Vues: 465 Created: 2015.05.02 Mis à jour: 2015.05.02

Le sanatorium

Chapitre 3

L’infirmier me conduisit au cabinet du docteur situé dans un couloir étroit et me dit d’attendre. Il frappa à la porte, entra et la referma. Il ressortit deux minutes plus tard et me fit entrer à mon tour, seul. Le médecin ne leva même pas la tête, il me dit :

— Bonjour Evgeni, assieds-toi.

— Bonjour camarade médecin, lui répondis-je.

Je m’assis. Le médecin était en train de consulter le questionnaire médical que j’avais envoyé à l’avance. Il avait la soixantaine, les cheveux gris et une calvitie avancée. Il avait mis une cravate sous sa blouse blanche.

— Ainsi tu n’es pas malade, me dit-il. Pourquoi es-tu ici ?

— Je suis un peu trop gros, je dois maigrir.

— Mange moins, ce n’est pas difficile. Pas besoin de faire une cure.

— Mais mon père m’a dit…

— Je sais bien que ton père est un fonctionnaire au ministère de la santé et que c’est lui qui décide de m’allouer des ressources dans les plans quinquennaux. Ce n’est pas une raison de t’envoyer en vacances au détriment des gens qui souffrent vraiment.

J’étais très étonné de l’attitude de ce médecin. Il osait critiquer ouvertement le système devant moi, sachant qui était mon père.

— Tu feras certainement connaissance avec les jumeaux Sacha et Kolia. Ils étaient malades et je les ai guéris avec mes méthodes. C’est pour des gens comme eux que je travaille, pas pour des jeunes qui bouffent trop. Enfin, le système s’effondrera bientôt comme un château de cartes. Ce sera pire, il n’y aura plus d’argent, ce sanatorium deviendra une ruine. D’un point de vue architectural, c’est ce qu’il mérite. Mais c’est dommage d’un point de vue humain, il y a des gens de grande valeur qui y travaillent. Vous achèterez vos médicaments à prix d’or avec des devises au lieu d’utiliser les traitements naturels.

Je restai silencieux.

— Tu es certainement en train de penser que je radote et que tu vas signaler mon cas à ton père, continua-t-il. Cela ne sert à rien. Tu apprendras bien vite que les deux jumeaux que je soigne depuis des années sont les petit-fils du Secrétaire Général, peu de chances qu’on m’envoie au goulag, j’ai été décoré, je suis un Héros du Travail. Bon, arrêtons de bavarder. Enlève tes chaussures et mets-toi sous la toise.

Il nota ma taille, puis me demanda de relever ma chemise. Il me mesura le tour du ventre. Il me demanda ensuite de monter sur la balance. J’obéis.

— Une minute, me dit-il. Je connais les trucs. Au début du séjour on va sur la balance tout habillé, même avec la parka en hiver, et à la fin on a perdu toute pudeur, on enlève même le slip. Déshabille-toi.

Je redescendis de la balance et pris tout mon temps pour enlever mes habits, les pliant soigneusement sur une chaise. J’hésitai au moment d’enlever le slip, mais j’avais cru comprendre qu’il le désirait. Je me retrouvai nu.

— Parfait, me dit le docteur.

— Heureusement que je suis circoncis, camarade médecin, sinon j’aurais dû me décalotter pour peser quelques grammes de moins.

Le médecin me regarda l’air étonné, puis me sourit :

— Je pense que nous allons quand même bien nous entendre. N’aie plus l’attitude du fils d’un membre du Parti auquel on doit tout. Que veux-tu faire dans la vie Evgeni ?

— J’aimerais devenir cosmonaute, c’est pour cela que je suis motivé à maigrir et à améliorer ma condition physique. Je ne suis pas venu en vacances ici.

— C’est toi qui devras avoir la volonté. Je ne peux pas le faire à ta place.

Le médecin m’examina longuement, n’oubliant aucune partie du corps, même les plus intimes. Il me dit à la fin :

— Je n’ai rien trouvé d’anormal qui t’empêcherait de devenir cosmonaute. Le chemin sera long et la sélection difficile. Je sais que les deux jumeaux auraient voulu l’être, mais ils sont trop malingres. Ils désirent quand même participer au programme spatial comme ingénieurs.

— J’ai déjà fait leur connaissance à la salle d’attente. Je leur en parlerai. Il y a un lancement ce soir.

— Perds 5 kg jusqu’à fin du séjour et je serai content de toi.. L’infirmier te préparera un programme, il débutera cet après-midi à deux heures. Tu peux te rhabiller, baise bien avec les jumeaux, mais ne les fatigue pas trop, ils doivent beaucoup dormir.

Ainsi l’infirmier avait déjà tout raconté au médecin. Mais pourquoi pensaient-il tous que j’étais attiré par les jumeaux ? Pourquoi pensaient-ils tous que j’étais… oui, que j’étais homosexuel, alors que je ne l’avais jamais envisagé ? Au plus profond de mon être, je savais qu’ils avaient raison.

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mondoi Il ya 9 ans  
dudu Il ya 9 ans