Voilà une histoire digne de foi, arrivée à l'un de mes amis de faculté, vers les années 80. Nicolas a obtenu un diplôme d'ingénieur et, jeune sans expérience, il a eu du mal à trouver du travail en ces années 1980 (pour les anciens qui s'en souviennent).
En parcourant les petites annonces, Nicolas trouve quelque chose qui correspond à ses goûts. Son futur employeur lui fixe un rendez-vous un mercredi (le jour est important).
Nicolas se présente au jour et heure indiqué dans une entreprise de BTP. Hélas ! la secrétaire, d'emblée, lui annonce que son interlocuteur n'est pas disponible, qu'il a du partir en urgence sur un chantier et qu'il le recevra demain, jeudi, donc à la même heure.
Nicolas ne se démonte pas : à peine arrivé dans les locaux, le voilà reparti, avec un autre rendez-vous.
Le lendemain, jeudi, Nicolas se représente : même scénario pour lui encore. La secretaire après l'avoir fait attendre un bon moment, lui annonce qu'il ne peut pas être reçu, que le patron s'est absenté (elle ne lui en donnera pas la raison) mais qu'il le recevra, sans problème demain, vendredi. La secrétaire s'excuse de ce nouveau contretemps et Nicolas s'en retourne chez lui.
Le vendredi, revoilà Nicolas dans cette PME. Il n'a pas le temps de s'annoncer que la secrétaire s'avance vers lui et lui dit, l'air serein :
- Je suis désolée monsieur, mais le directeur ne peut pas vous recevoir. Mais, pour se faire pardonner de vous avoir dérangé trois fois de suite pour rien, il vous offre un week-end dans sa propriété dans le Var. Une voiture vous attend en bas. Faites vos bagages et allez-y. Voilà les clés et faites comme chez vous. Ne vous faîtes aucun souci, vous êtes attendu là-bas par le personnel. Vous pouvez y aller avec femme et enfants si vous le voulez. Et, le patron vous recevra, c'est absolument sûr, lundi, sans faute. Profitez bien de votre séjour.
Nicolas n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer : son amie du moment n'a pas voulu l'accompagner pour des raisons familiale, et Nicolas s'est rendu tout seul, dans la Var dans la propriété de son " futur " patron ".
Et, comme l'a dit la secrétaire, le personnel de cette résidence était aux petits soins avec Nicolas. Il a eu droit à des repas conconctés par un chef, il a pu profiter de la piscine, du soleil...
Le samedi soir, vers 21 h, alors qu'il faisait déjà nuit dans le Var, une camériste passe une communication téléphonique à Nicolas. C'était le patron, qui demandait de toute urgence à Nicolas, de recencer le nombre d'arbres qu'il y avait dans la propriété. Le patron voulait ce chiffre pour lundi prochain, à 9 h et, transmis par Nicolas.
Dès le dimanche matin, Nicolas part explorer le verger qui fait partie de la propriété, seul. Il n'y a avec lui, aucun membre du personnel de la maison (c'est dimanche, peut-être) et il s'acharne à dénombrer les arbres, méticuleusement.
Vers 14 h, un personnel vient le chercher pour le repas, mais Nicolas refuse, tant qu'il n'a pas fini.
Aux environs de 18 h, Nicolas a fini son travail : il chercher à joindre le propriétaire des lieux, mais il n'y parvient pas. Un majordome lui offre alors de prendre une légère collation, étant donné qu'un véhicule va le reconduire cette nuit à son domicile.
Après une courte nuit, Nicolas se retrouve chez lui. Pas très frais, il se présente le lendemain matin, donc le lundi, au bureau.
Cette fois-ci, il n'y a pas de secrétaire qui l'accueille : c'est le patron lui-même en personne qui le reçoit, et qui demande, tout de suite, et sans saluer Nicolas :
- Alors ? Vous avez le chiffre ?
Nicolas répond et donne la réponse, qui ne satisfait pas le patron.
- Ecoutez monsieur... J'ai envoyé plusieurs personnes sur le site. Les uns m'ont dit tant, d'autres moins, d'autres plus que ce que vous n'annoncez... Je ne sais pas qui je dois croire, monsieur. Pourquoi vous et pas vos prédecesseurs ?
Nicolas ne se laissa pas faire : avec un sang-froid et un sans-gène incroyables, il déclara, sans s'énerver et sur un ton calme !
- Monsieur, je vous ai donné mon chiffre. Il est sûr et certain. C'est définitif et si je vous l'affirme, c'est que j'en suis convaincu.
- Bravo, monsieur. C'est vrai ce que vous dites. Je connaissais le nombre d'arbres, mais je voulais tester mon personnel avant de lui faire confiance. Votre réponse est exacte, je vous embauche, vous êtes l'homme qu'il me faut. Vous commencez demain.
Ahuri par la réponse du patron, Nicolas a donc été embauché dans cette PME. Le patron lui a confié la boîte et Nicolas l'a développée en créant de nouveaux postes, de nouvelles filiales. Quelques années plus tard, il en devint le PDG et a voulu m'embaucher. Mais je n'ai pas accepté, d'abord parce que je ne connaissais rien au bâtiment, et ensuite travailler avec les amis, ce n'est pas toujours bon...
Je suis toujours en contact avec Nicolas et nous nous voyions ou nous nous téléphonons de temps à autre...
Nicolas est toujours en activité dans son entreprise. Victime de la crise, il a perdu beaucoup de marchés et a été contraint de licencier plus du tiers de son personnel (départs à la retraite non remplacés).
Tout compte fait, j'ai peut-être bien fait de ne pas faire partie du personnel de Nicolas : peut-être serai-je au chômage aujourd'hui !