« Je vous donne ce qu’il faut … »
Il s’agissait cette fois d’une ampoule d’Ocytocine, d’un flacon de Galactogyl et d’une seule seringue.
Le médecin disposa sur la table une ampoule d'Ocytocine et un flacon de Galactogyl, accompagnés d'une seule seringue.
« Les deux produits ensemble ? » S'enquit Aurélie en examinant les étiquettes.
« Exactement. »
Elle vérifia rapidement la compatibilité des solutions avant de les prélever dans la seringue, contrôlant d'un œil expert la consistance du mélange. Un nouveau coton alcoolisé rejoignit son petit matériel.
« Je peux me la faire en intraveineuse, docteur, j’y arrive très bien toute seule ... »
Le médecin leva un sourcil sceptique. « C'est pourtant la technique la plus délicate en auto-injection. »
« Je n'ai jamais échoué, ni sur moi ni sur les patients. » Affirma-t-elle avec une assurance tranquille.
Son assurance sembla convaincre le médecin, qui esquissa un sourire : « Je vous crois volontiers, d’après ce que j’ai déjà vu. Je vais vous faire une fleur et choisir quelque chose de plus facile, disons en intra mammaire … »
Le teint d'Aurélie vira soudain à la pâleur crayeuse.
« En intra mammaire ... », murmura-t-elle, les lèvres sèches.
Le médecin croisa les bras. « Ne me dites pas que vous ne maîtrisez pas cette technique ? »
« Si, bien sûr ... C'est au programme », admit-elle en détournant le regard. « Mais … je veux dire … C’est utile pour le collège ? »
« Je vous rappelle que plus de trois cinquièmes des élèves de l’école sont des filles … »
« Oui, bien sûr … vu comme ça … »
« Alors allez-y … »
Un silence épais s'installa. Aurélie tripotait nerveusement le bord du bureau.
« C’est que … Je ne vais pas vous mentir, je n’aime pas ça … Quand j’ai essayé, en deuxième année, j’ai eu très mal et je n’ai jamais voulu recommencer … »
Le médecin soupira, adoptant un ton paternel : « Allons, un peu de courage. Pensez à votre évaluation finale. Ce serait dommage de gâcher vos résultats, excellents jusqu’à présent ? »
Sa main trembla légèrement. « Non, vous avez raison, docteur. »
« Prenez tout votre temps », concéda-t-il en reculant d'un pas. « Nous ne sommes pas pressés … »
Aurélie sentit une boule se former dans sa gorge. Reculer était impossible : chaque point comptait pour ce diplôme tant convoité. Elle devait se piquer, que ça lui plaise ou non.
Les doigts tremblants, elle détacha d'abord le soutien-gorge, libérant sa poitrine. Ses seins en forme de poire, ni trop petits ni trop volumineux, offraient des aréoles pâles qui se fondaient presque dans la blancheur de sa peau.
Elle passa une main sur son sein droit, cherchant la zone idéale - la partie inférieure, légèrement sur le côté, lui sembla la plus accessible. Le coton imbibé d'alcool glissa longuement sur sa peau, comme pour retarder l'inévitable.
La seringue entre ses doigts, elle défit le capuchon de l'aiguille avec les dents, ce goût métallique lui rappelant soudain l'échec douloureux de sa deuxième année. D'une main, elle souleva légèrement son sein, créant une surface tendue. L'aiguille scintilla sous la lumière fluorescente, prête à pénétrer.
Un dernier souffle profond. Son cœur battait à tout rompre. L'instant de vérité était venu.
Ses doigts tremblaient, moites de transpiration. L’aiguille lui semblait monstrueuse. Sa poitrine se soulevait par à-coups sous l’effet de sa respiration saccadée. Les marques blanches laissées par ses doigts sur sa peau témoignaient de la force de son étreinte.
Allez, vas-y. Tu sais faire. C’est juste une piqûre, comme les autres. Imagine que c’est une patiente, pas toi …
Elle ferma les yeux.
Et, sans que ce soit une volonté consciente de sa part, sa main poussa l’aiguille de toute sa longueur dans son sein et injecta le produit dans la foulée. La piqûre fut si rapide qu’elle n’eut pas le temps d’avoir peur.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, la seringue était plantée dans son sein, oscillant légèrement.
« Je n’ai pas eu mal … Je n’ai pas eu mal … » Murmura-t-elle, incrédule.
La jeune fille pleurait de joie devant cette évidence. Sa réaction était à la hauteur de la crainte qui l’avait envahie quelques instants auparavant. Le médecin observa la scène en silence, la laissant savourer sa victoire.
« J’ai pas eu mal ! »
Aurélie retira enfin la seringue d’un geste nerveux, pressant le coton contre sa peau avec des doigts encore tremblants. Elle massait par réflexe, comme pour chasser toute trace de l’injection.
« J’y crois pas … » Répéta-t-elle dans un souffle. « J’ai pas eu mal ! »
Pendant qu'Aurélie demeurait absorbée par son soulagement, le médecin rassembla ses instruments avec une précision méthodique. Le claquement sourd de la mallette qu'il referma rompit brièvement le silence.
« L'examen est terminé. Vous avez été exemplaire, mademoiselle Lemoine. »
Il ajusta sa cravate d'un geste machinal avant d'ajouter, sur un ton plus confidentiel :
« Dans les prochains jours, vous observerez peut-être quelques écoulements du côté du sein qui a été piqué. Simple effet secondaire des produits injectés. Je vous préviens surtout pour éviter qu'ils ne tachent votre beau soutien-gorge. Enfin ne vous inquiétez pas, ça ne durera pas longtemps … »
Son sourire professionnel ne masquait qu'à peine une pointe de paternalisme. Aurélie, toujours sous le choc de sa réussite, continuait à masser machinalement son sein, murmurant des phrases entrecoupées que personne n'était censé comprendre.
Sans insister, le médecin récupéra le trousseau de clés. Le léger cliquetis de la serrure, puis le grincement étouffé de la porte marquèrent sa sortie discrète, laissant la jeune infirmière seule avec sa victoire et ses pensées confuses.