Vues: 464 Created: 2014.04.20 Mis à jour: 2014.04.20

L'Hôpital

Chapitre 5

Le lendemain matin, le mardi, je me rendis au bureau malgré mon rhume. Je montai au troisième étage, où je devais travailler. Je fis la connaissance de mon supérieur direct qui me mena à ma place de travail, située dans une grande salle. Il y avait des bureaux pour 50 programmeurs, par rangées de 10. J’avais juste un ordinateur et un téléphone à disposition, ainsi que des tiroirs pour ranger les dossiers. Le Chef me donna une enveloppe contenant un nom d’utilisateur et un mot de passe. Il me présenta à quelques collègues. Nous visitâmes ensuite le reste du bâtiment.

Mon Chef me remit encore une lettre en me disant :

— Je pense que c’est la convocation pour la visite médicale. Vous avez de la chance, d’habitude il faut attendre plus longtemps.

— Merci, je vais regarder tout de suite.

J’ouvris la lettre et je lus ceci :

Personnel et Confidentiel

Expéditeur : Service Médical de l’Administration, Section des visites médicales de contrôle

À : M. Daniel K.

Fonctionnaire de niveau 28

Administration Informatique

3ème étage

1, rue de l’Administration Informatique

B.

Conformément à l’article 45 du « Règlement concernant les visites médicales des Fonctionnaires », vous êtes convoqué le :

Mercredi 23 novembre 20**, à 8 heures, à l’Hôpital de B.

Veuillez vous présenter à jeun à l’accueil des patients au rez-de-chaussée. Vous n’êtes pas obligé de porter votre uniforme.

Veuillez prendre avec vous tous les documents médicaux en votre possession (p. ex. carnet de santé, carnet de vaccinations, radiographies, etc.).

Ci-joint deux bons pour obtenir des tickets de tram gratuits.

Le Chef du Service Médical

Jules Zity

Je dis à mon Chef :

— Ce sera mercredi dans une semaine.

— Bien. Je dois encore vous dire que vous devrez justement travailler par la suite pour l’Hôpital. Comme c’est un Hôpital public, c’est notre Administration Informatique qui en est responsable. En attendant je vous laisse. N’hésitez pas à me contacter si vous avez une question. Comme vous l’a certainement déjà indiqué le Chef du personnel, vous n’êtes pas obligé de venir tous les jours ici jusqu’à la visite médicale.

J’étais impatient d’avoir l’accès à ce mystérieux Internet. Je démarrai l’ordinateur et m’annonçai. Je n’avais aucune idée comment on pouvait utiliser ce réseau. Le programmeur à côté de moi me chuchota :

— Google. G O O G L E.

— Merci, lui répondis-je.

J’essayai et je compris tout de suite ce que c’était. Je fis une recherche au hasard, en anglais. J’avais aussi appris l’anglais pour écrire les programmes et utiliser la documentation. Je vous laisse imaginer la surprise, découvrir ce que l’État cachait à tout le monde. Ma première journée de « travail » passa très rapidement. À 17 heures, une sirène me rappela que c’était l’heure de rentrer. Je serais bien resté plus longtemps.

Après le dîner, je bus le café avec ma logeuse. Elle me demanda :

— Comment s’est passée cette journée ?

— Assez bien, même si je n’ai pas encore le droit de travailler avant d’avoir passé la visite médicale. Mais j’ai reçu la convocation.

— Déjà ?

— Oui, il paraît que ce n’est pas si rapide d’habitude.

— Et vous avez exploré Internet ?

— Comment le savez-vous ?

— Secret de polichinelle. Il y a beaucoup de monde qui y a accès, contrairement à la doctrine officielle.

— Même vous ?

— Et c’est quand la visite médicale ? continua-t-elle sans me répondre.

— Mercredi dans une semaine, à 8 heures. Je ne prendrai pas le petit déjeuner ce jour-là. Combien de temps pensez-vous que cela durera ?

— Toute la journée certainement.

Je fus étonné, mais je ne dis rien. Le soir, la logeuse revint dans ma chambre pour me prendre la température et me frictionner. Mon rhume allait mieux. Elle ne s’intéressa pas à mes organes génitaux, les jours suivants non plus. J’étais presque déçu, et je dus reprendre les choses en main.

Le jeudi soir, Mme T. m’annonça qu’elle ne serait pas là le vendredi. Elle allait trouver une de ses amies. J’eus une idée et je décidai de ne pas aller au bureau le lendemain.

Le vendredi matin, la logeuse quitta la maison vers neuf heures. J’attendis quelques minutes pour être sûr qu’elle ne reviendrait pas. J’avais évidemment décidé d’explorer la pièce où je ne m’étais jamais rendu, même si je pensais que la porte était fermée à clef. Je fus très surpris, la porte s’ouvrit sans problème. J’allumai la lumière, je me trouvais dans un cabinet médical. Je me demandai si ma logeuse m’avait menti, était-elle une doctoresse et pas une infirmière ? Il me semblait que tout était fonctionnel, prêt à être utilisé. Je n’avais par contre jamais vu de patients chez elle.

Je fis le tour de la pièce. Un diplôme affiché contre le mur répondit à ma question : il était au nom d’un M. T., certainement le mari défunt. C’est lui qui était médecin et ils s’étaient connus à l’Hôpital, cela paraissait logique. À sa mort, elle avait gardé cette pièce et transformé le reste de la maison pour y habiter.

Ce qui me frappa tout de suite, c’était un ordinateur sur le bureau. À côté, un modem relié à une prise téléphonique. Ce n’était normalement pas autorisé. C’était sûrement un « cadeau » du Chef du personnel ou c’était celui de son mari qu’on avait « oublié » de reprendre.

Contre une des parois, plusieurs vitrines contenaient divers instruments médicaux. Il semblait qu’ils étaient exposés comme dans un petit musée. Il y avait entre autres des thermomètres, des poires à lavement, des spéculums. Je me demandais ce qu’il se passait vraiment ici, même si je le devinais.

Je revins vers le bureau. Je vis une grande enveloppe posée dessus. Elle venait de l’Administration Informatique, donc du Chef du personnel. J’eus une intuition, les documents devaient me concerner. Je me permis donc de l’ouvrir.

C’étaient des copies de rapports médicaux, ceux de mes visites médicales scolaires. Ils avaient été transmis à mon Chef. J’en lus un au hasard. Une phrase avait été mise en exergue :

Lors de l’examen du pénis et des testicules, nous avons constaté que Daniel K. a eu une érection très rapide. Ce n’est pas la première fois que cela se produit, comme vous pouvez le lire dans les rapports des visites de 20** et 20**.

Incroyable, pensais-je. Sommes-nous surveillés à ce point ? Quel est l’intérêt de collecter ce genre de ragots ? J’avais surtout eu des visites médicales à l’école, chaque année. Dire que j’aimais serait exagéré, mais j’étais quand même assez excité, c’est bien le mot, lorsqu’une doctoresse me baissait le caleçon pour décalotter mon pénis et tâter mes testicules. Je fis le rapprochement avec mon séjour actuel. Était-ce pour cela que le Chef du personnel m’avait choisi ? Je commençai à comprendre. Il avait pensé que j’avais un intérêt spécial pour le monde médical, en fait pour le fétichisme médical, comme mes recherches sur Internet me l’apprendraient par la suite. Je dois avouer qu’il ne s’était pas trompé, même si je n’en étais pas encore vraiment conscient à cette époque.

Je ne savais pas encore que le choix de mon Chef n’était pas seulement pour satisfaire les fantasmes d’une infirmière perverse, mais qu’il y avait encore d’autres raisons. Excusez-moi si j’anticipe.

— Alors, ça vous intéresse ?

Je sursautai et me retournai. Ma logeuse était sur le pas de la porte.

Comments

dudu Il ya 10 ans