Vues: 284 Created: 2016.11.27 Mis à jour: 2016.11.27

Eudes et Johann

Chapitre 36

Nous sortîmes de la boutique de l’artisan. David et Jonathan descendirent vers la Basse-Ville pour aller visiter la cathédrale tandis que Johann et moi nous rendîmes dans une taverne du quartier des Pérolles, afin de réserver une table pour le lendemain. Mon père me l’avait recommandée. Le patron nous reçut froidement.

— Bonjour Messieurs, que voulez-vous ?

— Bonjour Monsieur, lui dis-je, j’aimerais réserver une table pour demain soir. J’ai entendu dire que vous aviez aussi des chambres à l’étage. Nous en aimerions une pour y passer la nuit après le souper.

— Oui, j’en ai une de libre. Vous êtes certainement des étudiants. Je dois vous dire que c’est assez cher ici.

Je sortis deux pièces d’or de ma bourse et les posai sur le comptoir en disant :

— Je vous paie un acompte maintenant, est-ce que cela suffit ?

— Oui, excusez-moi, me répondit-il en empochant les pièces. J’ai parfois des gens qui sont surpris et qui partent sans payer.

— Je vous comprends.

— Pourrais-je avoir votre nom pour le mettre dans le registre ?

— Je suis le Vicomte Eudes von R***, avec mon… mon cousin. Il a son anniversaire demain.

— Oh, Monsieur le Vicomte, je ne savais pas, je vais vous rendre les pièces. Je ne pouvais pas deviner avec vos habits simples.

— Gardez-les, cela fera une avance. C’est plus prudent de voyager discrètement.

— Vous avez raison, les routes ne sont pas sûres de nos jours. Je vous donnerai la meilleure chambre. Voudriez-vous une chambre séparée pour votre cousin ?

— Non, nous avons l’habitude de dormir ensemble, cela ira très bien, Monsieur. À demain.

— À demain, Monsieur le Vicomte, et encore toutes mes excuses.

Il nous fit une révérence lorsque nous quittâmes la taverne.

— L’habit ne fait pas le moine, me dit Johann.

Nous retrouvâmes nos compagnons à cinq heures et retournâmes à l’Abbaye d’Hauteville en calèche. Notre programme nous indiquait que nous devions obligatoirement y être à six heures et demie. Nous arrivâmes juste à temps pour les vêpres, David et Jonathan participèrent à l’office, pas nous.

Nous nous déplaçâmes au réfectoire à l’heure indiquée. Un prêtre nous y attendait et nous salua :

— Bonsoir Eudes, me dit-il. Je suis le père Morerod, l’abbé du monastère, ton père m’a souvent parlé de toi, comment va-t-il ?

— Bonsoir, mon père. Le vicomte a des soucis avec son coeur.

— Je suis désolé, je prierai pour lui.

— Merci, mon père.

— Et je pense que c’est ton ami Johann qui es avec toi ?

— Oui, c’est exact.

— Rassure-toi, je n’ai pas de « punition » pour ce soir, ce sera demain matin au couvent des Ursulines, je viendrai aussi avec vous. Je voulais simplement faire votre connaissance. Nous allons tout d’abord manger.

— Il y a également deux pèlerins qui séjournent ici, les voici d’ailleurs. Pourraient-ils manger avec nous ?

— Bien sûr, je les ai déjà salués, nous n’avons pas de secrets à cacher. Le moine cuisiner pourrait nous préparer une spécialité de la région : une fondue au fromage moitié-moitié, Gruyère et Vacherin, à la place du repas ordinaire. Seriez-vous tentés ?

Tout le monde acquiesça. Le prêtre alla vers le passe-plat, donna des ordres et revint avec un réchaud qu’il posa au milieu de la table. Il retourna chercher ensuite une bouteille de vin blanc de Lavaux, ainsi que des gobelets en étain. Nous trinquâmes. Les pèlerins parlèrent du début de leur voyage, sans mentionner toutefois notre visite de l’après-midi chez l’artisan.

La fondue fut servie rapidement, avec du pain, des pommes de terre et du kirsch. Je demandai à l’abbé une fois que nous eûmes terminé de la manger :

— Comment avez-vous fait la connaissance de mon père ? Notre famille n’est pas catholique.

— Je vais vous expliquer. Lorsque j’ai étudié la théologie, j’étais très brillant. Certains me prédisaient que je finirais évêque, ou même cardinal. La nature en a malheureusement, ou plutôt heureusement, décidé autrement. Au séminaire j’ai découvert que les séminaristes m’attiraient, charnellement pourrait-on dire. Je n’en ai parlé à personne, même pas à mon confesseur. J’ai eu quelques aventures. J’étais doué pour le dessin, j’ai fait quelques gravures des organes que j’admirais, en cachette bien sûr. Après mon ordination, j’ai demandé de séjourner à l’Abbaye et j’en suis devenu l’abbé. Je savais que la vie avec des moines me conviendrait. J’ai continué à avoir des relations troubles avec les novices cisterciens et à les dessiner. J’ai trouvé un éditeur compréhensif qui a publié mes oeuvres sous le pseudonyme d’Abbé Cédaire, avec de fausses références.

— Ah oui, dis-je, j’ai vu vos livres chez mon père.

— Ils ont eu un très grand succès et plusieurs rééditions, ils n’étaient bien évidemment pas seulement destinés aux religieux. Mes supérieurs ont finit par découvrir le pot aux roses et cela a sonné le glas de mes ambitions. Ton père connaissait l’imprimeur et lui a demandé s’il pourrait entrer en contact avec l’auteur des livres, pour autant qu’il soit vraiment un religieux. J’ai accédé à sa demande. Ton père cherchait un prêtre compréhensif pour les étudiants catholiques du pensionnat. J’ai accepté et certains viennent parfois à la messe ici le dimanche et me confient leurs difficultés de concilier leur amour pour les hommes avec la religion. Je les aide dans cette démarche.

— Mais alors, s’écria Johann, vous allez pouvoir aider David et Jonathan !

— Ont-ils besoin d’aide ? Ils ne me l’ont pas dit.

— Oui, ils veulent se faire cadenasser le pénis pour ne plus être tentés.

— Quelle horreur ! s’exclama le prêtre. Le corps humain est si beau, il ne faut pas le mutiler. Interrompez votre pèlerinage et restez ici le temps qu’il faudra, je vous expliquerai comment accepter votre situation.

— Votre proposition est très généreuse, nous dit David, je pense que nous allons rester quelques jours ici. Qu’en penses-tu Jonathan ?

— Oui, je pense que c’est bien, mais je ne sais pas si je vais changer d’avis.

— Nous verrons bien, dit l’abbé. Passons d’abord au dessert.

Nous l’aidâmes à débarrasser la table puis à partager un gâteau aux pruneaux, accompagné d’un baquet de double crème. Ce furent ensuite les complies, nous y assistâmes aussi, un peu par curiosité. Après celles-ci, l’abbé dit aux pèlerins :

— Je vous propose quelque chose : nous allons nous rendre dans mon appartement, j’ai deux novices qui viennent me rendre visite ce soir. Ils n’auront pas le droit de parler, c’est le grand silence après complies. Ils vous montreront comment mettre en pratique cet amour qui vous dérange tant, sans passer tout de suite à des pratiques que la Bible réprouve, comme la sodomie. Seriez-vous d’accord ?

— Oui, mais n’est-ce point un péché ? s’enquit Jonathan.

— N’ayez crainte, je vous absoudrai. Dieu vous aime infiniment et vous pardonnera. Si vous êtes en paix avec votre corps, vous pourrez vous consacrer pleinement au service des autres, votre coeur rayonnera. Suivez-moi, et vous aussi, Eudes et Johann, montrez l’exemple, couvrez-vous de tendresse et d’amour. Vous pourrez quitter la pièce n’importe quand si vous êtes gênés. Je vous demande à tous de rester silencieux, par égard pour les moinillons.

Nous montâmes dans l’appartement du prêtre. Il nous invita à entrer dans une pièce meublée seulement de quelques chaises. Des fourrures étaient posées sur le parquet. Nous nous assîmes. Un feu rougeoyait dans la cheminée, l’abbé rajouta quelques bûches pour le ranimer. Il ouvrit ensuite une porte de l’autre côté, deux silhouettes blanches encapuchonnées entrèrent rapidement. L’abbé referma à clef.

Les novices avaient l’air surpris de voir autant de monde. L’abbé ôta leur capuchon et leur chuchota quelques mots à l’oreille. Ils sourirent.

Les novices enlevèrent leurs sandales, ils avaient les pieds nus. L’un commença à déshabiller l’autre, il décrocha la corde qui servait de ceinture et enleva la lourde bure blanche. Ils inversèrent les rôles et furent bientôt les deux en chemise, longues et tissées en lin grossier. Ils se caressèrent le visage, se firent des bisous puis s’embrassèrent sur la bouche. Leurs caresses s’étendirent à tout leurs corps. L’un releva la chemise de l’autre, sa main se glissa pour toucher les génitoires. L’autre fit la même chose. Ce spectacle m’excitait, je me tournai vers l’abbé, il me fit signe d’y aller. Johann comprit et nous nous levâmes. Nous nous déshabillâmes mutuellement et nous retrouvâmes en caleçon. Les novices s’interrompirent pour nous regarder, puis reprirent leurs caresses et enlevèrent leurs chemises. Ils n’avaient rien mis dessous et leurs pénis étaient déjà dressés. Je baissai le caleçon de Johann, on entendit quelques rires, son membre était toujours entouré du pansement. Cela me rappela que je devais être très doux pour ne pas le faire saigner. Je défis le ruban. Johann joua aussi à l’infirmier.

Nous eûmes tous les quatre des gestes très doux, je me demandai si les novices allaient jouir ou en rester aux attouchements. Ils ne paraissaient pas pressés d’en finir. Leur plaisir finit pas arriver sans signes avant-coureurs, ils restèrent silencieux pendant l’orgasme. Johann accéléra ses va-et-vient et j’éjaculai, ce fut enfin au tour de mon ami de le faire.

L’abbé nous tendit un linge pour nous essuyer. Il le passa ensuite sur les fourrures au sol. Nous nous tournâmes alors vers David et Jonathan qui restaient figés sur leurs chaises. Un des novices prit Jonathan par la main et l’invita à se lever, l’autre s’occupa de David. Johann et moi nous rassîmes, sans nous rhabiller.

Les deux novices déshabillèrent les pèlerins qui se laissèrent faire.

Ils nous dirent par la suite qu’ils ne s’étaient jamais vu nus jusqu’à ce moment-là, il s’étaient toujours cachés l’un de l’autre lors des étapes précédentes. Guidés par les jeunes religieux, ils découvrirent les mystères de leur corps pour la première fois ensemble.

Nous finîmes par tous remettre nos habits, les deux novices quittèrent la salle, sans un mot. Nous redescendîmes au réfectoire et discutâmes jusqu’à une heure avancée de la nuit. David et Jonathan étaient soulagés, ils ne continuèrent pas leur pèlerinage, préférant rester quelques jours à Fribourg, puis visiter le canton en amoureux avant de rentrer chez eux. Ils renoncèrent évidemment à se faire entraver le pénis.

Ils ne demandèrent pas l’absolution. L’abbé nous la donna quand même, juste avant de nous coucher.

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clyso Il ya 7 ans