Les études de Marie-Jeanne
Indisposition
Le lendemain matin, en allant aux toilettes, Marie-Jeanne prit note d’une situation dont elle pensait qu’elle attendrait encore pour un ou deux jours ; la grippe ou le lavement, peut-être, se disait-elle. Elle prit donc ses dispositions après la prise de température matinale.
Elle allait mieux que les jours précédents. La fièvre était moins marquée (38° le matin), elle avait moins soif, pouvait plus bouger. Marie-Jeanne reprenait vie ! Elle peut avancer plus facilement dans ses études, et eut le plaisir d’assister à un petit concert de Madame Granlean au piano, accompagné de quelques explications sur la théorie musicale. Marie-Jeanne se félicitait du choix d’une logeuse si cultivée, qui lui faisait connaître ce que ni l’école, ni l’université, ne lui avaient apporté.
Puis vit l’heure de la température du soir. Madame Granlean s’attendait à ce que, comme les fois précédentes, Marie-Jeanne présentât d’elle-même ses fesses. Il n’en fut rien.
« Madame… je suis indisposée.
— D’accord, mais ce n’est pas par cet endroit que je vous mets le thermomètre.
— Mais… c’est que j’ai ma serviette…
— Oh là là. Et vous croyez qu’après avoir eu moi-même des périodes jusqu’à la ménopause, accouché trois fois et élevé deux filles, j’en suis encore à m’émouvoir d’un bout de tissu ensanglanté ? Allez, sur le ventre et baissez votre culotte, je m’occuperai de la serviette. »
Marie-Jeanne était mal à l’aise ; on lui avait pendant toute son adolescence fait comprendre que les « périodes » étaient un moment de honte, que le sang menstruel devait être caché, qu’elle pouvait faire « tourner » des mayonnaises, et autres vieilles lunes. Mais madame Granlean était convaincante. Marie-Jeanne releva sa chemise de nuit, et baissa sa culotte, montrant sa serviette en tissu attachée à une ceinture. Madame Granlean la défit à l’arrière.
« Hé bien voilà. Vous voyez, je ne suis pas morte d’avoir vu votre sang sur le tissu. Vous êtes femme comme moi. Ce sont les hommes qui tournent de l’œil quand ils entendent parler de nos fonctions naturelle… enfin pas tous les hommes, feu mon mari était assez avancé culturellement, mais la plupart. »
Marie-Jeanne reçut alors le thermomètre.
« On apprend aux jeunes filles, dès l’enfance et l’adolescence, à avoir honte de leur corps. Les menstruations sont honteuses et les rendent impures, leur sexe est honteux et sent mauvais, elles corrompent les hommes, etc. Ce n’est pas comme cela que je vois la femme moderne.
— Mais, madame, c’est pourtant vrai que c’est sale…
— Mon enfant, avez-vous déjà senti du sperme ? »
La question prit Marie-Jeanne de court. Elle savait en théorie de quoi elle s’agissait, pour avoir entendu parler de cette substance dans un livre de biologie, mais ignorait tant les détails pratiques de sa libération que son aspect précis et encore moins de son odeur. Elle était effarée de comment madame Granlean osait parler de pareilles choses.
« Non madame. Je n’en ai même jamais vu.
— Ou alors vous en avez vu sans savoir ce que c’était, séché, sur les sous-vêtements de votre frère. Bref, sachez que cela a une forte odeur, surtout si vous le laissez macérer. Pourtant, personne ne dit que les hommes sont impurs parce qu’ils en émettent. »
Marie-Jeanne se dit que, sur des aspects qu’elle n’avait jamais trop osé envisager jusque-là, elle avait à apprendre de madame Granlean. Les aspects physiques des relations hommes-femmes ne lui étaient connus que vaguement, tout ceci ayant été reporté à quand son mari l’instruirait de ces choses.
« Madame, vous savez… je suis très ignorante quant à tout cela.
— On a longtemps pensé qu’il valait mieux laisser les filles dans l’ignorance, y compris de ce qui les attendait dans le mariage. Ce n’est pas mon point de vue. Pour tout vous dire, je soutiens le droit de chaque femme à disposer de son corps et à avoir des enfants quand elle le souhaite. »
On parlait dans la presse de cette loi en cours de discussion visant à autoriser la fameuse « pilule » contraceptive. La mère de Marie-Jeanne ne parlait pas de ces choses mais une fois elle avait laissé échapper que cela n’intéresserait que les « traînées ». Tout ceci donnait beaucoup à penser à Marie-Jeanne…
Ses pensées furent interrompues par la sensation du thermomètre auquel madame Granlean imprimait de petits mouvements. Marie-Jeanne se dit qu’elle devenait folle. Comment pouvait-elle accepter qu’on lui fît cela ? Comment pouvait-elle y prendre plaisir ?
Les trois minutes s’étaient écoulées. Madame Granlean retira le thermomètre. « 38.3 ». Sa main revint pour une séance de caresses postérieures, plus marquées que dans les séances précédentes. Marie-Jeanne avait entendu parler de jeunes filles se faisant « peloter » par leur amoureux… mais là elle se faisait donc « peloter » par madame Granlean !? Mais madame Granlean est une femme… Et en plus, se disait-elle sans trop comprendre ses sentiments, elle aime ça !
Madame Granlean mit fin à ses interrogations en rattachant la serviette hygiénique à la ceinture et en invitant Marie-Jeanne à se rhabiller : « nous allons bientôt dîner ».
À l'époque la majorité était à 21 ans…
Petite leçon d'éducation sexuelle pour …