Vues: 283 Created: 2016.12.13 Mis à jour: 2016.12.13

Eudes et Johann

Chapitre 47

Nous étions en Thurgovie et nous approchions de notre prochaine étape, Amriswil. Nous avions rendez-vous le lundi suivant avec Jonathan, le fils du directeur de la filature, pour parler des caleçons dessinés par Johann. Sa tante avait insisté pour que nous passions la nuit chez elle. Je demandai quelques précisions à mon ami, il me répondit :

— Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vue, elle est veuve, son mari est mort il y a quelques années. Elle a deux fils, l’un est déjà marié et l’autre a notre âge. Nous devrons dormir dans sa chambre.

— Parfait, dis-je. Une belle soirée en perspective. J’espère qu’il n’est pas farouche.

— Tu oublies que nous serons les invités, me dit Johann. Il faudra rester discrets. Et tu oublies aussi qu’il y a des hommes qui aiment les femmes et voient d’un mauvais oeil les invertis.

— Je plaisantais, nous garderons nos caleçons pour dormir.

— Ils habitent dans une cité nouvelle, réservée aux ouvriers de la filature. Ma tante m’a écrit que l’appartement avait le numéro 2.2.2, c’est la maison numéro 2.

Nous arrivâmes. La cité se composait de douze bâtiments identiques, alignés en trois rangées de quatre. Nous trouvâmes facilement l’entrée. Nous avions mis nos affaires pour la nuit, ainsi que les dessins de Johann, dans des sacs pour ne pas prendre nos malles. Franz et le cocher nous laissèrent et repartirent pour une auberge de la ville. Nous montâmes au deuxième étage et sonnèrent à l’appartement numéro 2. La tante nous ouvrit, fit la bise à Johann, elle me salua respectueusement.

— Bonjour mes enfants, ou plutôt Messieurs. Vous êtes de grands garçons, comme mon fils Georg. Il travaille maintenant, il fait un apprentissage, il répare les métiers à tisser, comme le faisait mon défunt mari. Il rentrera à cinq heures. Il finit une heure plus tôt le samedi.

La tante nous conduisit dans la chambre de son fils. Il y avait deux lits et deux paillasses sur le sol.

— Posez vos sacs. Georg vous donnera son lit, nous dit-elle, il dormira par terre. L’un d’entre vous devra aussi le faire.

— Pas question, dis-je. Votre fils dormira dans son lit. Je dormirai par terre.

— Vous, Monsieur le Vicomte ? Dormir par terre ?

— Et pourquoi pas ? Nous étudions au pensionnat et nous sommes habitués à vivre à la dure.

— Je dormirai aussi par terre, nous dit Johann.

— Eh bien, faites comme vous voulez. Puis-je vous offrir du cidre ?

— Volontiers, dit Johann.

Nous nous assîmes autour d’une table. La tante nous servit à boire, ainsi que des flûtes au sel, elle nous expliqua ensuite :

— C’est un village assez spécial ici, chaque maison a deux étages avec deux appartements. Au rez-de-chaussée, nous avons des locaux communs à tous les habitants : les toilettes, deux salles pour se laver, une pour les hommes, une pour les femmes, une cuisine, une buanderie.

— Cela me paraît agréable de vivre ici, dis-je poliment, alors que je pensais le contraire. Les chambres étaient petites et ces locaux communs me semblaient propices à des disputes entre les locataires.

— Oui, continua la tante, tout a été construit avec les techniques les plus modernes, et les loyers ne sont pas chers du tout. Le directeur de la filature est un homme très bon. Nous avons également une épicerie, une taverne, une chapelle, et même un… Georg vous expliquera. Cele évite aux ouvriers de se rendre dans des quartiers mal famés et de dépenser tout leur salaire en beuveries. À la taverne, on limite la consommation d’alcool.

Georg rentra. Il avait l’air emprunté, il nous salua timidement. Il avait des cheveux bruns assez courts, le teint pâle et des boutons sur le visage.

— Georg prend un bain le samedi après le travail, nous dit sa mère, j’ai pensé que vous auriez envie de faire la même chose avec ces routes poussiéreuses. J’ai mis de l’eau à chauffer. Il y a parfois des hommes qui sont nus en bas, j’ai pensé que Georg pourrait rester vers l’entrée et leur dire qu’il y a des invités et qu’il faut attendre. Je pense que Monsieur le Vicomte n’aimerait pas assister a un tel spectacle.

— Ma tante, dit Johann, Monsieur le Vicomte est un homme comme les autres, il ne faut pas te faire du souci pour lui. Georg se baignera avec nous et n’a pas besoin de garder l’entrée.

— Eh bien, faites comme vous voulez. Georg change d’habits après le bain, voulez-vous faire la même chose ?

— Oui, dis-je. C’est une bonne idée.

Nous allâmes chercher une chemise et des caleçons propres. Je profitai de les montrer à la tante qui fut fort intéressée. Nous descendîmes. Georg nous ouvrit la porte. Nous étions seuls. Une bassine d’eau chauffait sur un poêle. Johann aida son cousin à la transvaser dans une baignoire. Georg, qui était resté silencieux jusqu’à présent, me dit :

— Monsieur le Vicomte, ma mère pense que vous devriez vous baigner en premier.

— C’est bien d’honneur que vous me faites, Monsieur. Allons, pas de politesses entre nous, je m’appelle Eudes, et on se tutoie.

— Comme vous voulez, pardon, comme tu veux.

— Johann, demandai-je, ne désirerais-tu pas commencer avec ton cousin ?

— Non, me répondit-il, à vous l’honneur, Monsieur le Vicomte.

Mes amis se demandaient certainement quelle tenue j’allai adopter, je n’hésitai pas et enlevai tout mes habits, je devais quand même changer de caleçon. Georg eut l’air interloqué :

— Monsieur le Vicomte, pardon, Eudes…

— Que se passe-t-il ? demandai-je.

— Vous… Tu es nu !

— Et alors, tu n’avais jamais vu de bite pleine de sang bleu ?

— Je n’ose jamais me mettre entièrement nu ici, moi, nous dit Georg.

— Il faut un début à tout, essaie, tu verras, c’est très agréable de se baigner nu.

Comments

clyso Il ya 7 ans  
Woyzeck Il ya 7 ans  
arthur Il ya 7 ans