Mon père avait été nommé ambassadeur dans un pays nordique dont je tairai le nom pour des raisons évidentes de discrétion, le fils de l’ambassadeur ne doit pas étaler sa vie privée sur un forum. Disons que je m’appelle Raphaël. Ce pays était assez avancé en matière de respect des minorités, il y avait beaucoup d’endroits « neutres » pour les personnes qui avaient de la peine à se définir comme homme, femme, transsexuel, transgenre, asexuel, androgyne, bigenre, transvesti, travesti, inverti, intersexe, fétichiste médical, etc. Il y avait par exemple des toilettes neutres, sans urinoirs évidemment, ce qui allongeait les queues (pardon, les files d’attente) aux entractes des spectacles, réduisant à néant l’avantage d’avoir un zizi pour pisser. Tout le monde était encouragé à fréquenter aussi ces lieux, l’étape ultime devant être la suppression totale des différences hommes/femmes/autres. Un certain temps allait être nécessaire, d’autant plus que les nouveaux arrivants qui trouvaient asile dans ce pays n’appréciaient pas trop ce concept novateur. Un délai minimum de dix ans était prévu pour s’adapter.

Mon père tenait beaucoup à ce nous fréquentassions des écoles publiques, mes frères et moi. Il ne voulait pas que nous restassions dans le cercle fermé et doré des enfants de diplomates. Nous étions arrivés en juillet et avions suivi des cours intensifs de langue locale au lieu de profiter du soleil de minuit et de nous baigner nus dans des lacs sauvages et glacés. Les cours du lycée avaient commencé au début de septembre. J’avais pas mal de peine à suivre, heureusement que mes camarades me traduisaient en anglais ce que je ne comprenais pas bien. Et j’avais déjà appris le russe, le japonais, le mandarin et l’arabe lors des affectations précédentes de mon père, j’allais facilement assimiler cette nouvelle langue avec un peu de pratique.

Le jour de la rentrée, j’avais reçu un dossier avec un questionnaire médical à remplir. Une annexe nous expliquait qu’on considérerait à l’avenir tous les étudiants comme neutres, à moins qu’ils veuillent absolument être considérés comme des hommes ou des femmes. Je cochai donc la case « neutre » et m’efforçai de traduire le reste. J’appris ainsi pas mal de mots concernant le corps humain, en particulier ceux des organes génitaux. Je devinai ainsi que ceux-ci seraient examinés attentivement lors de la visite médicale, ce qui n’était pas une surprise, j’avais déjà fait connaissance avec la médecine scolaire de pas mal de pays et je connaissais toutes les méthodes, pas toujours très respectueuses de la pudeur la plus élémentaire. J’étais heureusement en bonne santé. La question « Es-tu encore vierge ? » me sembla particulièrement indiscrète, mais je décidai de ne pas mentir et répondit par l’affirmative.

Nous reçûmes quelques jours plus tard une convocation par courriel pour nous rendre au service médical une semaine plus tard, un lundi matin. Je pris donc le chemin de fer métropolitain assez tôt ce matin-là, la vessie pleine et l’estomac vide, selon les instructions jointes à la convocation.

Le service médical était situé dans un bâtiment moderne en périphérie de la vile, entouré d’arbres et de verdure. J’avais de l’avance mais l’accueil était déjà ouvert. Une assistante me salua, je lui dis mon nom.

— Bienvenue Raphaël. Je suis Sigrid. Voici un bracelet avec une puce et un gobelet avec ton nom, tu pourras le remplir aux toilettes et le laisser sur place, il y a une petite armoire. N’oublie pas de lire les instructions affichées, tu dois décalotter ton gland, d’après ton dossier tu as un pénis et tu n’es pas circoncis, le désinfecter, puis uriner quelques gouttes dans les toilettes avant de remplir le gobelet. Tu as bien compris ?

— Pas très bien, je parle encore mal ta langue. Pourrais-tu me montrer comment faire ?

— Il y a des dessins, tu te débrouilleras.

Je me rendis donc vers l’unique WC, neutre comme il se doit, et je fis ce que Sigrid m’avait demandé. J’étais soulagé de ne plus avoir de pression dans la vessie. Je me rendis à la salle d’attente/vestiaire, neutre elle aussi. J’eus la surprise de constater qu’il y avait aussi des filles.