Vues: 270 Created: 2016.12.23 Mis à jour: 2016.12.23

Eudes et Johann

Chapitre 56

Le château sur la colline ne me parut pas très grand, je l’avais imaginé beaucoup plus imposant en regardant des gravures. Nous montâmes avec la calèche jusqu’à l’entrée voûtée où un garde contrôla nos laissez-passer. Un autre nous escorta à l’intérieur vers le bâtiment principal. Nous descendîmes du véhicule. Un concierge examina à nouveau nos papiers, consulta une liste de noms, puis nous dit :

— Bienvenue, Messieurs, le Roi vous attendait.

— Pouvons-nous le voir tout de suite ? s’enquit Olav.

— Je voulais dire que vous êtes sur la liste des invités, le Roi ne peut pas se déplacer pour chaque nouvel arrivant. Nous lui ferons part de votre arrivée et il vous recevra selon son bon plaisir.

— Mais ce sera à quelle heure ? s’impatienta encore le Norvégien.

— Je n’en sais rien, le Roi a un ordre du jour très chargé. Je vais faire porter vos malles dans vos chambres.

Le concierge regarda une autre liste et dit :

— Monsieur le Vicomte et Monsieur Häberli seront dans la même chambre. Et Monsieur Sørensen… Oh ! Dans les appartements du Roi ! Je comprends maintenant votre impatience à le rencontrer. Vous pourriez déjà vous rendre à l’audience publique à trois heures. Vous n’avez plus le temps de vous changer, je vais vous y conduire.

Il nous mena vers la salle des audiences. Un chambellan nous reçut froidement :

— Vous êtes en retard, il faut toujours arriver une demi-heure à l’avance. Comment vous appelez-vous ?

— Je suis le Vicomte de R***.

— Vous, un vicomte ? Vous n’êtes pas sur ma liste.

— Nous venons d’arriver, nous n’avons pas eu le temps de nous changer. Je vais vous montrer nos papiers.

Je les lui tendis et il les regarda.

— Je vous présente mes excuses, Messieurs, le Roi m’avait évidemment informé de la visite de Monsieur Sørensen, mais nous ne savions pas quel jour vous arriveriez. Je dois malheureusement vous placer au dernier rang, toutes les autres places sont prises.

— Cela n’a pas d’importance, dit Olav, je vais enfin le revoir.

Nous nous assîmes discrètement et attendîmes un quart d’heure. Le chambellan annonça :

— Le Roi !

Tout le monde se leva. Ludwig fit son entrée. Il était méconnaissable dans son habit noir barré d’un sautoir rouge, avec un pantalon blanc et des bottes montant plus haut que les genoux. Une immense cape blanche était posée sur ses épaules. Deux laquais la tenaient à l’arrière. Il monta sur le trône, posé sur un podium. Quelle différence de voir notre ami ainsi, alors que nous l’avions vu nu et humilié lors de son arrivée au pensionnat.

Ludwig enleva sa cape et les domestiques l’emportèrent. Le chambellan donna l’ordre au public de s’asseoir. Le roi resta debout, passant en revue les personnes présentes dans la salle, elles devaient bien être une centaine. Il finit par nous voir et nous fit un grand sourire. Il s’assit et l’audience commença. Le chambellan se plaça à côté du roi, quelques marches en-dessous, de manière à ce que Ludwig vît les papiers qu’il tenait dans un dossier. Je pensai que c’étaient des antisèches avec des informations sur les invités.

Ce furent tout d’abord les nouveaux arrivants qui présentèrent leurs hommages au roi à l’appel de leur nom par le chambellan. Ludwig leur posait des questions personnelles, leur demandant des nouvelles de membres de leur famille. Nous ne fûmes pas appelés.

Le roi écouta ensuite les doléances de quelques villageois de la région qui avaient des problèmes avec leurs voisins ou de graves ennuis financiers ou de santé. Certains étaient si impressionnés qu’ils bafouillaient et l’on ne comprenait rien. Le roi restait impassible et leur promettait de s’occuper personnellement de leur cas.

C’était assez ennuyeux et je bâillai. Le roi annonça ensuite qu’en raison du décès de son père certaines réjouissances seraient supprimées, il n’y aurait pas de bal, pas de feu d’artifice. Par contre, les représentations d’opéra seraient maintenues, ce qui rassura Olav. Il ne parla pas de la soirée réservée aux courtisans et mignons, je pensai qu’elle ne faisait pas partie du programme officiel et qu’elle était réservée aux intimes de Ludwig. J’espérai évidemment en faire partie. Le roi chuchota ensuite quelque chose au chambellan. Celui-ci opina du chef puis déclara :

— Je demande au Vicomte de R*** et à ses compagnons de venir vers le Roi.

Nous nous levâmes et nous allâmes à l’avant de la salle, sous les regards curieux de l’assistance. Nous fîmes la révérence devant le trône. Ludwig prit la parole :

— L’année dernière, nous nous sommes absentés quelques mois avant de revenir en Bavière à l’annonce du décès de notre père. C’était pour faire des études dans une université d’un pays ami. Nous avons fait la connaissance d’autres étudiants et nous les avons invités pour passer quelques jours en notre compagnie, car tel est notre bon plaisir.

Ludwig descendit du trône, provoquant des commentaires dans l’assemblée.

— Silence ! cria le chambellan.

Le roi me donna l’accolade, fit de même avec Johann. Puis il prit Olav dans ses bras et l’embrassa sur la bouche. Les spectateurs des premiers rangs restèrent figés de stupéfaction.

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arthur Il ya 7 ans  
clyso Il ya 7 ans