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Les tribulations de François

Une visite mouvementée à la pharmacie

Une Visite mouvementée à la Pharmacie

Le vent frais de l'automne soufflait doucement sur la petite ville de Saint-Lambert, balayant les feuilles dorées qui tapissaient les trottoirs. François, un adolescent de dix-huit ans au visage pâle et aux joues rougies par la fièvre, suivait sa mère, Claire, d’un pas traînant. Sa gorge était sèche, son nez coulait, et chaque pas semblait lui demander un effort surhumain. La grippe, diagnostiquée la veille par la doctoresse, l’avait cloué au lit, mais Claire, femme pragmatique et organisée, avait insisté pour se rendre à la pharmacie dès l’ouverture.

Ils poussèrent la porte vitrée de la pharmacie du village, un petit établissement aux murs blancs ornés de posters sur la prévention des rhumes et les bienfaits des vitamines. Une odeur d’antiseptique et d’eucalyptus flottait dans l’air, mêlée à une légère fragrance de lavande provenant d’un diffuseur posé sur le comptoir. Derrière ce dernier se tenait Suzy, la pharmacienne, une femme d’une quarantaine d’années à l’allure élégante. Ses cheveux bruns étaient soigneusement relevés en un chignon, et son sourire éclatant contrastait avec son regard perçant, qui semblait lire à travers les gens. Elle portait une blouse blanche impeccablement repassée, ouverte juste assez pour révéler un décolleté que François, malgré sa fièvre, ne pouvait s’empêcher de remarquer. Il détourna vite les yeux, gêné, espérant que sa mère n’avait rien vu.

« Claire ! Ça fait plaisir de te voir ! » lança Suzy en contournant le comptoir pour embrasser son amie. Les deux femmes, amies depuis leurs années d’école, échangèrent quelques mots chaleureux, leurs voix résonnant doucement dans la pharmacie déserte. Claire tendit l’ordonnance froissée du médecin, ses doigts crispés révélant une légère impatience. « François a la grippe, » expliqua-t-elle en jetant un regard à son fils, qui s’était appuyé contre une étagère de sirops pour la toux, l’air misérable.

Suzy hocha la tête, ses boucles d’oreilles en argent scintillant sous les néons. « Oui, le virus fait des ravages en ce moment. On voit défiler les ordonnances ! » Elle attrapa la prescription et se dirigea vers les rayonnages, ses talons claquant légèrement sur le carrelage. « Pas grand-chose à faire, tu le sais, Claire. Repos, hydratation, et gérer la fièvre. Les suppositoires de paracétamol sont parfaits pour ça. » Elle revint avec une boîte blanche, qu’elle posa sur le comptoir avec assurance. « Ce sont des 1g, les modèles pour adultes. Pense à bien les lubrifier, ils sont un peu gros. »

François, qui jusque-là fixait distraitement une affiche sur l’hygiène des mains, sentit une vague de panique l’envahir. Des suppositoires ? Pour adultes ? Gros ? Son visage, déjà pâle, devint livide. Il lança un regard implorant à sa mère, mais Claire, occupée à ranger son portefeuille, ne le remarqua pas. Suzy, en revanche, capta son expression et éclata d’un rire léger, presque taquin. « Oh, François, ne fais pas cette tête ! Je suis sûre que ta maman s’occupera de toi avec douceur. Une petite fusée pour te guérir, rien de bien méchant ! » Elle lui adressa un clin d’œil, comme s’il était un enfant de six ans, et non un adolescent qui se sentait déjà humilié.

Elle poursuivit, imperturbable : « Mon fils, Lucas, utilise les mêmes. Il a treize ans, et crois-moi, pas une larme, pas un cri. Ça glisse tout seul quand c’est bien fait. » Elle tapota la boîte avec un sourire rassurant, mais François n’était pas convaincu. Il imaginait déjà l’épreuve, et son estomac se noua davantage.

Claire, qui écoutait distraitement, hocha la tête. « Oui, c’est Mme Martin qui m’a conseillé les suppositoires. Elle les utilise pour Laurent quand il est malade, et ça marche à merveille. » Laurent, le meilleur ami de François, était apparemment soumis au même traitement. Cette pensée ne fit qu’accentuer l’embarras de François, qui se voyait déjà la risée du collège si cette histoire s’ébruitait.

Soudain, Claire changea de sujet. « Oh, et Suzy, j’aurais besoin d’une crème à l’arnica aussi. François a eu une sacrée correction hier. » Elle lança un regard sévère à son fils. « Une bonne fessée au martinet pour avoir fumé en cachette. »

François sentit ses joues s’enflammer, et pas à cause de la fièvre. « Maman, s’il te plaît, c’est gênant ! » marmonna-t-il, baissant les yeux vers ses baskets usées. Il aurait voulu disparaître sous le carrelage.

Le visage de Claire s’assombrit, et sa voix devint aussi tranchante qu’un couteau. « Gênant ? Ce qui est gênant, François, c’est ton comportement ! Si tu continues à répondre comme ça, je te donne une fessée ici même, devant Suzy, et je te promets que tu t’en souviendras ! »

Un silence lourd s’installa. François, mortifié, n’osa plus ouvrir la bouche. Suzy, les bras croisés, observait la scène avec une autorité naturelle. « Tu as raison, Claire, » dit-elle en hochant la tête. « Rien de tel qu’une bonne fessée déculottée pour remettre les idées en place. Avec mes trois loustics, crois-moi, j’ai la main bien entraînée. » Elle leva sa main droite, comme pour prouver son point, ses ongles vernis de rouge scintillant sous la lumière. Son regard perçant se posa sur François, qui se sentit minuscule. Suzy était connue dans le village pour être une mère stricte, et ses trois enfants, tous plus jeunes que François, étaient d’une politesse irréprochable – probablement par peur de sa main experte.

« Allez, passe une bonne journée, Claire, et prends bien soin de François, » dit Suzy en embrassant son amie sur les deux joues. Puis, se tournant vers François avec un sourire en coin, elle ajouta : « Et toi, bon rétablissement… et gare à tes fesses ! »

Les deux femmes éclatèrent de rire, leur complicité évidente. François, lui, quitta la pharmacie la boule au ventre, la boîte de suppositoires dans le sac en papier que sa mère serrait fermement. Les mots de Suzy – « grosse taille » – résonnaient encore dans sa tête, amplifiant son appréhension. Dehors, le vent frais lui fouetta le visage, mais il ne se sentit pas mieux pour autant. Cette journée, déjà marquée par la grippe et l’humiliation, s’annonçait comme l’une des pires de sa vie.