Moi, ce fut en décembre 1979, l'année du Bac. J'avais demandé un report pour pouvoir continuer mes études.
Les 3 jours, comme on disait alors, se déroulait dans un centre de sélection. A l'arrivée, on avait droit à un long discours sur l'armée, la Nation, la Patrie...
Puis, on passait une batterie de tests en tous genres et de tous types. On était bien nourri et bien logé, sauf qu'il fallait éviter de dormir en bas, dans les lits superposés, la légende disant que l'occupant du haut, pissait sur celui du bas. Cela ne s'est pas produit dans ma chambrée.
Enfin, venait l'examen médical : l'ophtalmo nous recevait après avoir passer quelques minutes dans une salle d'attendre plongée dans le noir absolu. Il y était interdit de produire dans cette pièce, la moindre source lumineuse (briquet, montre électrique...). Pour éviter que cela ne se produise, un gradé surveillait le groupe qui attendait l'ophtalmo.
En ce qui me concerne, j'étais déjà exempté à cause de ma forte myopie. Mais je n'ai pas pour autant le droit de rentrer chez moi, je devais terminer toute la partie médicale.
Ensuite, radiologie : on m'informe que j'ai une scoliose et que je ne peux pas être incorporé à cause de cela.
Puis, avant de passer chez le médecin, un appelé du contingent nous conduit à travers un dédale de couloir, dans un vaste vestiaire qui s'ouvrait sur des douches.
En hurlant un ordre, tous ceux qui étaient là (nous étions une vingtaine ou plus), devaient se déshabiller pour aller à la douche, à poil évidemment. Nous n'avions pas beaucoup de temps.
Nous sommes tous allés à la douche et le soldat qui nous a conduit en ce lieu, est entré dans la salle d'eau pour voir si tout le monde prenait bien sa douche.
Hormis le lycée, c'était la première fois où je prenais une douche collective à poil ! Le soldat s'amusait en inspectant les futurs incorporés !
Puis il a annoncé qu'il allait couper l'eau, qu'il fallait sortir et se rhabiller.
Ce qui fut dit, fut fait. Mais le dernier à quitter la douche a été contraint de tout nettoyer derrière lui, le pauvre.
Pendant cette remise en état, le soldat vérifait que tous ceux qui sortaient de la douche étaient bien mouillés ! Pour ce contrôle, on n'avait pas le droit de s'envelopper d'une serviette, d'un drap de bain ou d'un pagne : on se montrait nu, bras et jambes légèrement lois du corps. On entendait le soldat dire " C'est bon " à plusieurs personnes. Il a cependant jugé qu'un de nous ne s'était pas bien lavé : il a du y retourner et nettoyer ensuite.
L'examen médical commençait après la douche. Bien que nous nous soyions rhabillés, le soldat nous conduit au pas de course vers un autre local, en traversant la cour de la caserne. Il nous laisse dans une autre aile du bâtiment. Il nous ordonne de nous mettre en slip et d'attendre qu'on nous appelle.
Le groupe dans lequel je me trouve est séparé en 4 aussitôt après. Un autre soldat, présent en ce lieu, m'escorte vers une salle où j'entre. Là, m'attendent la toise et la balance, à la charge de deux appelés qui nous pèsent et nous mesurent.
Je me rhabille et je sors de cette salle, et le soldat me conduit au cabinet médical, proprement dit.
Par contre, là, il m'ouvre un déshabilloir et me demande à nouveau de me présenter en slip. Il laisse la porte de la cabine ouverte, assiste, en quelques sorte à mon déshabillage. Il ne referme la porte du déshabilloir que lorsque je suis en slip. Il opère alors sur ma personne un bref contrôle de propreté et sort en refermant la porte sur moi.
J'attends avec angoisse l'appel du médecin. Je tremble parce que j'ai peur. J'ai demandé à être incorporé et, pourquoi pas, à faire carrière dans la gendarmerie. Je suis inquiet, du fait que l'ophtalmo m'a déjà écarté du circuit militaire.
Le médecin me reçoit et me fait passer un examen basique. Tension, coeur, rerspiration... Il reste assis sur sa chaise en me faisant tout ça, et il est seul dans le cabinet. Il examine mes membres, ma poitrine, mon abdomen, toujours assis. Il ne dit rien,il note au fur et à mesure ce qu'il constate. Il ne parle que par ordre (Levez les bras, respirez, tournez-vous, pliez vos jambes...).
A la fin de l'examen, il hurle :
- Baissez votre slip !
J'obéis. Mon slip se retrouve sur mes cuisses.
- Plus bas, hurle-t'il alors beaucoup plus fort.
Je le laisse carrément tomber à terre.
-Posez-le !
Je me baisse, ramasse mon slip et le dépose quelque part dans le cabinet.
Le médecin se lève, je ne dis pas un mot. Il ordonne :
- Ecartez les jambes !
Et je sépare mes jambes l'une de l'autre du plus que je peux.
Il prend une lampe, s'accroupit et inspecte mon entrejambe, sans y toucher, sans rien dire.
- Retournez-vous !
Je me retourne et je subis le même examen, mais de dos, cette fois.
Il retourne à son bureau et me dit :
- Vous êtes exempté, votre myopie est trop forte. Au revoir !
Et sans rien ajouter de plus, il se rasseoit derrière son bureau, pendant que je remets mon slip.
J'ai voulu faire mon sevice, mais voilà : j'étais et je le suis encore myope. Le soldat qui m'a conduit jusqu'ici, m'a vu sortir la mine défaite. Je lui ai expliqué pourquoi. Il m'a alors dit que je pouvais contester la décision du médecin, via un rendez-vous chez le psychologue. Qui plus est, je pouvais, en restant une nuit de plus à la caserne, le voir demain.
J'ai accepté l'offre du soldat.
Le lendemain matin, à la première heure, le psychologue me reçoit. Il est étonné de ma démarche, car d'habitude, c'est ceux qui sont incorporés qui vont le psy pour se faire exempter. Moi, ma demande est toute autre.
J'explique au psy que je veux faire mon service, que je souhaite même en faire mon métier.
Après une long monologue, le silence se fait total. Le psy a pris note, mais il ne dit rien. Il est de marbre. Moi, je n'ai plus rien à ajouter, j'attends l'avis du psychologue.
Ce dernier se lève de son bureau et m'ordonne sur un ton doucereux (malgré que ce soit un gradé) :
- Déshabillez-vous, jeune homme. Enlevez tout. A poil !
Surpris de cette demande, je m'exécute, difficilement. J'enlève tout, mon incorporation est en jeu. C'est pour la bonne cause que je me mets à poil, laissant ma pudeur au vestiaire.
Une fois nu, le psychologue s'approche de moi. Je ne bouge pas (il me l'a ordonné), je reste droit comme un i. Le psy tourne autour de moi, à plusieurs reprises. Il ne me touche pas, ne dit pas un mot.
Au bout de 5 à 6 minutes, il retourne à sa place, me contemple de l'endroit où il est et me dit de me rhabiller.
Il m'annonce qu'il ne peut rien faire, au vu des documents médicaux en sa possession : scoliose et myopie sont des motifs valables d'exemption du service national.
Le fait de ne pouvoir intégrer la gendarmerie, est le plus grand regret de ma vie !