Christophe, jeune homme naïf
Cécile est troublée
Cécile était toute dérangée par cette escapade avec Anne, au point que sa mère, surprise de sa distraction, lui demanda ce qui se passait. Devait-elle en parler à Christophe ? Est-ce de l’infidélité si on ne s’est pas promis fidélité ? Est-ce que ça compte avec une fille ? Pourquoi l’avait-elle fait avec Anne alors qu’elle ne l’aurait pas fait avec un garçon ? Supporterait-elle que Christophe batifole avec une fille ? Et avec un garçon ? Était-elle bisexuelle ? Ces questions se bousculaient dans sa tête.
Le lendemain, pour tout arranger, c’était la fin de plaquette et les menstruations devaient arriver. Cécile chercha des serviettes hygiéniques dans le placard de la salle de bains / toilettes. C’est alors qu’elle revit le bock à lavement, accompagné de l’inévitable Vaseline.
Pour des raisons qui n’avaient jamais été éclaircies par le corps médical, Cécile était sujette à la constipation depuis l’enfance. Oh, on avait bien essayé de comprendre, on lui avait fait passer des examens. Cécile se rappellerait longtemps de son premier toucher rectal : on ne lui avait pas dit ce qui arriverait, juste de « pousser », elle s’attendait à un suppositoire, elle a eu un doigt complet. Évidemment, aux deux suivants, elle n’avait plus été surprise, seulement un peu humiliée. Les médecins, avait-elle appris plus tard, se demandaient si elle avait un problème de nerfs ou de sensibilité diminuant son réflexe de défécation. Avec du recul, Cécile pensait que le fait que son école élémentaire et son collège étaient équipés (du moins pour les élèves) de WC à la turque n’a pas dû aider : elle évitait d’y aller, surtout pour déféquer, et préférait donc se retenir.
On avait fini par lui laisser une relative paix de ce côté quand ses parents se dirent que la situation était finalement assez contrôlable, avec certaines précautions. Parmi ces précautions, il y avait une nourriture abondante en légumes (du moins à la maison, il était difficile d’agir sur la cantine scolaire), l’usage de pruneaux, d’eau d’Hépar, et d’huile de paraffine. Les médecins avaient dissuadé d’utiliser des laxatifs oraux plus agressifs, sauf très épisodiquement, ceux-ci risquant d’habituer l’organisme. Quand sa mère avait des doutes, elle lui demandait de ne pas tirer la chasse d’eau après le passage aux toilettes.
Cécile était en fait plutôt sujette à la « constipation basse », c’est-à-dire que son organisme laissait se former une sorte de bouchon dur, difficile à expulser. C’était assez angoissant pour elle comme sensation, de sentir qu’elle ne pouvait pas aller à la selle quand bien même elle essayait. Parfois, elle s’était blessé le rectum en tentant d’expulser ces étrons rétifs. Ses parents avaient bien entendu essayé les suppositoires à la glycérine, qui fonctionnaient la plupart du temps. Il y avait eu ce désastreux essai du laxatif liquide par voie rectale, dont l’effet surprise et quelque peu à retardement l’avait conduite à se conchier. Ensuite, ses parents avaient essayé les lavements au bock.
Le lavement était appliqué en cas d’échec du suppositoire (là encore, parfois vérifié par maman après interdiction de tirer la chasse d’eau), ou parfois sans même essayer celui-ci. Cécile devait se mettre à quatre pattes, fesses en l’air tête en bas, sur le tapis de la salle de bains, et sa mère, assise ou accroupie derrière elle, lui mettait la canule. Cela faisait mal au ventre, mais comme on lui avait dit, c’était ça ou avoir la même chose à l’hôpital. Elle se précipitait sur les toilettes après l’injection ; les premiers temps, elle courait fesses nues à travers le couloir, plus tard elle se mettait au moins une serviette autour de la taille. Un petit écriteau « Laisser les toilettes libres » fut introduit. Avec l’âge, sa mère se mit aussi à lui en administrer allongée sur le côté sur son lit, position tout de même plus confortable et plus respectueuse de la pudeur, Cécile devenant plus sensible à l’exhibition de sa « zézette ». Il faut dire que les injections maternelles se poursuivirent jusqu’aux signes de la puberté ; à ce moment la mère de Cécile lui expliqua comment s’administrer seule le traitement, allongée sur le dos dans la baignoire. Au lycée, toutefois, sa nécessité devint plus rare.
Le succès du lavement pour « déboucher » rapidement Cécile avait encouragé sa mère à l’appliquer, le cas échéant, sur elle-même et d’autres membres de la famille. Sur avis du médecin (« si elle le tolère bien pourquoi pas ne pas l’utiliser ? ») elle le donnait parfois pour d’autres maux de ventre, par exemple pour forcer l’évacuation de gaz ou d’une diarrhée.
Autant dire que Cécile avait tâté de la canule, et que celle-ci évoquait des souvenirs doux-amers : doux parce qu’elle se sentait soulagée ensuite, parce qu’elle appréciait le temps que passait sa mère avec elle ; et amers parce que c’était tout de même humiliant et inconfortable, qu’elle n’avait pas le choix, qu’on contrôlait ses fonctions intimes.
Cécile mit une serviette hygiénique.
Cette nuit-là, Cécile fit un rêve, ou était-elle à demi réveillée ? Christophe apprenait ses aventures avec Anne et lui infligeait la fessée.