J'ai eu une étrange impression lors de cette première séance. Ces yeux qui me regardaient, qui épiaient et analysaient mes moindres gestes. J'étais gêné au plus point, aMais Mourad s'est arrêté là. Quand je me suis installé sur la table, il m'a recouvert avec une grande serviette qui partait du bas du dos jusqu'aux genoux. Puis il a commencé son travail de rééducation. Les séances se sont déroulées à peu de choses près, sur le même modèle : je me mettais sur le ventre et Mourad me massait l'épaule et descendait jusqu'aux reins, environ. Jamais plus bas. Ensuite, m'allongeant sur le dos, il massait à nouveau l'épaule et appliquait ses mains jusqu'au niveau de la cage thoracique. Jamais plus bas. Pour finir, il me posait des électrodes durant un quart d'heure, réglés sur une minuterie. Quand cela sonnait, il venait me débrancher, rattachait mon attelle et me regardait me rhabiller. Et pendant que j'avais les patchs électriques, il allait s'occupait d'un autre patient, me laissant seul dans le box.
La deuxième séance se déroula sur le même modèle : je lui ai demandé si je devais tout enlever. Un simple hochement de tête de Mourad m'a fait comprendre que oui. Et ainsi de suite.
Vers la 5ème séance, Mourad a jugé que je me débrouillais mieux, que je mettais beaucoup moins de temps au déshabillage et au rhabillage de fin de séance. Mais je suivais ces séances toujours dans le plus simple appareil. Cela ne me faisait plus rien, j'en avais pris l'habitude. Je n'appréhendais plus ce moment de mis à nu intégral, et je dirai même que quelque part, je l'attendais... Je m'y étais fais...
Mon bras droit devenant de plus en plus mobile, Mourad m'aidait à présent à retirer mes affaires et à les remettre. Il tenait le vêtement que je devais enlever, et je faisais le reste. Ou bien, en fin de séance, il me tendait mes habits, chose qu'il ne faisait pas avant.
Lorsque je passais d'une position à l'autre, par exemple allongé sur le dos puis allongé sur le ventre, Mourad soulevait le drap qui me couvrait, mais ne regardait pas en-dessous. Je dirai même qu'il détournait le regard pour ne pas m'indisposer davantage. Mais comme je l'ai dit, au bout de la 5ème séance, j'avais pris l'habitude d'être nu, cela ne m'incommodait plus. Bien au contraire, ajouterais-je...
Arrivé à la moitié des séances, quand Mourad me fit entrer dans un box, il ne resta pas près de moi. Il me dit de m'installer, tout simplement. Et moi, comme je le faisais systématiquement, je me suis entièrement déshabillé attendant mon praticien. Je ne suis pas monté sur la table, attendant que Mourad revienne avec la serviette. Je me suis assis sur le banc où gisait mes affaires, croisant les jambes pour dissimuler mes attributs. On ne sait jamais... Si quelqu'un d'autre que Mourad entre...
Mourad vint me trouver et me dit :
- C'est bon, maintenant. Vous bougez bien votre bras. Ce n'est plus la peine de vous mettre comme ça. Vous pouvez garder votre pantalon. Vous avez beaucoup progressé. Bravo.
Pour ne pas ôter du temps à la séance, Mourad m'a dit de rester comme ça. Il m'a recouvert et la séance s'est déroulée comme les autres.
Petite anecdote : comme je lai écrit, Mourad qui est plus jeune que moi, partage le cabinet avec une autre kiné, une femme, plus âgée, la soixantaine peut-être. C'est elle la propriétaire des lieux. Mourad n'est pas le seul à travailler ici, d'autres kinés se relaient. Mais moi je n'ai vu que Nicole et Mourad. Les autres, je ne les connais pas.
Je reviens à mon anecdote : lors d'une des premières séances, alors que j'étais nu couvert par la serviette et portants les électrodes, Nicole est entrée dans le box dans lequel j'étais. Elle y est venue pour chercher un appareil que Mourad avait utilisé et n'avait pas remis à sa place. Elle en profita pour se présenter. A mon tour, je lui dit pourquoi j'étais là, et ce que faisait Mourad. Nicole dit :
- Vous permettez ?
Elle s'approcha de moi, vérifia la position des électrodes et ne trouva rien à redire. Elle les fit bouger un peu et constata (elle le dit elle-même) qu'ils étaient bien placés au bon endroit.
Puis elle me demanda :
- Pourquoi vous pose-t-il une serviette ? Vous avez froid ?
- Non, pas du tout. C'est que je suis pas habillé. Mourad a voulu voir comment je faisais dans la vie de tous les jours ?
Nicole, étonnée :
- Et il vous a laissé comme ça ?
- Oui pour la durée de la séance. J'ai pris l'habitude.
Nicole souleva quelques secondes la serviette. Un petit air frais me traversa alors le corps.
- Ah oui, je vois ça. Bon, je vais lui en toucher un mot. Je n'aime pas qu'on laisse les patients tout nu quand ce n'est pas nécessaire. Qu'il voie comment vous vous débrouillez, soit, mais il n'a pas à vous laisser tout nu.
Et Nicole se retira en fermant la porte. Le box où Mourad me recevait était muni d'une porte coulissante qui ne fermait pas à clé. Mais quand elle était fermée, personne n'avait le droit d'entrer, à part les praticiens, évidemment.
Je ne sais pas, si finalement, Nicole a recadré Mourad ou pas. Cela ne me regardait pas de toutes les façons. Moi, personnellement, j'appréciais les qualités professionnelles de Mourad et je ne trouvais rien à redire.
Autre anecdote : un patient, reçu peut-être avant moi, a cogné à la porte du box dans lequel je me trouvais. Mais Mourad n'était pas là, occupé avec un autre patient. Mourad, quand il entrait, cognait avant d'entrer. Ce jour-là, Mourad m'avait demandé - comme je le raconte plus bas - de faire certains exercices aux espaliers. Je me suis accroché en tendant les bras à l'un des barreaux en hauteur et je me étiré de tout mon long, le plus possible quand on a cogné à la porte. Croyant donc que c'était Mourad, je trouve, entrant dans le box, une personne que je ne connais pas et qui cherchais après Mourad. Ce dernier, entendant son nom, vient vite me retrouver, et sort l'intrus du box en lui disant :
- Vous n'avez pas le droit d'entrer quand un patient est en soins.
Mourad sort avec ce monsieur et je les entends s'expliquer à l'extérieur.
Puis, Mourad vient me retrouver et s'excuse de cette visite inopinée, me demandant si le fait d'avoir été vu presque nu devant un inconnu ne m'a pas indisposé.
Que pouvais-je y faire ? C'était fait, tant pis.
De la 10ème à la dernière séance, je n'ai enlevé que le haut des vêtements et les chaussures. La seule chose que Mourad ait exigé, c'est de défaire ma ceinture et d'ouvrir le pantalon. Dans cette posture, en étant sur le ventre, Mourad baissait d'un tout petit centimètre le pantalon pour découvrir le haut du slip, la zone où quelquefois est inscrite la marque des sous-vêtements. Puis, quand je me retournais et me mettais sur le dos, il écartait de lui-même un peu plus les deux pans du pantalon et découvrait la majeure partie du slip sans le descendre, ni l'abaisser. Mes parties se devinaient mais ne se montraient pas. Bof, comme il connaissait tout de moi, plus rien ne me gênait maintenant. Et puis on arrivait à la fin des séances, alors...
Au fur et à mesure du déroulement des séances, Mourad m'a énormément apporté et il m'a rassuré, m'a dit que des patients opérés comme moi, par le même chirurgien et qu'il suivait maintenant en son cabinet, ont mis plus d'un an à retrouver leur mobilité. Et moi, grâce au ciel ou à je ne sais quoi, en 3 mois, j'avais récupérer plus de 80 %. Il m'a affirmé aussi que certains d'entre eux, certes un petit nombre, venait toujours ici pour de la rééducation.
C'est entre ces séances, une absence de Mourad en congés, que ma généraliste m'a orienté vers la MPR dont j'ai parlé dans ce site.
Les dix séances qui me restaient à faire se déroulaient sur le même rite : massages de face et de dos de l'épaule, exercices d'étirement des membres supérieurs (le bras droit en priorité et le gauche pour raisons de symétrie, m'a-t-il dit...), puis électrodes uniquement sur l'épaule opérée, pendant une vingtaine de minutes. Mais sans la serviette devenue inutile. Mourad est un vrai professionnel qui n'abuse pas de sa position ou de sa situation.
A partir de la 15ème séance, jugeant que mon épaule fonctionnait mieux, il me proposa un petit exercice que je n'avais jamais fait chez lui auparavant. Planté à l'un des murs du box où il me recevait, il y avait des espaliers. Tout en restant habillé entièrement, il m'a demandé d'atteindre la plus haute barre qu'il m'était possible, sans lever les talons (j'étais sans chaussures). J'ai dû toucher la 18 ou 19ème barre, je ne m'en souviens plus. Je me étiré le plus possible, sollicitant mon épaule qui me faisait beaucoup moins mal et qui répondait mieux. J'ai fais cet exercice de dos et de face. Puis, Mourad m'a demandé de recommencer, mais sans vêtements. J'ai pensé qu'il voulait que je remette tout nu à nouveau, mais il m'a dit qu'en slip, cela suffirait. Il m'a expliqué qu'en tenue légère, il pouvait voir et étudier la courbe et la dispositions des muscles et des articulations lors de ces mouvements d'extensions.
Je me déshabille. Sauf que mon slip, a glissé un peu de lui-même et est descendu de quelques centimètres par devant lorsque je me suis accroché à la barre la plus haute à ma portée. Et aussi, parce que j'ai répété cet acte très physique pour moi, plusieurs fois. Mourad s'en est amusé, et s'approchant de moi, m'a remis le slip en position, disant avec un brin d'humour, que j'ai apprécié :
- J'ai déjà tout vu. Ca suffit.
Cela m'a fait rire, je l'avoue.
Renouvelant l'exercice en lui donnant le dos même résultat : mon slip descend et dévoile mes fesses. Je souris à cette idée, et Mourad s'approche à nouveau pour me recouvrir, en disant avec humour encore :
- Décidément... Vous voulez tout me montrer encore ? J'en ai assez vu de vous, vous ne croyez pas ?
Je ne réponds pas, mais je rigole de bon coeur à sa remarque.
Et lui aussi.
A chaque nouvelle séance, j'essayais chaque fois d'attraper une barre plus haut pour m'étendre au maximum. En fonction de ma taille et de l'étirement que je pouvais pratiquer. Je n'ai jamais pu aller au-delà de la 20ème barre. Mourad ne me l'a jamais reproché, quoiqu'il aurait bien voulu que je le fasse.
La dernière séance arriva, très différente de toutes les autres.
Je commençais un peu à regretter ce temps, car qui dit fin de séance, dit fin de rééducation et reprise du travail.
D'un côté, je me réjouissais de m'être rétabli aussi vite. D'autres n'ont pas eu cette chance, d'après Mourad, qui a, en quelques sortes, confirmer les dires du chirurgien. Mais je voulais encore suivre des séances de kiné... Mourad m'a dirigé vers ma généraliste et lui en faire la demande.
Pour la dernière séance donc, Mourad a voulu vérifier certaines choses et mesurer certains actes. Il se saisit d'un chronomètre et me dit :
- Je vous donne 5 minutes pour vous déshabiller.
J'ai suivi l'ordre de Mourad et j'ai mis 6'10 minutes à le faire. En gardant mon slip.
Mourad dit :
- Je n'enregistre pas ce temps, vous n'êtes pas entièrement déshabillé. Il vous reste quelque chose que vous n'avez pas enlevé. Vous avez compris ? Allez, on recommence. Enlevez tout, même les chaussettes et... le slip. Tout, quoi.
Je me rhabille et Mourad me donne le top départ. Me voilà à poil en 5 minutes 25 secondes.
- C'est raté, dit Mourad. Il faut le faire en 5 minutes. Pas plus. On recommence.
Nouvel habillage. Top départ. Je me dépêche et je me retrouve à poil en... 4'55.
- Super, dit Mourad. Félicitations. On le refait, mais en 4'30.
Rhabillage et remise à poil en 4'39.
- Bon, dit Mourad. C'est pas la peine d'aller plus loin. C'est suffisant. On va faire pareil pour le rhabillage. Je vous laisse 3 minutes.
Comme il fallait remettre les vêtements en ordre ou à l'endroit, le rhabillage a eu lieu en 4'28. Je me rappelle encore des temps, c'est fou. Cette séance m'a marqué profondément.
- Dernier essai, dit Mourad. On tente un rhabillage en 4 minutes.
Obligé de me déshabiller entièrement, de repartir à 0 en quelque sorte, Mourad me donne le top départ. Il ne voit pas ce que je fais, il ne regarde que son chronomètre.
Je réussis à me rhabiller en... 4'08.
- C'est bon, dit Mourad. Pas la peine d'aller plus loin. Je vous conseille de vous entraîner chez vous, avec des petits exercices chronométrés. Fixez-vous un temps et habillez-vous ou déshabillez-vous dans ce temps donné. Vous pouvez aussi tenir dans votre main droite une bouteille d'eau à moitié pleine pendant un certain temps, puis rajouter de l'eau au fur et à mesure. Si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas à venir me voir.
J'ai appliqué les conseils de Mourad pendant les 2 ou 3 mois qui ont suivi la fin des séances, et dans le cadre de mon travail aussi, où durant des moments creux, je m'astreignais à faire des étirements, des élongations...
Six mois après l'intervention, visite de contrôle chez le chirurgien qui m'a opéré. Non seulement il m'a félicité pour le temps très court avec lequel j'ai retrouvé l'usage de mon bras (il l'a chiffré à 98 %), mais la pugnacité avec laquelle j'ai combattu. Lui aussi m'a dit que j'ai eu de la chance, car des patients qu'il a opéré il y plus de 2 ans de la coiffe des rotateurs, comme moi, sont encore en soin de rééducation. Il s'est réjouit que j'aie pu reprendre mon travail après seulement 3 mois et demi.
Je l'ai remercié de ses qualités professionnelles et de façon dont il m'a opéré.
Ma généraliste lors d'une consultation peu avant celle du chirurgien a aussi chiffré la mobilité de mon bras à 95 ou 97 %. Elle ne s'est pas trompée de beaucoup et lorsque je lui ai raconté comment se sont passées les séances avec Mourad, elle m'affirme qu'elle connait bien Mourad, qu'elle va chez lui quand elle besoin de kiné et qu'il est très compétent.
Elle aussi me donne quelques conseils et petits exercices pour le maintien de l'épaule. Et je suis ses conseils jusqu'aux vacances d'été. Elle aussi s'est étonnée ma reprise si rapide de mes activités... Je n'avais pas de raison de prolonger davantage mon arrêt de travail.
Pour entretenir l'épaule encore un moment, ma généraliste m'a rédigé une ordonnance pour 10 séances de balnéothérapie. Là aussi, c'était folklo. J'en reparlerai une autre fois.
J'en ai subi des choses durant mon absence sur ce site...