Dans le cadre de mes activités professionnelles, il m’est arrivé de rencontrer des gens de toutes origines et de toutes catégories socio-professionnelles. Nombre d’entre eux m’ont montré leur savoir, leur façon de faire en liaison avec le métier qu’ils exerçaient. Un peinte m’a présenté ses toiles ; un réalisateur de cinéma, ses affiches (son nom y figurait) ; un couturier, ses créations ; jamais je n’ai vécu ce que je rapporte ci-après. C'est un peu long, mais c'est un récit qui s'est déroulé sur une seule longue demi-journée, interminable.
Une de mes collègues me délègue chez M. Pierre, un usager du service qui a besoin d’aide dans le traitement de ses papiers. Elle me briefe un peu la situation et m’apprend que Pierre pratique le reïki, qu’il est un peu excentrique, mais gentil. Pour me rassurer, elle me dit qu’elle l’a déjà rencontré. J’accepte malgré tout cette mission, et Christine me donne l’aval pour me rendre chez Pierre, qui a bien besoin des services de l’association. Elle ajoute aussi de ne pas m’étonner devant le look de ce monsieur.
Avec énormément d’appréhension, je prends rendez-vous avec Pierre, chez lui, et il me propose une date, en début d’après-midi. Ce qui me convient, étant donné que tous les travaux administratifs que je dois faire avec lui sont longs et qu’il y faudra bien y passer 3 ou 4 heures. C’est le temps que Pierre a jugé nécessaire que je lui consacre pour tout ce qu’il a à faire. J’ai donc bloqué pour lui, une demi-journée et même un peu plus : j’ai informé Christine de mon indisponibilité pour quelqu’un d’autre ce jour-là qui a notée l’information sur le planning général du service.
Pierre est heureux de me recevoir et de faire ma connaissance. Mais moi, à peine entré, j’ai d’étranges sensations. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose ici, une présence… Je me sens oppressé, envahit par une force surnaturelle.
Est-ce dû à l’accoutrement de Pierre ? Il m’a reçu, vêtu d’une longue tunique grise lui arrivant aux mollets, portée par-dessus un pantalon de même couleur et de la même matière que la robe, une sorte de tunique en lin ou en soie. Il a un bandeau jaune sur la tête, serrant ses cheveux, longs et gris aussi et se terminant par un catogan, plus précisément, une longue queue de cheval, descendant assez bas entre les deux omoplates. Sans compter une barbe mi longue finissant en pointe au milieu de la poitrine. Une chaîne autour du cou à gros anneaux, lui arrive au nombril et orné de symboles que je ne connais pas. Il porte aussi une bague à chaque doigt et a les deux oreilles percées, ornées de boucles. Heureusement que Christine m’a mis au parfum !
Justement à propos de parfum : une odeur que j’ai du mal à qualifier enveloppe les lieux. Ce n’est pas désagréable, mais ce parfum est envoûtant, pénétrant et prenant.
Ce décor, cette ambiance, ne m’inspirent pas du tout. Comme je l’ai dit, je ne suis pas à mon aise. Je reste figé sur le seuil de la porte. Pierre me serre très longuement la main, semblant ne pas vouloir me la lâcher et dit en m’attirant vers l’intérieur :
- Allons, monsieur. N’ayez crainte. Entrez, je vous en prie. Installez-vous. Je ne vais pas vous manger.
Il relâche sa prise : je me sens encore plus enveloppé dans une étrange atmosphère.
J’entre, timidement, un pas en avant et deux en arrière. Je pose mes affaires de travail là où Pierre me l’indique de son index. Je tremble un peu, saisi par je ne sais pas quoi qui me perturbe. Pierre est grand, environ 1,90, longiligne et impressionnant de par sa stature, sa démarche et son habillement. Il se déplace à pas lents et m’introduit jusqu’à sa pièce principale. Là, il me fait asseoir et sur la table, devant moi, se trouve un dossier et des documents éparpillés tout autour.
Pierre reprend la parole et dit :
- Voilà cher monsieur. C’est ce dont m’a parlé votre collègue. Tous les justificatifs sont là, mes ressources, mes dépenses. Si vous voulez bien contrôlez…
Pierre me laisse avec ses documents que je vérifie et contrôle avant que lui-même ne signe sa demande. Il reste debout, près de moi, me faisant confiance dans le traitement du dossier. Sa présence imposante me trouble à très haut point : j'en perds mes moyens.
Les pièces à produire sont conformes et je les joins au dossier. Puis, je l’aide un peu à classer ses autres papiers, tels que factures, quittances de loyer, relevés bancaires, pour finir cette demi-journée, comme cela était prévu au départ. Mais il n’y avait pas tant de documents que ça à classer, ce qui fait que je termine ma mission un peu plus tôt que prévu.
Lors que je m’apprête à prendre congé de Pierre, il me retient et me dit :
- Vous avez vu ? je n’ai pas beaucoup de revenus.
N’ayant pas la formation de travailleur social, contrairement à ma collègue, je ne peux que constater l’affirmation de Pierre et comprendre sa situation précaire qui l’a conduit à demander l’aide de notre service (qui verse parfois des secours financiers ponctuels). Pierre alors ajoute :
- Si vous n’êtes pas pressé, je vais vous parler de ma vie. Vous avez un peu de temps, je suppose ?
Il ne m’a pas laissé le temps de répondre, mais c’est vrai que j’avais encore un peu de temps à lui consacrer. J’ai fini plus tôt que prévu de compléter les dossiers et de ranger ses papiers. Comme je le fais avec d’autres personnes, je suis resté à écouter Pierre. Après tout, pourquoi pas lui ?
Il prend place face à moi, s’assied à califourchon sur une chaise et commence son récit, d'une voix profonde et caverneuse, presque envoûtante. Il me contemple, me regarde droit dans les yeux (les siens sont bleus) et ne cligne pas du tout des paupières. Il me fait penser à un hypnotiseur, m’effraie un peu et m’impressionne beaucoup. Sa longue barbe dépasse le dos de la chaise et arrive presque sur l’assise.Pierre tire dessus de temps à autre, comme s'il voulait la polir ou la lisser.
- J’étais professeur de reiki, dit Pierre, et j’ai pratiqué aussi cette technique. J’ai formé beaucoup d’élèves, ici ou dans un centre de formation que j’avais et que j’ai vendu, il n’y a pas si longtemps. Mais je pratique le reiki encore un peu aujourd’hui, je reçois moins de monde et moins de patient parce que je suis fatigué, et je n’ai plus de force. Vous connaissez le reiki ? Vous savez ce que c’est ?
Ayant répondu par la négative, Pierre enchaîne :
- Le reiki est une technique qui tend à rejoindre les forces de l’esprit à celles du corps. Pour être bref, c’est une sorte de médecine douce où un Maître en touchant et massant un patient, parvient en peu de temps à le délivrer de toutes ses douleurs. De plus, j’ai hérité d’un don : je suis magnétiseur, cartomancien et astrologue. C’est pour ça que ma bibliothèque ne compte que des ouvrages sur ces sujets. Je figure dans les pages jaunes à la rubrique Astrologues, bien que je ne travaille pas beaucoup, comme je vous l’ai dit. J’ai gagné ma vie comme ça, mais comme la plupart des gens me payaient en espèces, je n’ai pas tout déclaré. Je fais moins de consultation aujourd’hui, c’est juste arrondir les fins de mois, payer mes factures, manger… J’ai retiré récemment la plaque en bas qui signalait mon activité. Maintenant, c’est par le bouche à oreille que je travaille, et la plupart de mes clients, sont des gens que je suis depuis des années. J’ai même eu un Président de la République comme patient, des gens connus. Je suis fatigué, maintenant. Je ne peux plus agir comme avant, eh oui, cher monsieur, j’ai 80 ans !
J’écoutais attentivement ce que disais Pierre. Bien que je n’adhère pas à ce genre de choses (astrologie, cartomancie, numérologie, hypnose), le personnage était captivant. Il savait parler et convaincre.
Quittant sa chaise, il me dit :
- Venez, je vais vous montrer, parce que vous m’êtes sympathique et que je sens un courant passer entre vous et moi.
Ah bon, moi, je n’ai rien senti ! Il s’est levé de sa chaise et j’ai fait comme lui. J’ai suivi Pierre dans une autre pièce : elle était décorée de photos collées aux quatre murs, et dans lesquelles on le voyait prodiguer des massages à des patients, hommes et femmes. Sur toutes les photos, il était habillé comme au jour où il m’a reçu : longue robe grise et bandeau sur les cheveux. Il me montra aussi une bibliothèque garnie à 99 % de livres ésotériques, d’astrologie et de sciences occultes. Par ci, par là aussi, des Bouddha de toutes tailles et de toutes matières… et un gong, assez imposant, d’un diamètre d’un mètre environ. Il y avait aussi, sur les étagères, des jeux de cartes, des tarots aussi… une boule de cristal… Je me suis retrouvé dans un drôle d’univers. Ma collègue qui m’a devancé de quelques jours au domicile de Pierre savait tout cela, elle m’en a touché deux, trois mots… Mais ce que je vois aujourd’hui, n’est rien à côté de ce qu’elle a pu me rapporter.
Comme pour me prouver sa rencontre avec le plus haut personnage de l’Etat, et que je ne citerai pas, il m’a montré un cliché : effectivement, Pierre a soigné un de nos anciens Présidents. Et quelques autres personnalités du showbiz, de la société civile… Ce qu’il m’a dit est donc avéré. Ce qui peut être une preuve de sa renommée et de ses compétences : il voulait aussi me rassurer et me montrer son honnêteté dans la profession. Si un Président s’adresse à lui, ça veut tout dire. Mais moi, avant de faire sa connaissance, je n’avais jamais entendu parler de reiki, ni de Pierre, évidemment… Il a conservé dans un cadre, sous verre, les règlements par chèque des personnalités et n’a jamais voulu les déposer sur son compte en banque. Ce que disait Pierre était donc vrai : j’ai vu de vrais chèques, signés par le fameux président et d’autres personnalités. Pierre a conservé tout cela, comme dans un musée élevé à sa renommée.
J’en suis resté estomaqué, silencieux : pas un son n’est sorti de ma bouche. On aurait dit qu’une chape de plomb s’était abattue sur moi. L’atmosphère ajoutait un plus à mon ressenti, à mon état. J’étais sidéré devant les photos et les souvenirs que Pierre me présentait et commentait. Puis, il me regarda fixement, droit dans les yeux et me dit :
- Quand je vous ai serré la main, tout à l’heure, quand vous êtes arrivé, j’ai senti que quelque chose n’allait pas bien chez vous. Vous souffrez du dos, n’est-ce pas ? Et votre couple bat de l’aile ?
J’ai été frappé par ces révélations, qui sont tout à fait exactes. J’ai eu très peur et je suis resté pétrifié par ce que venait de dire mon hôte.
Pierre repris :
- Je peux vous aider, si vous voulez. J’ai un don et je veux vous en faire profiter. Je peux vous soulager. Vous ne méritez pas de vivre comme ça…
Devant mon silence obsédant, Pierre continua toujours en me regardant fixement :
- Ne refusez pas. Je ne vous ferez pas payer. Vous allez voir l’effet immédiat du reiki sur vous. Croyez-moi.
Je n’ai pas répondu : ce que venait de me révéler Pierre m’a déstabilisé. Comment savait-il tout cela ? Je ne parle jamais de moi avec les usagers du service, question de déontologie. Il m’a dévoilé d’autres choses encore sur moi et dont il a eu connaissance sans que je dise quoi que ce soit à ce sujet. Il avait vraiment un don ! Moi qui suis fermé à tout ce qui surnaturel, je commençais à me poser des questions face à ce bonhomme.
Pierre repris en fronçant les sourcils :
- Je ne vais pas vous laisser partir comme ça. Je veux vous aider. Je vous garde !
Aussitôt, il se dirigea vers la porte d’entrée de son appartement qu’il ferma à double tour et tourna aussi le verrou (il habitait au 3ème étage). Il me laissa dans la pièce aux photos, plongé dans ma torpeur et la moiteur ambiantes.
Le temps de retrouver mes esprits, et pour pouvoir partir plus vite, contraint et forcé aussi par Pierre, j’ai accepté de faire ce que mon hôte voulait. Je me suis laissé convaincre par ce pouvoir divinatoire qu’il avait et qui m’a complètement désorienté. il m'a convaincu de la véracité de son pouvoir surnaturel, et j'ai voulu en savoir plus. Au début, j’ai voulu rejeter la proposition de Pierre lui disant que j’étais incrédule à toutes ces formes de pratiques et que je n’y prêtais pas la moindre attention. La réponse de Pierre fut cinglante :
- Avec moi, vous allez vite changer d’avis. Je ne suis ni charlatan, ni marabout. Sinon, pourquoi le Président… se serait-il adressé à moi ? L’aurait-il fait si je n’étais pas sérieux ? Et les autres ? Croyez-vous qu’ils seraient venus chez moi pour rien ?
Là, j’avoue, Pierre marquait un point : il reprit :
- J’ai un don qui m’a été donné par je ne sais pas qui, et je le mets au service des hommes. J’ai tout de suite vu que vous étiez quelqu’un de bien, vous. Dès que je vous ai serré la main.
Pierre m’avait mis en confiance. Moi qui me préparais à repartir ! Déposer mon matériel de travail à mes pieds, fit comprendre à Pierre que je me livrais à lui. Alors, lui, sans un mot, ouvrit la porte du placard qui fermait cette pièce et en sortit une table d’examens, à l’instar de celle des kinés ou des médecins. Il la déplia et me dit sans sourciller, sans montrer la moindre émotion sur son visage :
- Vous allez vous déshabiller et vous allonger sur la table. J’arrive.
J’ai cru bon d’objecter :
- Mais ces gens sur les photos… Ils sont habillés.
Petit rire moqueur de Pierre :
- En effet, monsieur. Mais c’est que pour la photo. Vous vous imaginez le Président tout nu posant pour une photo ?
- Ah non, fis-je. Ça ne m’intéresse plus. Je n’ai pas envie de me déshabiller et je n’ai pas besoin d’un massage. J’ai une bonne kiné, ça me suffit.
- Ce ne sont pas des massages, reprit Pierre, je ne suis pas kiné, je laisse ça aux professionnels. Chacun son métier. Il s’agit tout simplement pour moi, de vous toucher aux endroits douloureux et leur insuffler l’énergie que je possède. C’est tout. Les séances de kiné en ville, continuez-les. Moi, ce que je veux vous apporter, c’est un plus.
- Non, franchement. Je ne veux pas, et je ne peux pas. Je n’ai pas le temps. Et puis, je suis réfractaire à ce genre de pratique. Qui plus est, j’ai fini ma mission et je dois rentrer au bureau.
Pierre se mit en colère et me fit comprendre qu’il était le seul maître à bord, et que je ne pourrais pas sortir sans son consentement. Il soutenait mordicus qu’il ne voulait que me faire du bien, et que c’était sa façon à lui de me remercier pour ce que j’ai fait pour lui aujourd’hui. Il ne voulait pas me laisser repartir dans l’état où j’étais. il avait peur pour moi, que je sois victime d'un malaise en rentrant chez moi, ou que je passe la nuit prochaine aux urgences.
Puis il finit par dire, en reprenant son calme et sur un ton doucereux :
- Je ne laisse pas le choix, monsieur. J'ai peur pour vous, pour votre famille, pour votre entourage. Vous allez voir. Vous allez être bien, après. Très bien, même. Et en plus, je vous avais dit de me consacrer toute une demi-journée. Nous avons encore 2 heures devant nous, n’est-ce pas ? J’avais prévu de vous prodiguer une séance de reiki quand vous m’avez donné rendez-vous. Alors, on y va …
Il finit sa phrase en s’approchant très près de moi et en prenant mes deux mains dans les siennes. Vu ce qu’il m’a dit tout à l’heure quand je suis entré en lui serrant la main, j’avais peur de les lui tendre à nouveau, surtout qu’elles étaient devenues moites sous l’effet du stress. Pierre dit, d’une voix très douce m’hypnotisant presque :
- Vous allez être bien.
Il prolongea un long moment la dernière syllabe et relâcha mes mains. Il me fixa longuement.
Voyant que toute tentative de résistance serait vaine, j’ai cédé à contrecœur. Je me suis laissé prendre au jeu. J’ai pensé que j’avais la chance d’être pris en charge par une personne qui a soigné un président français, entre autres… D’une voix à peine audible, j’ai demandé à Pierre ce qu’il fallait que je fasse. Sa réponse fut sans appel ; je devais tout enlever et être totalement nu. Mais il me donna cet ordre d’une voix douce, lénifiante et en décrivant toutes les étapes du déshabillage. De plus, il fallait que je me dévête dans un certain ordre pour ne pas causer de troubles à mon aura (dixit Pierre – j’en fus le premier surpris). Très lentement, sans me presser, ajouta Pierre. J’ai commencé par déboutonner ma chemise en commençant par les boutons du… bas ! Puis mes chaussures, la droite d’abord, la gauche ensuite… Suivirent le pantalon et les chaussettes. Et pour finir, j’ai dû me défaire aussi de ma montre, et ma chaîne autour du cou, les métaux dit Pierre, causent des interférences et occasionnent des ondes négatives. Je n’étais plus qu’en sous-vêtements quand Pierre sortit de la pièce, me laissant finir le déshabillage intégral et inattendu pour moi, dans une certaine intimité. C’est ce qu’il m’avait dit de faire : attendre qu’il soit absent pour ôter les sous-vêtements.
Mais il revint très vite, sans me donner le temps de finir mon strip, avec des bâtonnets d’encens, qu’il alluma : il les disposa dans des coins précis de cette pièce, diffusa de je ne sais où, de la musique douce et éclaira la pièce d’une lumière tamisée, réglée par un variateur. Je le suivais des yeux, guettant le moindre de ses gestes, mes mains tenant l’élastique du slip, prêt à le retirer. Il me laissa seul à nouveau après avoir frappé avec un manche sur le gong, pour le faire résonner. Cela signifiait peut-être, le début d’une séance.
Pierre, donc, à nouveau sorti de cette pièce, me laissa seul, dans une sorte de pénombre, pour me permettre de retirer ce qui me restait sur la peau dans une certaine intimité, mais pas plus d'une minute (les résonnements du gong avaient cessé). Saisi et tremblant de peur, je ne savais pas ce qui m’attendait. J’ai mis mes vêtements sur un petit meuble qui se trouvait là. Fin prêt, j’ai grimpé sur la table et j’ai caché mes parties. Pierre revint vers moi, avec une grande serviette de bain : on aurait dit un sari indien ou un vêtement de moine tibétain. Cette pièce de vêtement dont il me couvrit était d’un orangé vif, toute légère, mais fraîche. Il la plia en 4 ou 8, puis la posa délicatement sur le bas de mon ventre, cachant mon intimité strictement. Les hanches étaient découvertes de chaque côté, la surface couverte ne devait pas dépasser les 8 ou 10 cm². Ouf, cela me calma au bout de quelques secondes, même si je sais qu’il avait tout vu de mon corps avant de me couvrir. Cette couverture était tellement fraîche, qu’elle fit se dresser les poils de mes bras et de mes jambes. Chez Pierre, aucune émotion ne se lisait sur son visage. Il se prépara enfin à me faire bénéficier de son talent : il se frotta les mains qu’il avait enduites d’une essence odoriférante et commença aussitôt. Mais il ne retira pas ses bagues. Peut-être que les siennes ne causent pas d’interférence !
Pierre s’approcha de moi et me demanda de me mettre sur le ventre, la tête dans le trou pratiqué sur le haut de la table : il me fit une sorte de massage du dos et de tout l’arrière. Je ne voyais pas ce qu’il me faisait, je le devinais par la position de ses mains que je sentais sur moi, ici ou là.
Il commença par la nuque et descendit ensuite le long de la colonne vertébrale. Je sentais le bout de ses doigts se déplacer sur chaque vertèbre, appuyant sur celle-ci ou sur celle-là. Il a pu trouver les points sensibles et ceux qui me faisaient le plus mal… Je me sentais bien, il avait raison Pierre : j’ai bien fait de céder, finalement. Après tout, une heure de bien-être dans la journée, pourquoi pas ? Alors, je me suis complètement abandonné, j’étais étonnement décontracté, mes muscles se sont totalement relâchés.
Pierre, durant cette séance, n’a pas dit un mot, dévoué à son art, concentré sur ses gestes et sa technique. De temps à autre, il poussait des incantations, prononçait des phrases dans une langue inconnue, peut-être du tibétain… En fait de massage, c’était plutôt un toucher fortement appuyé sur des points précis du corps. Ça me faisait mal, mais les douleurs s’estompaient assez vite. Ces points d’appui étaient censés me transmettre l’énergie positive du don qu’avait Pierre. Il me massa aussi à la façon d’un kinésithérapeute. C’est vrai que sa voix, profonde, me faisait peur, comme ses incantations, mais au bout d’un certain temps, j’ai fini par ne plus y prêter attention. Je ne tremblais plus, je ne réagissais plus, j’ai presque sombré dans un demi-sommeil, l’éclairage de la salle où je me trouvais, facilitant la torpeur.
Il descendit de sur moi, un peu la serviette, découvrant le haut de mes fesses, qu’il massa avec ses coudes, tout en laissant mes fesses cachées sous la couverture. La force de son appui me faisait pousser des soupirs par réflexe. Puis, il y posa ses mains qui s’agitaient sous la serviette, je le sentais masser mes fesses. Ensuite, il descendit le long de mes jambes et de mes cuisses, les massant l’une après l’autre, et toujours en prononçant des incantations, des formules… il a fini ce côté, en remontant le long des jambes jusqu’à l’entrejambe et en effleurant, toujours par derrière, les bourses. J’ai écarté mes jambes pour qu’il puisse agir de la meilleure façon. Puis il a ajusté la couverture pour bien me couvrir, toujours avec les flancs nus.
Je me sentais bien, j’étais complètement relâché, soumis.
Au commandement de Pierre, je me suis retourné et me suis allongé sur le dos, avec un ordre supplémentaire : fermer les yeux. Et pour être sûr que je lui obéisse, Pierre déposa sur mes yeux un bandeau noir et épais après avoir baissé encore d’un cran ou deux, l’intensité lumineuse de la pièce, où, maintenant, on ne voyait presque plus rien. Les fenêtres étaient occultées par d’épais rideaux foncés.
Il poursuivit son travail d’appui en commençant par la tête (le crâne), le cou, les épaules, la poitrine et toujours des incantations, les mêmes ou d’autres, impossible de faire la différence. Il s’attaqua à mon abdomen. Il m’a surpris quand il a retiré totalement et d’un coup sec, la serviette qui me couvrait quand il arriva au bas ventre. Ayant les yeux bandés, je n’ai rien vu, mais j’ai compris que j’étais nu : j’ai voulu arrêter son geste et je me suis couvert de mes mains. Pierre très doucement, sans dire un mot, retira l’une après l’autre mes mains de là où elles se trouvaient et les posa, tout aussi délicatement, le long de mon corps. Je me suis laissé faire et j’ai laissé mes bras agrippés au bord de la table. Pierre avait le champ libre, je le lui avais laissé, en quelques sortes, de par mon consentement tacite.
Il touche le bas de mon ventre, frôlant mes parties, sans y toucher. J’ai senti par moment, un petit effleurement du bout des doigts sur mes bourses ou mon pénis, mais rien de plus. Il s’occupa ensuite de mes jambes et de la plante des pieds, en passant un doigt entre chaque orteil, ce qui occasionna quelques chatouilles. Il s’arrêta un moment, puis me dit :
- Voilà, c’est fini. Mais ne bougez pas, pas encore. Restez un peu comme ça.
Pierre me retira le bandeau et je le devinais à mes côtés dans cette atmosphère sombre et calfeutrée. J’étais entièrement nu, lui habillé, assis sur un tabouret, yeux fermés, les deux mains jointes en signe de prière. Je m’interrogeais, me demandant s’il invoquait Dieu, le Diable ou une autre force occulte. A nouveau, je ne me suis senti pas très rassuré. Je commençais à avoir froid aussi.
Je n’ai pas osé parler ou l’interrompre. J’ai même comprimé une quinte de toux et un éternuement. Je me regardais, j’avais un sentiment de bien-être et de honte à la fois. Je suis resté comme ça, je ne sais pas, un quart d’heure, 20 minutes, plus ? Moins ? Aucune idée. Pierre m’a fait perdre la notion d’espace/temps ! Il se mit à articuler quelques mots et quelques phrases, toujours yeux fermés et mains jointes, disant ses formules de plus en plus fort. Puis, il s’arrêta brusquement, rouvrit les yeux et me demanda :
- Alors, comment vous sentez-vous ?
J’ai voulu me redresser pour répondre, mais Pierre me l’a interdit. Je lui ai dit, en restant couché :
- Ça va, ça va… je me sens mieux. C’est fou, je n’ai plus mal. Vous avez des doigts de fée. Je n’ai jamais vu quelque chose se similaire.
- Merci, monsieur pour vos compliments. Vous voyez, je vous l’avais dit. Je vous ai donné une bonne dose d’énergie, vous allez avoir la pèche pour un bon moment. Vous verrez, vous me remercierez dans quelque temps. Rhabillez-vous. Je vais vous aider à descendre de la table.
J’ai refusé l’aide de Pierre, pour quitter la table de massage. Il répondit :
- Non, je vous aide, vous allez voir tout tourner un petit moment encore.
Pierre s’approcha de moi, me tendit une de ses mains que je saisis : il me tira doucement, me fit asseoir d’abord sur le bord de la table, puis me fit toucher le sol avec mes pieds et enfin, m’écarta de la table. Tout cela, alors que j’étais encore à poil. Et c’est vrai, j’ai eu quelques secondes, la tête qui tournait, ce qui me fait tituber et perdre un court instant, l’équilibre.
Mais Pierre me fit attendre encore un peu et dit :
- Holà, doucement, monsieur. Restez assis sur le bord de la table, encore 2 à 3 minutes. Reprenez vos esprits et mettez-vous dans la méditation. Vous allez vous sentir encore mieux. Vous vous rhabillerez après, ce n’est pas grave.
J’ai joué le jeu en faisant semblant de méditer. Il ne manquait plus ça. Et en plus, je suis tout nu !
Il éteignit ensuite les cendres incandescentes d’encens et dissipa la fumée en agitant ses mains, plia la table et la rangea à sa place initiale, dans le placard, derrière moi. Et moi, j'étais encore nu, debout, devant lui, la seule place où m’asseoir était recouverte par mes vêtements.
Au bout de ces longues 3 ou 4 minutes pour tour remettre en place, Pierre passa à un éclairage ordinaire. Il voyait mon corps maintenant en pleine lumière, entièrement. Je me suis senti gêné plus que tout à l’heure sous la lumière tamisée. Et puis, Pierre n’était pas là quand je me suis déshabillé… Maintenant, je me rhabillais devant lui en pleine clarté. Pierre m’examinait de haut en bas, levant et baissant ses yeux, par deux fois, pour me faire quelques remarques.
- Je vous donne quelques conseils : quand vous vous habillez, commencez toujours par le haut, votre tricot ou t-shirt. Ensuite, les chaussettes, le slip et les vêtements de ville. Les chaussures en dernier, la gauche d’abord, la droite ensuite. C’est le contraire quand on les retire. Ça favorise la circulation énergétique et ça empêche la dispersion des flux du corps.
Je n’ai rien compris à ce qu’il m’a dit. Je m’habillerais comme je le voudrais. Qu’est-ce que c’est que ces sornettes ? Pierre continua de ses conseils :
- Autre chose. Ne mettez plus de sous-vêtements serrés, ça cantonne l’énergie et ça l’empêche d’agir. Et ne prenez que du coton, rien d’autre.
Je finis de me rhabiller devant lui, et je me préparais à partir. J’ai hoché la tête en guise d’acquiescement, mais je n’en pensais pas moins : ce qu’il m’a dit est entré par une oreille et sorti par l’autre. Je n’allais certainement pas appliquer ses recommandations quand je serai chez moi, non mais !
Pierre me retint un moment. Il a tenu à me faire partager une tasse de thé du Népal. J’ai refusé prétextant, et c’est vrai, que je n’aime pas le thé. Pierre insista : cela vient en complément des soins prodigués et il en propose toujours à ses patients en fin de séance. J’ai accepté et avalé le thé, encore fumant, assez rapidement dans un silence absolu. Pierre sirotait sa boisson, goutte à goutte en prenant tout son temps et avec les yeux fermés.
Je prends enfin congé de Pierre, le remercie (hypocritement) pour ses soins et ses précieux conseils. Il me raccompagne à la porte et me dit en me serrant la main que je lui tends avec appréhension (c’est lui qui a tendu la main en premier – je l’ai saisie par pure politesse) :
Là, je vois bien que vous allez mieux, maintenant. Vous voyez, vous êtes soulagé, non ? Revenez me voir, si vous voulez. Je vous ferai un prix d’ami.
Il lâcha ma main, et je me suis senti comme libéré de son emprise. Quant aux tarifs pratiqués par Pierre, je n’en ai pas trouvé trace : rien n’était indiqué dans ses documents, du moins parmi ceux qu’il m’a laissé classer et ranger.
Arrivé en bas de l’immeuble de Pierre, je remarque en effet, la trace rectangulaire d’une plaque qui a été retirée. C’est de cela dont m’a parlé Pierre, tout à l’heure, de sa plaque professionnelle quand il était en activité.
Je rentre chez moi, directement. Je ne raconte rien à personne, ni à ma collègue, ni à Christine, bien évidemment qui est encore plus que moi incrédule à tout ce que fait Pierre.
Pierre figure dans l’annuaire, comme il me l’avait dit, dans les pages jaunes (mais pas sur Internet, c’est bizarre, non ?) à la rubrique Voyant/Médium. Sous son vrai nom ! J’ai appelé ce monsieur Pierre, mais évidemment, ce n’est pas son vrai prénom.
Je ne suis plus jamais retourné chez lui, non pas par peur ou autre, mais parce que ma collègue ne me l’a pas redemandé. Le dossier que j’ai complété avec lui ce jour-là a été bouclé le jour-même, et Pierre a pu faire valoir ses droits.
Pour finir, en faisant des recherches sur la toile, voici ce que j’ai pu trouver comme définition du reiki :
[color=#2e2b26]Le Reïki... Union de la [/color][color=#7b694b]méditation et de la relaxation[/color][color=#2e2b26] par un toucher relaxant sur des points du corps, elle favorise l’émergence de vos potentiels naturels solutionnant. C’est donc une pratique de bien-être et de relation d’aide. [/color]
Quelques vidéos montrent aussi très bien que les séances se font en étant habillé : pourquoi alors Pierre a exigé le nu intégral en ce qui me concerne ? A-t-il abusé de son pouvoir ?
Les actions de Pierre m’ont été bénéfiques durant 2 mois, deux mois sans douleur, sans médicament…
Cependant, il ne m’a convaincu pour autant, et je suis toujours réfractaire à ce qui est hypnose, astrologie, cartomancie. Mes lombalgies se sont rappelées à mon souvenir trois mois plus tard, plus intenses et plus douloureuses. J’ai fait appel aux soins d’un kinésithérapeute.