Dans le cadre de mes fonctions, je suis habilité à accompagner les usagers du service social à un rendez-vous médical, de kinésithérapie, de dentiste, etc… Je l’ai déjà fait plusieurs fois, et que ce soit un généraliste ou un spécialiste, je ne suis jamais entré dans le cabinet médical avec le patient, homme ou femme. Je n’ai pas le droit de connaitre les pathologies de nos usagers, et d’ailleurs, je préfère ne pas savoir. Ils m’en disent déjà beaucoup sur leur état de santé, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Même chez les spécialistes qui ne demandent pas de déshabillage, comme l’ophtalmologue, l’ORL, le dentiste, je n’entre pas avec l’usager par principe, et surtout par déontologie.
Hélène a 75 ans, et je suis déjà intervenu chez elle pour du rangement de papiers, pour écrire des courriers, la conduire chez son dentiste…
Christine me missionne un jour, pour emmener Hélène chez son gériatre. Elle a annulé plusieurs fois le rendez-vous, et Christine, veut être sûre qu’elle fait bien renouveler son traitement de fond, au moins. Le rendez-vous a lieu vers la fin de l’après-midi. Sinon, elle risque d’entrer en maison de retraite ou de passer sous tutelle, ce que ne souhaite pas Hélène, bien évidemment. Pourquoi la mise sous tutelle ? Je n’en sais rien, c’est que me dit Christine pour motiver Hélène à se rendre chez son médecin. Hélène est d’accord, à condition que quelqu’un l’accompagne. Elle n’a pourtant pas besoin d’aide, car elle se déplace seule, sans canne, sans déambulateur. Elle a encore une très bonne vue et n’est ni myope, si presbyte. Ce qui est formidable à son âge.
Je ne peux rien refuser à Christine et à Hélène que je connais très bien. Je me rends donc chez elle d’où nous partons en taxi jusqu’au lieu de consultation. Elle habite en proche banlieue parisienne et son médecin, généraliste mais aussi gériatre, se trouve dans le 15ème arrondissement. Elle ne veut pas en changer, et a toute confiance en son praticien qui la suit depuis de nombreuses années et qui est à son écoute. Il la reçoit en dernier parce qu’il sait qu’Hélène a beaucoup de choses à dire et à voir avec lui.
Nous prenons place à bord du taxi. Pendant le trajet, bien plus long que prévu à cause de travaux, d’embouteillage et autres aléas de la route, nous discutons de choses et d’autres. Je me confie à Hélène, lui disant qu’en ce moment, je me sens fatigué, épuisé… Je n’arrive plus à tenir le rythme de mes visites aux usagers. J’ai du mal à me réveiller le matin, et du mal aussi à m’endormir. Hélène me conseille de me ménager, de faire attention à moi. Et puis aussi, je lui avoue que ça ne va pas non plus à la maison, qu’une fois rentré du travail, une nouvelle journée m’attend chez moi. Hélène me plaint, tente de me réconforter et est très attentive à ce que je lui raconte. Inquiète aussi.
Nous arrivons avec un petit quart d’heure d’avance. De toutes les façons, la secrétaire nous dit que le médecin a du retard et qu’il recevra Hélène en dernier, comme c’était prévu.
Dans la salle d’attente, très petite (une table basse et quatre chaises) il n’y a pas de place près d’Hélène : je m’assieds sur une chaise en face d’elle et je feuillette un magazine en attendant. Les trois patients, hommes et femmes, pas forcément âgés, puisque ce médecin est aussi généraliste, passent un par un dans le cabinet médical. Quand une chaise se libère près d’Hélène, elle m’invite à m’asseoir à côté d’elle. Nous parlons à mi-voix pour ne pas déranger les autres, et quand le dernier patient avant nous entre dans le cabinet, Hélène me dit :
- Vous entrez avec moi, n’est-ce pas ? Ne vous en faites pas, le docteur ne m’a jamais déshabillé.
- Non, Hélène. Je n’ai pas le droit d’assister à une consultation médicale. Ce n’est pas une question de déshabillage, je n’ai pas le droit, c’est tout. Ça relève du secret médical.
- Mais si, mais si. Vous êtes avec moi et vous entrez avec moi aussi. Vous m’accompagnez jusqu’au bout. Je ne le dirais à personne, ça restera entre vous et moi.
- Non, sans façon. Je vous attendrais dans la salle d’attente pour vous ramener chez vous. Prenez votre temps, je ne suis pas pressé et je n’ai d’autres rendez-vous aujourd’hui. Je vous ai réservé la demi-journée.
Hélène ne dit plus rien, mais je sens qu’elle bougonne. La porte du cabinet médical s’ouvre pour laisser sortir le patient qui nous précédait, raccompagné à la porte par le médecin : il n’y est pas resté longtemps, moins de 5 minutes ! Et avant que j’aie pu dire quoi que ce soit, Hélène se lève d’un bond et dit au médecin, sans le saluer :
- Je suis accompagné aujourd’hui, docteur. Ce jeune homme vient avec moi, dit Hélène en ne tirant très fort par le bras.
Je résiste, j’ai tenté de refuser, faisant comprendre au médecin que je n’avais rien à faire ici. Mais Hélène me dit à haute voix :
- Si vous n’entrez pas, je rentre chez moi et j’annule ma visite.
Le médecin est âgé, il a peut-être plus de soixante ans. Ses cheveux sont blancs, et il reçoit ses patients en costard-cravate papillon. Son regard en ma direction, m’a fait comprendre qu’Hélène ne me laissait pas trop le choix, et je finis par suivre Hélène, bien malgré moi, dans le cabinet, vaste. Le médecin me confirme qu’il n’a pas besoin de demander à Hélène de se dévêtir. Les murs du cabinet sont peints en vert, et le médecin dispose de tout le matériel moderne pour ses consultations. Hélène prend place sur une chaise face au médecin, je m’assieds à la droite d’Hélène, légèrement en biais par rapport au praticien de façon à me dissimuler derrière l’écran de l’ordinateur. Le médecin interroge sa patiente sur ce qui s’est passé depuis la dernière visite (il y a deux mois, sans moi). Hélène raconte tout, mais moi, je ne dis rien, je n’avais rien à dire. J’entends sans écouter, je ne sais rien sur l’état de santé d’Hélène (et je n’ai pas à le savoir).
Le médecin examine Hélène, prend sa tension, écoute son cœur par-dessus ses vêtements… Il fait rentrer son stéthoscope sous le chemisier qu’Hélène a un peu déboutonné. Puis, toujours habillée, il la pèse et la mesure. Elle se tourne vers moi et dit :
- Vous voyez bien qu’il ne m’a pas déshabillé. Je suis trop vieille pour ça.
Et Hélène part d’un fou-rire sonore, relayé par le médecin. Je souris, sans plus. Le médecin dit :
- Vous avez toujours le sens de l’humour, Hélène. Tant mieux, ça prouve que tout va bien chez vous.
Le docteur achève sa consultation, Hélène referme les boutons de son chemisier. Il lui rédige une ordonnance, lui conseille de faire une mammographie de contrôle, lui renouvelle son traitement et dit :
- Voilà, Hélène. Pour moi, RAS. Tout va bien. On se revoit dans trois mois, avec ou sans votre accompagnateur mais surtout avec la mammo.
Hélène sort de son sac sa carte vitale et son chéquier, mais avant de le rédiger, elle s’arrête un moment et semble réfléchir. Le médecin, inquiet, lui demande :
- Vous avez oublié quelque chose ? Vous avez besoin de quelque chose ?
Hélène me regarde et fait :
- Je ne veux pas abuser de votre temps, docteur, mais voilà… Le jeune homme qui m’accompagne…il m’a fait part de ses soucis de santé dans le taxi. Vous ne voulez pas l’examiner s’il vous plait ?
Je suis devenu pivoine, surpris par la requête d’Hélène. J’ai dit au médecin avant qu’il puisse répondre :
- Non docteur, tout va bien. Un petit passage à vide. Ce n’est rien, et puis j’ai ma généraliste qui me soigne et qui me connais bien. Je suis venu accompagner Hélène, simplement. Tout va bien pour moi.
Hélène revint à la charge :
- Ah non mon garçon. Ça m’a fait très peur ce que vous m’avez dit dans la voiture. Le docteur va vous examiner, c’est moi qui paye la visite.
- Là n’est pas la question. Je ne veux pas, c’est tout.
- Et moi, je veux. Allez-y, docteur. Examinez-moi ce brave homme.
Le médecin, l’air dépité, s’approche de moi, soupirant, comme pour montrer son impuissance devant l’insistance d’Hélène, qui surenchérit :
- Vous savez, j’ai gardé mes garçons à la maison jusqu’à 30 et 40 ans, alors. C’est moi qui les emmenaient chez vous, vous vous rappelez docteur, n’est-ce pas ?
Le médecin n’a fait que confirmer ce que disait Hélène.
- Eh bien, faites-moi la même chose avec ce jeune homme..
Voyant la situation sans issue, le médecin se conforme à la volonté d’Hélène. Tout près de moi, il murmure :
- Je vais faire très vite. Ne vous inquiétez pas. C’est pour lui faire plaisir.
C’était sans compter sur l’ouïe fine d’Hélène, qui ne souffre d’aucun handicap malgré son âge. Elle quitte son siège et hausse le ton en disant au médecin :
- Comment ça, vous allez faire très vite. Je veux, j’exige, une vraie consultation. Des pieds à la tête.
Le médecin s’est résigné. Il me regarde, lève les yeux au ciel, comme pour me dire qu’il n’y est pour rien et qu’il ne peut rien faire. Il veut bien me prendre en consultation, mais il demande à Hélène de sortir. Elle refuse. Elle tient à rester présente comme elle l’était avec ses enfants.
Une nouvelle levée des yeux au ciel du médecin, qui jette l’éponge et me dit :
- Désolé, monsieur, mais je vais vous demander de vous déshabiller.
Commentaire d’Hélène :
- Ah tout de même !
Je refuse, je fais mine de partir. Hélène me rabroue, crie et demande au médecin de m’empêcher de partir.
- Vous restez et vous allez vous faire examiner, me dit-elle. Puis se tournant vers le médecin. Allez-y, docteur. Il est à vous. (éclat de rire d’Hélène, d’elle seule).
Voyant toute tentative vaine, je cède aux caprices d’Hélène, avec l’envie d’en finir au plus vite. Je me dis qu’après tout, pourquoi pas ? Une consultation avec un carabin qui ne me connait pas… La seule chose qui me gênait au fond, c’est le déshabillage. Je quitte mon siège, me déshabille sous les yeux d’Hélène, et je pose mes affaires là où j’étais assis. Il n’y avait pas d’autre endroit pour poser ses affaires, ni paravent, ni cabine. Et Hélène a tout vu. Mais je ne retire que le haut, ce qui semble satisfaire le praticien. Puis je viens m’allonger sur la table d’examens. Il écoute mon cœur, me tapote sur le ventre çà et là… Il me fait asseoir sur le bord de la table, me fait tousser et reprend ses petites frappes sur mon dos. J’ai surveillé Hélène du coin de l’œil, elle n’a pas raté un seul geste du médecin.
Quelques minutes plus tard, le médecin déclare à haute voix, à l’intention d’Hélène, aussi :
- Voilà, c’est fait. Ce jeune homme est en parfaite santé. Tout va bien pour lui.
Puis se tournant vers moi :
- Vous pouvez vous rhabiller.
Mais Hélène ne l’entend pas de cette oreille :
- Ah non, docteur. Depuis le temps que nous nous connaissons. Vous n’avez pas tout vu. Qu’est-ce que c’est que ce travail ? Et le ventre, les jambes, les articulations ? Vous ne pouvez pas me faire ça à moi !
- Je vous assure Hélène, c’est inutile, reprend le médecin. Ce jeune homme, comme vous le dites si bien, est en pleine forme. Ce n’est pas nécessaire d’aller plus loin.
Hélène sortit de ses gonds : c’était bien la première fois que je la voyais dans cet état, depuis le temps que je la connais. Je descends de la table et m’approche du siège où se trouvent mes affaires. Mais Hélène se met à hurler dans le cabinet :
- Je veux que vous lui fassiez un examen complet, docteur. J’ai peur pour lui, et il me cache des choses, j’en suis sûre !
- Mais enfin, madame, vous n’êtes pas médecin, ni sa mère, si sa femme. Si vous dit que…
- Je ne veux rien savoir. Faites ce que je vous dis, je vous paye pour ça. Je ne suis pas sa mère en effet, mais je m’inquiète pour lui, comme si c’était mon fils.
Le médecin ne savait plus quoi faire, quoi dire. En poussant un long soupir, il a compris que j'ai baissé les bras. Et sans qu’il me le demande, je me déshabille à nouveau devant Hélène, ostensiblement. Je retire mon pantalon, que je pose sur la même chaise où se trouvaient mon tee-shirt et ma chemise, et je finis mon déshabillage en ne gardant que mon slip. Énervé, je m’adresse à Hélène, qui est restée assise à sa place et qui m’a regardé faire. Je lui dit, avec un brin d'arrogance, je l'avoue (ça ne m'est jamais arrivé avec aucun de nos usagers) :
- Et comme ça, ça vous va ? C’est ce que vous vouliez non ? Allez, vite, finissons-en !
Et je rajoute :
- La couleur et le modèle de slip, ça vous plait ? Ils en portaient des comme ça vos garçons ?
Ma réponse cinglante a porté ses fruits : Hélène baissa les yeux. Je remonte m’allonger sur la table. Le médecin, fébrilement, reprend son examen là où il l’avait laissé. Sous l’effet de mon emportement vis-à-vis d’Hélène, je tremble de partout, quelques minutes. Le médecin parvient à me calmer, à me détendre. Puis il m’examine, d’une manière un peu plus poussée sous l’œil inquisiteur d’Hélène, qui s’est alors levée de son siège et est venue tout près de moi. Le docteur la repousse, Hélène se fait insistante. Le médecin fait ce qu’il peut, ne dit rien, ne note rien, n'étant pas son patient attitré. La seule chose qui se passe entre lui et moi, c’est un échange de sourire et de compassion. Il tente tant bien que mal de faire écran entre lui et Hélène, mais Hélène utilise tous les moyens pour voir ce qu’il (me) fait.
Harassé, et devant Hélène, le médecin m’examine à nouveau. Il me fait plier et déplier les jambes, m’ausculte, assis, debout, couché, me fait retirer les chaussettes pour déceler éventuellement un problème de peau. Puis il finit par confirmer le diagnostic de tout à l’heure : RAS, tout va bien pour moi.
Hélène fait grise mine.
- Vous n’avez pas vu en bas, docteur, c’est important, dit Hélène, en posant ses mains sur son pubis. Vous le faisiez avec mes garçons, même quand ils sont devenus adultes. Vous leur baissiez la culotte !
J’ai compris où Hélène voulait en venir. Je me suis levé de la table, en colère, moi aussi, et j’ai dit :
- Bon, ça suffit comme ça. Je me rhabille et je rentre. Le patient, c’est pas moi, c’est vous, Hélène.
- Holà, cria Hélène. Pas si vite, jeune homme. Ce n’est pas fini. Docteur, s’il vous plait.
Hélène appuya fortement sa main sur ma poitrine et me força à me rallonger. J’étais loin de me douter qu’elle avait une poigne aussi imposante. Le docteur ne bougea pas de sa place et resta circonspect. Je le suppliais du regard, pour qu’il ne fasse pas ce que voulait Hélène. Il lui dit :
- Ecoutez-moi. Je suis médecin et je peux vous dire que ce jeune homme va très bien. Pourquoi voulez-vous que je l’examine en bas ? Ne me faites pas perdre mon temps, Hélène.
Un clignement d’yeux du médecin à mon adresse, me fit comprendre que je pouvais me rhabiller, ce que j’essaie de faire, mais Hélène bloque tout mouvement de ma part.
- Vous allez l’examiner en bas, sinon je ne partirai pas d’ici.
Elle finit la phrase en un cri strident (le mot ici) qui m'a contraint à me boucher les oreilles.
Hélène qui est restée à mes côtés, ne voulait pas en démordre. Elle était buttée, têtue… devant l’immobilisme du médecin, qui restait stoïque.
La lassitude du médecin se lisait sur son visage : il s’approcha de moi et me dit :
- Pardonnez-moi, je… je suis confus… je suis obligé de…
Je lui ai répondu :
- Faites et qu’on en finisse. Je n’en peux plus moi aussi.
Et j’ai fini ma phrase en me redressant de sur la table d’examen pour retirer mon slip. Je ne l’ai pas baissé, je l’ai enlevé. Complètement. Je l’ai jeté aux pieds d’Hélène et il a atterrit sur ses chaussures.
- Voilà, Hélène. C’est ça que vous vouliez ? lui dis-je en m’exhibant dans le plus simple appareil devant elle. Vous êtes contente ?
Puis je me suis lourdement rallongé sur la table. Le médecin se mit à ma droite, alors qu’Hélène resta encore à ma gauche, surveillant encore et toujours les moindres gestes du médecin. Elle me toisait, entièrement nu, et promenait ses yeux sur mon corps, de haut en bas et de bas en haut. Elle ne put s’empêcher de dire au docteur d'un ton redevenu doucereux :
- Faites comme si c’était un de mes gars.
J’ai osé lui répondre, avec un sanglot dans la gorge :
- Je ne SUIS pas un de vos enfants.
Hélène reprit :
- C’est tout comme.
Pour ne pas envenimer les choses, j’ai préféré ne pas répondre. Le médecin pratiqua son examen sur mes parties génitales, mais n’insista pas. Il a juste passé une de ses mains en-dessous et au-dessus de mes bourses, sans plus après avoir regardé tout l'appareil dans son ensemble. Le fait d'être nu devant un médecin ne m'incommodait pas, j'ai déjà vécu des situations analogues. C'était la présence d'Hélène qui m'indisposait le plus ! J’ai gardé mes jambes serrées pour qu’Hélène en voie le moins possible. Le médecin n’a agi que pour faire plaisir à Hélène, sa patiente de longue date. Il se tourna vers elle et dit :
- C’est bon, ça vous va ? Vous avez tout vu ? Il peut se rhabiller ?
Hélène ne répondit pas, mais son hochement de tête signifiait qu’elle donnait son accord au médecin, qui s’excusa encore une fois auprès de moi. Je ne lui en voulais pas, il n’y était pour rien.
Hélène revint s’asseoir face au médecin alors que je finissais mon rhabillage. Auparavant, elle me tendit le slip qu’elle a ramassé presque aussitôt après que je l’aie jeté à terre et qu’elle a gardé près d'elle. Elle revint faire face au médecin qui lui dit qu’elle lui a fait perdre son temps, que je n’avais aucunement besoin d’une consultation… Mais Hélène qui avait de la répartie, campa sur ses positions, ce qui conduisit le médecin à ne pas rajouter de l'huile sur le feu. Elle sortit à nouveau son chéquier et régla la visite, la sienne et y ajouta la mienne. Le médecin refusa les honoraires pour ma consultation, non prévue sur son planning, mais Hélène insista tellement qu’il finit par accepter. Et elle paya de sa poche, ne donnant pas au médecin sa carte vitale ; 90 euro pour elle, et 35 pour moi. Sa visite dura 6 minutes, la mienne plus de 15 ! Allez comprendre !
Le médecin nous raccompagne à la porte de son cabinet, qu’il referme. Et dans la salle d’attente sans patient, Hélène de son téléphone portable, appelle un taxi qui arrive 10 minutes plus tard. Durant le trajet, pas un mot n'est échangé entre elle et moi. Le voyage se fait dans un silence mortel. Je m’obstine à regarder par la fenêtre du véhicule pour ne pas croiser son regard, mais je vois dans le rétroviseur qu’à plusieurs moments, Hélène s’est tournée vers moi, comme si elle voulait me parler, me demander quelque chose… Elle ne s’est jamais excusée de ce qu’elle a fait, même ultérieurement.
Le taxi arrive à destination et dépose Hélène chez elle. J’ose à peine la raccompagner à la porte de son domicile. Je n’entre pas et sur le seuil de sa porte, Hélène me dit :
- Allons, vous n’allez pas me faire la gueule à cause de ça. Croyez-moi, ce que j’ai fait, j’ai bien fait de vous le faire. Vous êtes rassuré, n’est-ce pas ? Et en plus, vous n’avez rien payé. Allez, je vous embrasse et merci pour tout.
Je consens à faire une bise, très timide, à Hélène, toujours sur le seuil de sa porte, et je prends congé assez rapidement, encore sous le choc de ce que je venais de vivre. J’évite, ce jour-là, alors que je le faisais d’habitude, de la serrer dans mes bras tout en lui faisant un bisou chaleureux. Ce jour-là, niet !
Quelques semaines plus tard, Christine qui n’a pas été informée dans les détails, de ce qui s’est passé avec Hélène, (je ne lui ai rien dit, et encore moins Hélène, pensez donc), me redonne un ordre de mission pour retourner chez Hélène. J’ai hésité, mais j’ai accepté en repoussant le rendez-vous assez loin, tout en étant hyper gêné de penser qu’à un autre moment de sa vie, elle m’avait vu entièrement nu, à cause d'elle, qu’elle pouvait encore m’imaginer dans le plus simple appareil, qu'elle savait comment j'étais fait dans les moindres détails... Je me sentais mal à l’aise, mais Hélène s’est bien comportée durant mes interventions ultérieures à son domicile. C’était la seule fois où je l’aie conduite chez le médecin, cela ne s’est pas répété une nouvelle fois pour elle, du moins. Elle a fait comme si de rien n’était, comme s’il ne s’était jamais rien passé. De mon côté, je suis resté sur mes gardes. Elle ne m’a jamais reparlé de cette aventure qu’elle a volontairement occultée.
Quelque temps plus tard, le hasard a voulu que j’accompagne un autre usager chez ce même médecin pour la gériatrie. Le patient était un monsieur, cette fois, et je ne suis pas rentré avec lui. il voulait entrer en maison de retraite, et il lui fallait l'avis de son médecin. Mais en fin de consultation, j’ai demandé, à être reçu par le médecin pour compléter le dossier administratif d'admission éventuelle. Il s’est rappelé d’Hélène et de cette visite incongrue qu’il a dû supporter. Il s’est excusé de ce qu’il a fait ce jour-là, mais il m’a avoué aussi que depuis qu’Hélène est veuve (je ne le savais pas), il est aux petits soins avec elle, il la couve, la chouchoute, la dorlote. C’est pour cela qu’il a dû faire ce qu’elle voulait, l’autre jour avec moi. Puis, il m’a effectivement confirmé qu’elle accompagnait ses enfants chez lui, et elle exigeait que le médecin les examine à fond, complètement, à poil, ajoutera-t-il, avec un léger sourire au bord des lèvres. Et ce, même à l'âge adulte. Hélène me l'avait dit, en effet, et ses dires ont été confirmés par son gériatre. Ses enfants n’étaient pas du tout choqué par la présence de leur mère, de me mettre nus devant elle, et, le pire, c’est que si elle ne venait pas avec eux, ils annulaient le rendez-vous.