Vues: 306 Created: 2016.12.06 Mis à jour: 2016.12.06

Eudes et Johann

Chapitre 43

Les semaines, les mois suivants s’écoulèrent calmement, l’hiver succéda à l’automne. Nous avions pris nos petites habitudes au pensionnat : des soirées dans la chambre pour nous détendre après les cours, d’autres plus intimes que je passais seul avec Johann. Ludwig et Olav étaient devenus amants. Philippe avait retrouvé un camarade avec lequel il avait déjà eu des relations l’année précédente. Les couples se formaient et se séparaient rapidement, je n’arrivai pas toujours à suivre et cela ne m’intéressait pas beaucoup.

Je ne passai pas Noël dans ma famille, pour la première fois. Olav, qui était retourné régulièrement suivre les cours de chant à Fribourg, était invité à chanter pendant la messe de Minuit, non pas dans la petite église de l’Abbaye, mais dans la cathédrale de la ville, en présence de l’évêque et des personnalités politiques du canton. Il était parti répéter quelques jours avant. Nous le rejoignîmes le 23, nous en profitâmes pour passer chercher nos anneaux en or chez l’artisan, l’apprenti demanda à voir si le trou s’était bien cicatrisé. Nos camarades vinrent avec nous pour se renseigner, aucun n’osa se faire percer. Nous choisîmes de séjourner à l’auberge plutôt qu’au monastère car je voulais faire découvrir à mes amis les bienfaits des massages de Justin.

Olav fit un triomphe, et, même s’il n’était pas possible d’applaudir dans une église, ce fut le premier de sa longue carrière. On oublia qu’il n’était pas catholique. Nous mangeâmes un somptueux repas le 25 à l’auberge, ce fut Ludwig qui paya la note.

Le réveillon du Nouvel-An se déroula dans mon château. Ludwig et Philippe mirent pour une fois leurs beaux habits princiers, ce qui enchanta ma mère qui avait invité sa nombreuse parenté, sans toutefois leur révéler qui étaient nos hôtes. Olav chanta à nouveau, accompagné par ma soeur, pour le plus grand plaisir de tous. Mademoiselle Winifred était aussi là, elle préféra danser avec le Prince plutôt qu’avec moi, ce qui ne me dérangea guère. Un feu d’artifice fut tiré à minuit.

Le temps se gâta en janvier. Une épaisse couche de neige rendait les routes impraticables, beaucoup d’entre nous avaient des rhumes ou la grippe. M. von Däniken entra dans la salle de cours un mardi matin. Il fit signe à Ludwig de le suivre. Je pensai immédiatement qu’il s’était passé quelque chose de grave. Une heure après, M. von Däniken revint nous chercher, ses quatre compagnons. Nous montâmes dans la chambre. Ludwig étais assis sur son lit, il sanglotait. Philippe s’assit à côté de lui, lui passa un bras sur l’épaule et lui demanda :

— Que se passe-t-il, Ludwig ?

— Mon père, mon père est mort. Je suis le nouveau Roi de Bavière.

Ludwig se leva. Nous l’embrassâmes chacun à notre tour et lui présentâmes nos condoléances. Nous restâmes plusieurs minutes sans rien nous dire. Philippe finit par lui demander :

— Vas-tu nous quitter ?

— Le temps qu’on prépare et charge mes bagages.

— Nous reverrons-nous une fois que tu auras été couronné ? demandai-je.

— Bien sûr, je vous rappelle que vous êtes mes invités l’été prochain.

Deux hommes entrèrent dans la chambre, Ludwig leur montra ses affaires, ils les mirent dans des malles qu’ils emportèrent. Le Roi avait déjà enlevé son uniforme du pensionnat. Nous descendîmes au rez-de-chaussée. Le directeur lui demanda :

— Votre Majesté, voulez-vous prendre congé de vos autres camarades ?

— Non, je suis trop ému pour le faire. Vous les saluerez de ma part.

Le directeur lui serra la main, le maître d’internat également. Un homme lui tendit un manteau de fourrure, un bonnet et des gants. Nous sortîmes sur le perron. Trois traîneaux l’attendaient pour le conduire jusqu’à la ville où les routes étaient de nouveau dégagées. Il neigeait fort.

Nous l’embrassâmes à nouveau longuement, en particulier Olav qui pleurait. Le Roi monta dans son traîneau et partit rapidement. Il ne se retourna pas. Philippe prit Olav dans ses bras pour le réconforter.

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clyso Il ya 7 ans