Vues: 305 Created: 2016.10.28 Mis à jour: 2016.10.28

Eudes et Johann

Chapitre 8

Un ange passa. Ma mère était trop abasourdie pour dire quelque chose (c’était rare). Ce fut mon père qui rompit le silence :

— Ma très chère épouse, je crois que le moment est venu de mettre au point certaines choses avant que la situation ne s’envenime inutilement. Mon très cher fils Eudes, tu es jeune et idéaliste, naïf aussi. Je dois te ramener à la réalité. Je pense que les privilèges de la noblesse vont disparaître, cela n’a rien à voir avec l’acceptation de l’amour entre deux hommes. Il faudra beaucoup plus de temps, des siècles peut-être, tu ne verras pas deux hommes se marier ensemble de ton vivant. Et pour l’instant tu profites des avantages de la noblesse, des ses richesses mal réparties. Tu n’as pas besoin de valet Eudes, je veux bien l’admettre, je ne vais cependant pas donner un salaire à Johann pour qu’il passe la journée au lit avec toi. S’il désire continuer à travailler au château nous chercherons une autre activité qui lui convienne et qui lui permette aussi de préparer ses études, études que je veux bien financer par ailleurs, car je pense qu’il doit avoir les mêmes chances que toi. Johann, vous m’avez dit que vous ne vouliez plus étudier la théologie. Avez-vous déjà une autre idée ?

— J’aimerais bien faire de la médecine, Monsieur le Vicomte.

— Très bonne idée, c’est beaucoup plus utile que les mathématiques que compte étudier mon fils. Et ça m’arrange car je peux vous proposer quelque chose. J’ai reçu hier une lettre du médecin de la clinique où ma mère âgée et malade fait une cure en ce moment. Il m’annonce que Madame ma mère perd la mémoire et qu’elle ne sera plus à même de vivre sans aide, elle est incontinente maintenant. Je vous propose de vous occuper de ma mère lorsqu’elle rentrera au lieu de tenir la bite à mon fils, comme il l’a dit si élégamment. Cela vous permettra de vous rendre compte comment on soigne une malade. Êtes-vous d’accord ?

— Cette proposition est très généreuse, Monsieur le Vicomte, j’accepte et je vous remercie.

— Je vous demande également de respecter les convenances, mes enfants. Pas de manifestations ostentatoires de votre amour en public. La société n’est pas prête en ce début du 19ème siècle. Je vous souhaite le meilleur possible.

J’étais très ému et comme bloqué par les paroles de mon père, je ne pus pas répondre. Ma mère prit la parole :

— Monsieur mon époux, êtes-vous sûr que…

— Madame mon épouse, lui coupa-t-il la parole, il faudra aussi des siècles pour que les femmes soient l’égal des hommes. Pour le moment c’est moi qui commande ici, ce qui ne vous empêche pas de réfléchir à cette question et de vous engager pour changer cet état de fait, plutôt que de vous lamenter au sujet des amours de votre fils. Comme vous, mes enfants, n’hésitez pas à vous engager pour changer le monde, mais faites-le progressivement, calmement et efficacement. Sur ce, nous n’allons pas passer l’après-midi à table par un si beau jour. Profitez du soleil et allez vous baigner dans la rivière, vous pouvez y aller seuls Eudes et Johann, mais restez discrets.

Mon père se leva et sortit. Ma mère quitta également la salle à manger avec mes soeurs. Je restai seul avec Johann.

— Eh bien, me dit-il, les repas sont mouvementés au château du Vicomte de R***, plus que chez moi où personne ne dit rien. À propos, ma mère aimerait t’inviter dimanche prochain pour le dîner, serais-tu d’accord ?

— Bien sûr, si ma mère ne trouve rien d’autre d’ici là. Que penses-tu de tout cela ?

— Tu as eu du cran de dire à tout le monde que nous nous aimions, je n’aurais pas osé, pas chez moi en tout cas, j’aurais peur de la réaction de mon père.

— C’est le mien qui m’a encouragé à ne pas mentir, je ne risquais rien. Il m’a quand même remis à ma place. Je devrais en tenir compte. Je ne pourrais pas t’inviter à tous les repas, cela ferait jaser.

— Je te comprends. Nous serons discrets, je pense que c’est mieux. On va se baigner ?

— Plus tard. Il fait trop chaud et nous devons digérer avant. Je vais te faire visiter le château.

Nous montâmes tout d’abord au grenier. Beaucoup de meubles que nous ne servions plus y étaient entreposés, ainsi que des caisses contenant les jouets de mon enfance.

— Oh ! Ils étaient à toi tous ces jouets ? me demanda Johann.

— Oui, et à mes soeurs.

— Et moi qui n’en avait aucun. Ne pourrait-on pas les distribuer dans le village ?

— J’y penserai. Ce n’est pas encore moi qui commande, mon père l’a rappelé.

Nous descendîmes ensuite à la cave. Je pris une torche à l’entrée et l’allumai. Johann fut impressionné par la quantité de bouteilles poussiéreuses.

— Il est encore bon tout ce vin ? me demanda-t-il.

— Quelques-unes.

— Tu ne pourras pas tout le boire de ta vie entière !

— Devrais-je aussi le distribuer dans le village ?

— Oh non, il y a bien assez d’ivrognes.

Nous passâmes devant une porte fermée.

— As-tu la clef ? me demanda Johann.

— Non, c’est une partie des caves où c’est dangereux d’aller. Des travaux de consolidation doivent y être faits. Je n’y suis jamais entré. C’est la version officielle.

— La version officielle ? Ce n’est pas vrai ?

— Tu connais la taverne à 100 mètres du château. Un tunnel relie ce bâtiment au château.

— Pourquoi ?

— Toutes les deux semaines, le jeudi à 5 heures de l’après-midi, des hommes se rendent à la taverne et en repartent tard dans la nuit. Ils viennent au château par ce tunnel.

— Et que font-ils ?

— D’étranges rituels, c’est une loge maçonnique.

— Qu’est-ce que c’est ?

— La franc-maçonnerie est une société secrète, je n’en sais pas plus. J’ai questionné mon père à ce sujet, il m’a juste confirmé que c’était bien ça. Il y a souvent des marchandises entreposées ici qui disparaissent d’un jour à l’autre. Je pense que l’intendant est au courant et s’occupe de tout.

— Quel genre de marchandises ?

— Du pain, du fromage, de la viande séchée, du vin. De quoi souper après la réunion. J’ai aussi trouvé une fois quelque chose de spécial caché derrière un fromage, il y en avait beaucoup, j’en ai gardé quelques-uns, suis-moi.

Nous nous rendîmes de l’autre côté de la cave. J’enlevai quelques bouteilles.

— Beaujolais 1775. Oubliées, personne ne les boira plus. C’est bien caché. Regarde.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un étui en intestin de mouton, ça s’appelle un préservatif.

— Mais pour quoi faire ?

— Où mettrais-tu ceci ?

— Je ne sais pas… Peut-être ?

— Oui ?

— Peut-être sur mon zizi dressé ?

— Tu veux essayer ?

— Pas ici, et pourquoi doit-on le mettre ?

— Pour te protéger. Toi qui veux être médecin, tu devras aussi soigner les maladies à cet endroit. Les hommes qui viendront te trouver en rasant les murs pour te montrer leurs zizis infectés.

— Comment sais-tu tout cela ?

— Les livres… Tout est dans les livres…

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Pourquoi ont-ils besoin de… comment dis-tu ? préservatifs pour leur réunions ?

— Une société secrète peut en cacher une autre…

— Je comprends. N’as-tu jamais essayé de trouver la clef ?

— Je me refuse à fouiller le bureau de mon père ou celui de l’intendant. Je ne pers pas espoir. Mon père m’a encore dit que je saurai tout lorsque le temps sera venu.

— Et tu penses que le temps est venu ?

— Mon père a eu la confirmation que je suis un inverti. Bah, nous verrons bien, allons nous baigner.

Je donnai quelques préservatifs à Johann.

— Tu pourras t’entraîner à les mettre, lui dis-je.

Il me regarda l’air étonné.

Nous longeâmes la rivière. Il y avait beaucoup de gens du village qui se promenaient, j’ôtai mon chapeau chaque fois pour les saluer. Je croisai même Madame ma mère et Mesdemoiselles mes pestes de soeurs qui ricanèrent en nous voyant. Nous marchâmes pendant une heure environ jusqu’à ce que nous fussions seuls.

— Nous y voilà, dis-je, ici personne ne nous dérangera. Faisons quand même attention et restons discrets si quelqu’un vient.

Il y avait une petite plage de galets au bord de la rivière. L’eau était verte car la rivière coulait dans une forêt.

— Tu te baignes aujourd’hui ? demandai-je à Johann. Tu as appris à nager depuis hier ?

— Je… Je crois que j’avais peur hier… Peur de me déshabiller devant toi en public… Peur de bander…

Nous ôtâmes rapidement nos habits et entrâmes dans la rivière. L’eau était un peu fraîche. Je giclai Johann pour le mouiller, il fit de même. Je le pris dans mes bras et l’embrassai. Nous avions de l’eau jusqu’à la hauteur de nos pénis qui étaient dressés vers le ciel bleu.

— Je t’aime Johann, lui dis-je.

— Je t’aime Eudes, me répondit-il.

Je pris son membre dans ma main et le caressai, il prit le mien dans ma main est le caressa.

En ce magnifique jour du mois d’août 182* deux jeunes hommes découvraient l’amour.

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clyso Il ya 7 ans