Vues: 911 Created: 2012.01.16 Mis à jour: 2012.01.16

2h²o

2h²o

16 janvier 2012 9 h. Hôtel de Matignon

Ce lundi matin, le Premier ministre était d’humeur chagrine. Il était inquiet, fébrile comme un si son inconscient voulait lui indiquer que la journée allait être difficile. Certes, l’activité à Matignon n’était jamais de tout repos : entre les ministres qui voulaient plus de budget et ceux qui se plaignaient des « peaux de bananes » lancées par leurs confrères, il fallait continuellement arbitrer en faveur de l’un ou de l’autre, calmer les ardeurs des plus agressifs et réconforter l’égo malmené des grincheux. Il y avait aussi les « bourdes » déclarées à la presse par des membres du gouvernement naïfs ou inconscients qu’il fallait rectifier, expliquer, remettre dans le contexte. Pour le premier des ministres, c’était une tâche épuisante et ingrate car quoi qu’il fasse, il y avait toujours des mécontents sans compter le Président qui, avec les grandes oreilles de l’Élysée, savait toujours tout avant tout le monde et téléphonait à longueur de journée pour demander à intervenir sur le champ sur tel ou tel incident.

Bref, la routine en quelque sorte, c’était son métier et François Fillon en avait l’habitude. Mais ce matin là, en arrivant dans son bureau, il fut aussitôt abordé par son chef de cabinet qui, d’un air grave lui déclara que Claude Guéant le ministre de l’Intérieur voulait lui parler de toute urgence.

- Allons bon, qu’il m’appelle par téléphone, je le prendrais en priorité.

- C’est à dire, Mr le Premier Ministre, il est là, en personne et il veut vous parler en toute confidentialité.

- La semaine commence bien, marmonna le chef du gouvernement. Faites-le donc entrer…

Une fois la double porte dorée du cabinet refermée le ministre de l’Intérieur prit la parole :

- François, la situation est sérieuse, nous venons de déjouer un attentat.

- Et bien, c’est parfait, bon travail, en quoi cela est-il si grave !

- C’est que l’attentat a déjà eu lieu.

- Mais je ne suis au courant de rien. A ma connaissance, on ne déplore aucune explosion, aucun assassinat, aucun accident suspect. De quoi s’agit-il ?

- Cela s’est passé dans l’usine d’embouteillage des eaux de source AquaSimplex (Note de l’auteur : le nom de cette marque est purement imaginaire). Un employé a découvert sur le tuyau de la pompe d’arrivée d’eau une dérivation reliée à un bidon de produit suspect. Et il devait être installé là depuis plusieurs jours en délivrant son contenu en goutte à goutte.

- Bigre, déclara le Premier ministre, quel était ce produit ? J’espère qu’il ne s’agissait pas d’un virus ou d’une bactérie.

- Non, heureusement, si c’était le cas, nous aurions déjà eu des victimes, en fait le produit ressemblait à de l’eau, avait la consistance de l’eau mais c’était de l’eau… lourde. Du 2H²O très exactement ou oxyde de deutérium, c’est ce que les laboratoires des services de la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur) m’ont expliqué en me réveillant cette nuit (je les avais harcelé afin qu’ils me donnent les résultats rapidement).

Le premier ministre prit sa tête entre ses mains et souffla longuement pour évaluer la situation.

- Ce produit est-il toxique ?

- Nous ne savons pas très bien, répondit Claude Guéant, certains déclarent que le produit est inoffensif voire bénéfique pour la santé, d’autres déclarent qu’il est dangereux. Tout dépend certainement des doses absorbées, j’ai demandé aussitôt à des experts de nous donner leur avis mais sans leur expliquer ce que nous avons découvert.

- Oui, c’est plus sage, surtout pas de panique, sait-on si les bouteilles infectées ont été distribuées ? Ou sont les stocks intoxiqués ? Quelle quantité exacte de produit a-t-elle été déversée ? Je suppose que les recherches sont en cours. Mais diantre, comment peut-on installer un bidon de poison dans l’usine d’embouteillage de notre fleuron d’eau minérale sans être repéré ? Et comment ce bidon a-t-il été détecté ?

- C’est grâce au zèle d’un nouveau salarié que le « pot aux roses » a été découvert, répondit Claude Guéant. L’employé qui remplaçait le titulaire parti précipitamment, était chargé de nettoyer le sol de la salle de pompage, il a été intrigué par une bonbonne du type des fontaines à eau des entreprises placée derrière un pilier. Son intuition l’a conduit tout droit au commissariat où il a donné l’alerte.

- Très bien, mais comment se fait-il que les services de contrôle qualité n’aient rien détecté?Je pense que l’eau doit être analysée tous les jours.

- Bien sûr, François, c’est effectivement la question que j’ai posée en priorité mais comme il s’agit de contrôles sanitaires et qu’il n’y avait ni virus ni bactérie, l’eau lourde diluée n’a pas pu être détectée.

- Tout cela est bien embêtant, combien de bouteilles sont contaminées et où sont-elles actuellement ?

- Le problème est que nous ne connaissons pas depuis combien de temps le piratage était en place. Les bouteilles sont stockées un jour ou deux sur le lieu de production avant d’être expédiées par palettes entières dans tous les supermarchés de France. Avec ce type de produit, les grandes surfaces travaillent « à flux tendu » et distribuent en quelques heures les produits livrés. Il est vraisemblable que des millions de nos concitoyens ont déjà bu de cette eau frelatée.

- Il faut immédiatement interdire la vente d’AquaSimplex, nous stopperons ainsi toute nouvelle contamination.

- Oui, François, mais il y plus ennuyeux encore. C’est que cette eau est également utilisé par une multitude d’usines de produits agro-alimentaires pour fabriquer des pâtes.La semoule de blé qui les constitue est hydratée avec de l’eau avant extrusion (mise en forme des pâtes) et beaucoup de fabricants ont choisi l’AquaSimplex pour garantir la qualité de leurs produits.

- Ah ! pour la garantie, c’est râpé ! Donc si je comprends bien, entre les buveurs de cette eau de source et les mangeurs de pâtes, 80% de la population à consommé de l’eau alourdie ! Ils sont malins les terroristes ! Seuls les consommateurs de vin ou de bière, végétariens et adeptes des légumes verts cuits à l’eau du robinet ont été épargnés ! Bon, il faut agir vite, je préviens le Président et le ministère de la santé. Il faut que ce dernier nous détermine de toute urgence la dangerosité de ce produit et nous trouve un antidote. De votre côté, continuez votre enquête, je ne doute pas votre détermination à trouver les coupables. Convoquez-moi aussi le directeur de l’usine d’embouteillage, apparemment on entre trop simplement chez AquaSimplex !

16 janvier 2012 9 h 30

Le ministre de l’Intérieur avait juste quitté le bureau quand le téléphone sonna.

- Bonjour, c’est le Président, alors François, on me fait des cachoteries, on empoisonne les électeurs et tu ne m’informes pas !

- Mais, Mr le Président, j’allais justement vous appeler, Claude Guéant quitte mon bureau à l’instant et viens juste de m’expliquer le problème. Comment avez- vous su ?

- Cherche pas, j’ai mes informateurs, mais revenons à l’affaire, il faut réagir discrètement, je ne veux pas de réaction de panique, cela ferait baisser les sondages. Que comptes-tu faire ?

- J’allais appeler Nora Berra la secrétaire d’état à la santé pour lui demander d’étudier avec ses experts quelle est la dangerosité exacte de cette eau lourde.

- Non, elle risque de croire qu’il s’agit de l’eau miraculeuse de Lourdes, passes directement par Xavier Bertrand, il est ministre de plein exercice et dispose de spécialistes avec de meilleurs diplômes. Il me faut une réponse avant midi. Débrouilles-toi.

16 janvier 2012 11h30

Depuis déjà une heure, Xavier Bertrand assisté de deux experts en médecine et de Nora Berra discutaient avec François Fillon. Ce dernier en effet avait tenu à convoquer la responsable de la santé pour avoir un point de vue féminin sur le problème.

- Résumons un peu ce que nous venons de dire déclara le premier ministre :

1) Bien qu’aux conséquences controversées, l’ingestion d’eau lourde serait un produit actif pour l’organisme. Pour les optimistes, elle réduit les divisions cellulaires et de nous permettrait de vieillir moins vite mais pour les pessimistes, cet isotope de l’hydrogène est radioactif et génère des rayons gamma ce qui seraient un facteur cancérigène. Le problème est qu’on ne sait pas quelle quantité a été introduite dans l’eau de source.

2) Comme cette eau est lourde, elle se dépose dans l’organisme, en particulier dans le côlon et y reste durablement sauf chez les enfants qui ont un système digestif « tout neuf ».

3) Il convient donc de rechercher un antidote pour éliminer cette eau lourde, du moins pour les adultes.

4) Cet antidote existe, c’est l'aldéhyde C17 (à la délicieuse odeur de cerise) dont le nom provient d’alcool déshydrogéné, ce produit organique décompose la molécule d’eau lourde et la transforme en alcool (attention à l’effet d’ivresse sur la population traitée !).

5) Bien qu’agréable à avaler cet antidote est cher et serait long à produire en grande quantité.

- C’est bien ça, repris Xavier Bertrand : faut-il prévoir un grand plan d’administration comme lors de la vaccination pour la grippe aviaire H5N1 ? Ou bien attendre que des maladies se déclarent et d’être voué à la vindicte populaire pour n’avoir rien tenté ? J’entends d’ici le Président crier que les caisses sont vides et qu’on va encore jeter de l’argent par les fenêtres ! Mais si une épidémie se déclenche, alors c’est derrière des barreaux que nous contemplerons les fenêtres !

C’est alors que Nora Berra émit une solution alternative.

- Il y a bien une autre solution bien moins couteuse à mettre en place. C’est le principe de dilution. Au lieu de tenter de désintégrer l’eau lourde incrustée dans l’organisme par des substances dangereuses ou aux effets secondaires mal connus, essayons de dissoudre ses molécules coriaces par une irrigation intensive du colon. L’eau lourde sera alors éliminée par effet d’entrainement.

- Tiens, déclara le premier ministre, l’idée est intéressante bien que connue, c’est en buvant de grandes quantités d’eau que nous parviendrons à éliminer la substance toxique.

- Malheureusement pas, repris Nora, l’eau bue n’aurait jamais assez de pression pour dissoudre les molécules lourdes, non, il ne faut pas envoyer l’eau par le haut mais par les bas et en grande quantité pour provoquer un effet de chasse!

- Par le bas ? S’exclamèrent les autres membres de la réunion qui visiblement ne comprenaient pas.

- Oui, par les voies naturelles basses, en lavement quoi ! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas ce moyen simple et économique de se nettoyer les intestins !

A ce moment le téléphone retentit coupant court à l’étonnement général. Le premier ministre, passablement emmerdé, décrocha. C’était le Président qui venait aux nouvelles.

- Allo, Mr le Président, oui nous sommes en plein débat.

- Avez-vous trouvé des solutions ?

François Fillon récapitula les grandes lignes de leurs réflexions. Le président réfléchit un instant puis demanda :

- Étudiez-moi en détail la deuxième solution, comment pourrait-on la mettre en place, à quel prix, je vais en parler à Carla puis j’en parlerai ce soir aux Français, c’est mon devoir. Je vous tiens au courant.

- Bien Monsieur le Président.

Puis se tournant vers ses collaborateurs en poussant un soupir :

- On se dirige vers le clystère à grand échelle ! Il va falloir chiffrer le coût des équipements, la logistique, l’initiation par des professionnels de santé, la détermination de la fréquence et de la durée du traitement. Préparez-moi un plan détaillé de mise en œuvre de cette solution. Et vite, le Président veut faire une déclaration à la télé ce soir au journal de 20 h.

-------------------------------------------

16 janvier 2012 20 h Allocution du Président de la République

Mes chers compatriotes

Vous le savez, notre monde est dangereux et des fous de toutes sortes cherchent à nous nuire. Hier, nous avons découvert un ignoble attentat : des crapules sans scrupules ont réussies à empoisonner de l’eau minérale. Notre prestigieuse marque d’eau de source AquaSimplex a été scandaleusement attaquée par des terroristes qui sont parvenu à introduire un produit étranger dans l’usine d’embouteillage 100 % robotisée de notre fleuron national de production d’eau en bouteilles. Ce produit a été identifié, c’est de l’eau lourde utilisé entre autre dans des centrales nucléaires pour ralentir les neutrons. Je vous rassure tout de suite, cet additif n’est pas mortel à court terme, cependant il est de mon devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour la santé publique.

C’est pourquoi, après consultation des ministres concernés, j’ai demandé à des spécialistes de la médecine, qu’elles étaient les mesures à prendre pour neutraliser les effets dangereux de ce produit afin que personne, je dis bien personne sur notre territoire, ne développe la moindre maladie suite à l’absorption de cette « eau ferrugineuse ». Je vous expliquerai tout à l’heure comment nous allons procéder.

Mais avant toute chose, je voulais vous dire que cet odieux attentat ne restera pas impuni. Nous avons déjà des pistes et l’enquête avance. Un salarié chargé de l’entretien de la salle de pompage, d’origine étrangère, venait de quitter l’entreprise précipitamment. Nous l’avons retrouvé, il est bien entendu en garde à vue et interrogé sans relâche par nos services de contre-espionnage. D’autre part le patron de la société est actuellement introuvable, nous le recherchons activement. J’ai demandé par ailleurs au garde des Sceaux, d’étudier en toute urgence une loi qui sanctionne durement toute forme d’empoisonnement à des bouteilles d’eau minérale qu’elle que soient leur capacité ou leur assujettissement à des taux de TVA différents. Les terroristes de tous poils doivent savoir qu’ils ne parviendront pas à nous échapper en se faufilant à travers la réglementation parfois complexe de notre fiscalité.

Pour revenir aux bouteilles contaminées, j’ai interdit la vente de cette eau en bouteille jusqu’à identification et destruction des lots incriminés. D’après les spécialistes, l’incinération de l’eau semble poser des problèmes mais nous trouverons des solutions grâce à nos centrales nucléaires qui démontreront ainsi des utilités méconnues. Il en est de même pour tous les produits agro alimentaires qui ont utilisé de cette eau pour leur élaboration. J’ai demandé à nos partenaires Européens de nous livrer une partie de leur production d’eau en bouteille pour éviter toute pénurie. Mme Angela Merkel s’est d’ailleurs proposée de nous livrer en substitution des stocks de bière invendus qui pourraient compenser avantageusement le manque d’eau minérale (sauf pour les biberons des bébés m’a bien précisé ma femme !).

Comme je vous l’avais annoncé, voici à présent le détail des mesures sanitaires que nous avons décidées. Il s’agit d’un plan sans précédent destiné à neutraliser dans nos organismes les méfaits des molécules anormalement ingérées. En effet, l’eau lourde, comme son nom le laisse comprendre s’écoule lentement. Elle s’accroche aux parois intestinales des adultes et s’y incruste. Il faut donc l’éliminer par des moyens énergiques. Nous avons donc déterminé que la solution la plus rapide pour la chasser était par un procédé hydraulique. C’est la solution du lavement colonique qui a été retenu. Ce traitement, fort répandu dans le passé et maintes fois mentionné par Molière, est efficace, économique et sans danger.

Les experts médicaux consultés sur les moyens d’administration ont hésité longuement entre les poires, les seringues ou les brocs à lavement. C’est ces derniers qui ont été retenus car les usines de fabrication de bouteilles plastiques pourront facilement modifier leur production en supprimant le fond et en adaptant un flexible d’un mètre cinquante au bouchon vissable. Cette mesure permettra en outre d’éviter tout chômage technique du personnel de l’usine d’embouteillage et de « consommer Français » pendant la période de suspension de la vente d’eau. Dans les prochains jours nous allons distribuer des kits comprenant ces réservoirs, des tuyaux flexibles et des canules pour tous les foyers de France. Les canules seront individuelles et de couleurs différentes pour ne pas les confondre au sein d’une même famille. Il faudra suivre ce traitement pendant un mois à raison de deux injections par semaine.

Afin de s’assurer que tous nos concitoyens sauront utiliser ces kits, nous pratiquerons la première administration, gratuitement, par un professionnel de santé. Les gymnases municipaux seront réquisitionnés pour cet usage ainsi que des infirmières, des pharmaciens, des internes des hôpitaux et même des vétérinaires. Les injections ultérieures se feront au domicile des citoyens en auto administration. J’ajoute, pour l’avoir expérimenté cet après midi, que l’aide du conjoint pour cette médication s’avérera pratique et agréable…

Mes chers concitoyens, je me doute que vous devez être surpris et inquiets. Sachez que le gouvernement de ce pays est sur le pied de guerre pour veiller sur votre santé et défendre la sûreté de nos aliments. La mesure n’est pas habituelle, mais elle marque une rupture avec les solutions coûteuses et parfois dangereuses qui ont été choisies dans le passé. Sachez que vider vos intestins contribuera à reboucher le trou de la sécurité sociale.

Bonsoir. Allons enfants de la Patrie…. ie !

19 Janvier 2012 10 h Bureau du premier ministre

François Fillon écoutait avec embarra les précisions de son ministre de l’Intérieur.

- Alors voilà, suite à la garde à vue de l’employé étranger, nous n’avons trouvé aucune preuve de son implication dans un attentat et nous l’avons relâché. Le gars avait été viré de l’entreprise parce qu’il fumait une cigarette sur son lieu de travail juste au-dessus de la pompe d’arrivée d’eau. C’est ce que nous a confirmé le patron d’AquaSimplex.

- Mais je croyais qu’il était en fuite, celui-là, déclara le premier ministre !

- Et bien non, répondit Claude Guéant, il était seulement en vacances aux sports d’hiver dans les Alpes. Son interpellation musclée en pleine descente de piste rouge a fait d’ailleurs grand bruit car nos policiers n’ont pas l’habitude de ce genre d’intervention et se sont « gamellés » en voulant le coincer dans un virage. On dénombre deux jambes cassées et une entorse du genou. C’est d’ailleurs le directeur inculpé qui a prévenu les secours.

- Mais alors, qui a branché le réservoir de produit toxique sur la canalisation d’arrivée d’eau ?

- Et bien, après enquête approfondie, ce réservoir fait partie de l’équipement normal de l’usine, il contient de l’eau de javel qui doit être utilisé uniquement en cas de turbidité de l’eau à la suite d’un orage exceptionnel ou d’une pollution accidentelle des nappes phréatiques. C’est un dispositif de précaution, en temps normal il ne sert pas. C’est le zèle du nouvel « agent de surface » qui a déclenché toute cette affaire.

- Admettons, mais qui a mis l’eau lourde dans ce réservoir ? Demanda une nouvelle fois François Fillon qui sentait la bavure tourner au désastre.

- Je dois vous avouer une bêtise de mes services, poursuivi le ministre de l’Intérieur en regardant le bout de ses souliers, pressé par mes demandes urgentes, le laboratoire d’analyse de la DCRI a confondu deux réservoirs identiques. Au lieu d’examiner le bocal de l’usine, ils ont analysé un cubitainer intercepté par la douane sur un ressortissant Iranien qui rentrait dans son pays. Le gars avait intrigué les policiers en déclarant qu’il s’agissait d’eau oxygénée pour un dispensaire !

- Mais, c’est pas possible ! Se lamenta le premier ministre. Comment un tel enchainement de bévues a t-il pu se produire ? Et avec notre Président qui réagit au quart de tour, on n’est pas dans la merde ; excusez-moi pour l’analogie… Bon, ce n’est pas le tout, il va falloir que je l’informe à présent, ce ne va pas être triste !

- Oh vous savez, il doit déjà être au courant…

- Oui, je m’en doute, mais il attend mon appel pour passer officiellement ses nerfs sur moi ! Vous qui le connaissez bien, souhaitez moi bonne chance.

19 janvier 2012 10 h 30

- Allo, Mr le président ? J’ai deux mauvaises nouvelles.

- Je vous écoute Mr le premier ministre ;

- La première c’est qu’il ne s’agissait pas d’un attentat et qu’il n’y a donc pas de coupable.

- Dommage, pour une fois qu’on en avait un.

- La deuxième c’est que l’eau en bouteille n’était pas aussi lourde qu’on le craignait et que toute notre thérapie annoncée devient inutile !

- Et bien, soyons positifs : pas d’attentat, pas de dégât, c’est une bonne nouvelle.

- Oui, peut être mais comment allons nous annoncer ça aux Français ! Ils sont déjà bouleversés à l’idée du traitement qui les attend. Quand ils vont apprendre qu’on s’est planté, ils vont s’écrouler de rire, vous rendez vous compte du ridicule de l’annonce ! Je vois déjà la une du Canard Enchaîné « L’eau contaminée étaient un canular, les canules seront inutiles » ou encore « après la perte du triple A, le gouvernement voulait nous faire prendre les O ! » … etc.

- Votre analyse est parfaitement exacte, François, c’est bien pour cela qu’il n’est pas question de démentir l’attentat ! Je ne tiens pas à baisser encore dans les sondages. L’eau est tirée, il faut la boire ! Sauf pour le petit cercle qui connaît la vérité, le traitement devra être suivi à la lettre. Il en va de ma crédibilité. Et puis, une bonne purge après les fêtes sera comme une cure de jouvence pour notre population. Bien entendu, il faut un secret absolu sur ces informations, seuls Claude, vous et moi sommes au courant. Tout le monde doit croire que l’eau était bien empoisonnée et que grâce à ma réactivité j’ai sauvé la vie de mes compatriotes.

- Vous croyez vraiment ? Mr le président ! Répondit timidement le premier ministre.

- Allons, François, ne faites pas cette tête, tenez pour vous redonner le sourire, téléphonez à Angela Merkel, dites lui que lors de son dernier repas pris à l’Élysée avec moi, le chef avait cuisiné avec de l’AquaSimplex. Il faut donc qu’elle se fasse traiter…

- Mais ce n’est pas vrai, il avait fait du coq au St Saturnin ! (vin du pays d’Oc).

- Qu’importe, pour une fois que je peux lui faire croire qu’elle est malade, je ne vais pas m’en priver ! Elle n’arrête pas de me faire avaler des couleuvres, elle peut bien un peu se rincer les boyaux. Et puis les lavements lui éclairciront le teint et la rendront plus aimable !

Epilogue :

Nous ne saurons jamais si le traitement de choc prescrit par le Président eut un effet significatif dans un sens ou dans l’autre sur les résultats des élections. Toujours est-il que dans les mois qui suivirent leur traitement, la population fut moins malade qu’à l’habitude. Les dépenses de santé furent étonnamment réduites. Apparemment, le grand nettoyage intestinal avait chassé des toxines accumulées depuis des années. Seules les professions médicales eurent à s’en plaindre. Cette purge intestinale préfigurait-elle les coupes drastiques à réaliser dans le budget pour assainir notre économie ?

Garrigus

Comments

pierre Il ya 5 ans