Eudes et Johann
Chapitre 44
Après le départ imprévu de Ludwig, Olav était inconsolable, il n’avait plus envie d’étudier. Il se fit remettre à l’ordre plusieurs fois par les professeurs. Je lui proposai quelque chose :
— Écris des lettres à Ludwig, il n’aura peut-être pas le temps de te répondre, mais ça lui fera certainement plaisir de savoir que tu penses à lui. Et ça te permettra aussi de perfectionner ton allemand.
— Tu as raison, me répondit le Norvégien, je dois me ressaisir, après tout je vais revoir Ludwig cet été. Mais, j’y pense, comment vais-je me rendre à son château ? Je ne peux plus faire le voyage avec lui.
— Quelle question. Avec Johann et moi, bien sûr. À moins que tu ne veuilles passer par la Norvège.
— Certainement pas, je n’ai pas le temps. Je vais aussi écrire plus souvent à mon père.
Il fallut attendre plusieurs semaines, mais la première lettre de Ludwig arriva, elle était très longue. Olav nous la lut, en omettant les passages trop intimes. Le Roi racontait les funérailles de son père et ses impressions face à sa nouvelle fonction. Olav retrouva sa joie de vivre. Il recommença à participer à nos jeux érotiques, sans toutefois se lier à quelqu’un d’autre. Il envoya beaucoup de lettres, les réponses arrivaient irrégulièrement, soumises aux aléas de la poste et à l’humeur du Roi. Celui-ci nous narra aussi son couronnement et nous envoya des sauf-conduits pour notre voyage.
Le printemps revint. Il ne se passa rien de particulier jusqu’à la mi-juin. Philippe avait passé ses examens et réussi. Son diplôme lui fut remis lors d’une cérémonie à l’aula. C’est Olav qui assura la partie musicale, accompagné de ma soeur au clavecin. Il avait encore fait des progrès, les autres étudiants l’entendaient pour la première fois, ils furent très étonnés et enthousiastes.
Philippe nous quitta l’après-midi même. Un équipage était arrivé pour l’emmener en Bavière, il allait s’arrêter chez des cousins en route et retrouver sa fiancée. Les adieux furent rapides car nous allions nous revoir un mois plus tard. Olav prit ses malles et vint habiter pendant quelques jours au château. Je pensais qu’il ne reviendrait plus au pensionnat à la rentrée, il allait sûrement rester en Bavière. Nous fîmes de longues promenades au bord de l’Aar, nous nous baignâmes.
Nous préparâmes le voyage, firent nos malles. Franz s’offrit spontanément pour nous accompagner. Le départ fut assez pénible, toute ma famille pleura, j’essayai de les réconforter, leur disant que les semaines passeraient vite, sans succès. Nous quittâmes le château le 30 juin.
Nous dormions en général dans une chambre à trois lits. Olav sortait un moment pour nous laisser quelques instants d’intimité, il allait écrire une lettre à la taverne et surveillait Franz et le cocher pour qu’il ne bussent pas trop. Nous fîmes une étape à Zurich. Nous mangeâmes à l’auberge, il y avait du monde et le patron nous demanda si un voyageur seul pouvait s’asseoir à notre table. Il se présenta en français :
— Je suis Frédéric, fils du Comte de G***, je viens de France.
— Je suis le fils du Vicomte de R***, près de Berne. Mes compagnons ne parlent pas encore couramment le français.
— Je vais essayer de parler allemand, je devrai de toute façon le parler à l’avenir.
Je présentai Johann et Olav, puis demandai à Frédéric :
— Pouvons-nous nous tutoyer ? Nous ne sommes pas dans le salon d’un château.
— Avec plaisir.
— Qu’est-ce qui t’amène dans mon pays ?
— Je viens me retirer dans un couvent des Grisons, à Disentis.
— Encore ? demanda Johann. Décidément, nous ne rencontrons que des religieux. Pourra-t-on te faire changer d’avis ?
Je racontai à Frédéric notre rencontre avec les pèlerins à Fribourg.
— Ma décision est prise, nous dit-il. Par contre, je n’aurais jamais eu l’idée de me cadenasser le pénis, même si les raisons qui me poussent à entrer dans les ordres sont les mêmes.
— Tu verras, dit encore Johann, la vie au couvent te réservera des surprises. Les novices s’amusent bien, même avec leur zizi.
— Je ne le pense pas, je resterai chaste.
Après le repas, je demandai à mes camarades :
— Voulez-vous sortir ce soir ? C’est la dernière grande ville sur notre chemin. Et toi, Frédéric ? Une de tes dernières nuits de liberté.
— Pourquoi pas ? me répondit le Français. Que nous proposes-tu ?
— J’ai une idée, nous allons quand même demander conseil au réceptionniste.
Celui-ci se tenait derrière son comptoir, nos allâmes vers lui.
— Bonsoir, Messieurs, puis-je vous aider ?
— Nous aimerions nous distraire ce soir, pourriez-vous nous recommander un local ?
— Bien sûr, il y a la Rothalle, avec ses jeunes demoiselles pas farouches.
Je fis la moue.
— Des demoiselles, cela ne nous tente pas beaucoup.
— Je comprends, nous dit-il avec un clin d’oeil, je vous propose le Wunderbar.
Il dessina le chemin à prendre sur un papier.
— Dites-leur que vous êtes à l’auberge Merkur et que vous venez de la part de Julian.
— Merci beaucoup.
Je lui donnai une pièce et nous quittâmes l’auberge.
— Pas de danger d’y aller ? me demanda Johann. Ne devrions-nous pas prendre Franz avec nous ?
— Il est déjà parti la Rothalle, répondis-je. Je me suis renseigné auprès des Maçons de la Loge, ce local est connu et sûr. Je voulais avoir une recommandation de la part de quelqu’un du coin, ce sera plus facile d’y entrer.
Le Wunderbar était tout près, dans le Niederdorf, il n’avait pas d’enseigne. Je sonnai. Un petit guichet s’ouvrit, une tête apparut :
— Qui êtes-vous ?
— Quatre jeunes hommes désirant passer de bons moments, répondis-je, nous venons de la part de Julian de l’auberge Merkur.
La porte s’ouvrit. Le portier devait faire deux mètres de haut. Il nous fit entrer et referma.
— Excusez-moi, Messieurs, c’est un endroit privé et nous ne laissons pas entrer n’importe qui. Pas d’armes dans cet établissement, je vais vous fouiller. Je dois aussi contrôler que vous êtes des hommes, c’est interdit aux femmes.
Le colosse nous tâta tout le corps, puis nous demanda de sortir notre bite de la braguette. Il la toucha pour en apprécier la consistance. Je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’oeil sur celle de Frédéric.
— C’est bon, nous dit-il. Encore toutes mes excuses pour ces formalités. Je vais vous expliquer les règles de la maison.
Il nous donna les explications, puis nous dit :
— Vous n’êtes pas obligés de participer, mais si vous acceptez, vous ne pourrez plus vous défiler.
— Je ne désire pas participer, nous dit Frédéric. Dois-je repartir ?
— Mais non, vous serez spectateur. Et les autres ?
J’étais tenté, mes camarades aussi. Le portier nous donna à chacun une petite boîte en bois, ressemblant à un tronc d’église, fermée à clef. Elle avait un numéro peint dessus. Il nous fit ensuite entrer dans la salle.
Je me sens l'âme d'une grande curieuse,…