La responsable des ressources humaines avait reçu Julie. Elle était d'un abord plutôt froid sinon administratif. Après avoir expliqué que l'usine faisait partie d'un grand groupe pharmaceutique, à la forte réputation dans le monde, elle présenta à la jeune femme brune timide l'organigramme de l'équipe "études de marché" qu'elle allait intégrer. Ce n'est qu'après avoir signé son contrat, sans l'avoir franchement lu en détail, que la femme lui précisa :

" Au fait, Mademoiselle, nous sommes très exigeants sur la moralité, l'hygiène et la santé de nos employés... C'est pourquoi, vous allez devoir passer une visite médicale d'embauche dans les prochains jours. Elle validera définitivement votre venue parmi nous. Puis, tous les trimestres, une visite de routine sera pratiquée : tout oubli ou refus de s'y soumettre sera un motif de rupture du contrat... Vous serez toujours convoquée par message électronique confirmé par une lettre recommandée à votre domicile. Voilà, je vais vous présenter à votre responsable.

Julie avait d'abord été bien accueillie par ses collègues, essentiellement des femmes plutôt jeunes et jolies. Mais rapidement, elle avait remarqué que pointait une certaine méfiance, voire jalousie, de la part de ses collègues les plus directes : elle était manifestement la plus attirante et déjà certains hommes tournaient autour d'elles. Sa timidité lui faisait prendre de la distance avec cela et c'est son travail qui lui importait. Ce dernier était tellement prenant qu'elle avait déjà oublié ce que lui avait dit, en détail, la directrice des ressources humaines.

Un mois s'était passé. Ce matin d'été, Julie avait mis une tenue adaptée. Quoique timide, elle aimait s'habiller à la mode : chaussures ouvertes avec des lanières remontant haut sur le mollet, petite robe courte sans manche et décolletée sans outrance toutefois. Elle avait fait une queue de cheval haut placée et portait deux boucles d'oreilles représentant une spirale terminée par une boule. Cet après-midi, elle aurait à présenter sa première étude à sa responsable : elle l'avait peaufinée la veille et n'avait plus qu'à l'affiner pour être au point. Après avoir bu un café avec ses collègues, elle ouvrit alors sa messagerie professionnelle.

Au milieu d'une vingtaine de courriels, l'un attira naturellement son attention. Il était rouge avec un indicateur de priorité et une demande d'accusé de réception. Le service de médecine du travail ne l'avait pas oubliée: " Ah, zut ! J'avais oublié... De toute façon, ce doit être pour me dire que je vais recevoir une convocation chez moi. Voyons voir afin que je programme cette visite médicale. Julie ouvrit le message : "Mademoiselle P., Vous venez d'être embauchée dans la société L. Comme le prévoit votre contrat, vous devez vous présentez au service de la médecine du travail pour y subir la visite médicale d'embauche obligatoire. Exceptionnellement, cette convocation est immédiate car un rendez-vous pour un autre collègue a été annulé au dernier moment. Vous ne recevrez donc la lettre recommandée prévue qu'a posteriori pour respecter la procédure. Nous vous remercions de présenter immédiatement ce courriel à votre responsable directe afin qu'elle vous autorise à vous rendre à cette convocation à 10.00 heures à l'adresse indiquée ci-dessous. Cordialement ! Mademoiselle S. Infirmière chargée des convocations"

Bien que très surprise de ce qu'elle venait de lire, Julie imprima le courriel et rejoignit le bureau de Sandra J., sa responsable : "Pas de problème Mademoiselle ! Je suis obligée de vous laisser y aller et vu le temps déjà passé, il est hors de question de le reporter même si vous auriez sans doute préféré être prévenue comme il se doit... C'est une formalité par laquelle il faut passer ! A priori, la société a changé de centre de médecine du travail commun à plusieurs entreprises mais pour la procédure, j'ignore s'il a été changée. vous verrez bien, prenez le temps qu'il faut du moment que vous soyez revenue pour 15 heures et votre exposé...". La jeune embauchée s'en retourna à son poste de travail pour voir sur Internet où se trouvait le centre. En un quart d'heure elle y serait et il fallait qu'elle parte aussitôt sans avoir le temps de repasser par les toilettes pour quoi que ce soit. Tout juste, quelques remarques ironiques avaient fusé de la bouche de certaines de ses collègues: "Tu nous diras qui t'as matée, un jeune débutant ou un vioc... T'inquiète pas, tu va rester en robe...".

A peine dans la rue, Julie était plutôt rassurée. Cela devrait être une simple formalité même si la directrice des ressources humaines avait été assez insistante sur l'importance de la visite médicale :" Ouf, je n'aurai pas à montrer ma lingerie... Bon, j'espère simplement que le docteur sera sympa car sinon je vais être stressée..." se dit-elle.

Le bâtiment dans lequel se trouvait le centre était plutôt austère quoique propre et situé en plein centre-ville. Julie sonna à l'entrée. Une voix monocorde féminine lui indiqua : "Deuxième étage, porte gauche. Vous vous présentez au bureau d'accueil avec la convocation".

La femme mûre qui la reçut était à l'image de la voix de l'interphone. Cela commença à inquiéter Julie : "Après avoir rempli votre dossier dans le fichier informatique, je vous conduirai en salle d'attente. Vous serez appelée par haut- parleur dans les dix minutes".

Bien qu'elle se disait que cela devrait être bref, puisque simple formalité, Julie ne tenait pas en place sur sa chaise. Il y avait dans la salle un trentenaire, une cinquantenaire et deux jeunes femmes qui gloussaient. L'homme matait très discrètement ces dernières mais aussi les cuisses nues de Julie ; de temps en temps il jetait un regard dans le décolleté opulent de la femme mûre. Julie avait pris un magazine de mode qu'elle n'arrivait pas à lire sérieusement ; elle croisait et décroisait ses fines jambes en faisant attention de ne pas donner l'occasion aux autres patients d'entrevoir la moindre surface de sa petite culotte.

Ce fut d'abord l'homme et l'une des deux jeunes femmes qui furent appelés. Les deux femmes qui restaient ne cessaient pas de jeter un regard désapprobateur sur Julie : elles avaient mis des pantalons pas trop moulants et trouvaient la robe de la jeune embauchée un peu légère en une telle circonstance. Un long quart d'heure passa avant que retentisse le nom de Julie : "Mademoiselle P. Veuillez entrer par la porte C et attendre que je vienne vous ouvrir l'autre porte !".

Julie est entrée avec une légère sueur au front. Qu'elle doive attendre encore quelques minutes dans ce sas éclairé avec juste un petit tabouret accentue la situation de léger stress.

Enfin, la clenche s'active et la porte s'entrouvre : "Vous pouvez entrer Mademoiselle, c'est bien votre tour !" Suivant la jeune femme en blouse blanche tombant assez court sur le haut des cuisses, Julie s'assied face à elle désormais installée au bureau à la table vitrée sur laquelle reposent uniquement un écran informatique, le clavier et la souris sans fil : "Je suis Mademoiselle S. infirmière du centre chargée de la convocation et de la prise en charge de tout salarié féminin de votre société. Nous avons préféré vous convoquer sans délai quand je me suis aperçu que nous avions dépassé le délai de quinze jours habituel. Pour la visite trimestrielle qui suivra, je serai plus rigoureuse. Cela vous a-t-il causé le moindre problème de venir dans ces conditions ? L'infirmière est à peine un peu moins jeune qu'elle mais Julie est troublée par son regard et sa voix pas très sympathique : "Euh, j'aurai préféré le savoir un peu avant, mais, de toute façon, je n'ai pas le choix je crois...". "Effectivement !" répondit sèchement l'infirmière déjà à l'ouvrage face à son écran.

Après avoir intégrées les données personnelles et professionnelles concernant Julie dans la mémoire de son ordinateur, l'infirmière, regard légèrement moins sévère, se leva vers la fenêtre de son bureau avec son dossier cartonné dans les mains : " Vous êtes la première des personnes embauchées dans votre société à bénéficier de la nouvelle procédure des visites médicales d'embauche et de suivi... Je suppose que cela vous a été présenté lors de votre entretien d'embauche avec la responsable des ressources humaines !"

Julie répondit par la négative. L'infirmière lui rappela que le fait d'avoir signé son contrat d'embauche valait acceptation : "Si vous refusiez de vous soumettre à une seule des phases de la procédure, le médecin du travail le signalerait alors à votre employeur qui, bien sûr, ne validera pas votre contrat."

Julie se rappela que les dernières visites médicales qu'elle avait subies avaient été plutôt sommaires. Les praticiens étaient plutôt conviviaux et allaient à l'essentiel que ce soit au collège, au lycée comme à l'organisme privé dans lequel son diplôme "études de marché" avait été obtenu. Elle se disait qu'aujourd'hui ce serait peut être un peu plus complet au niveau de l'échange avec le médecin. Malgré la froideur de l'infirmière, elle se rassura. Mais, d'emblée, cette dernière insinua un soupçon d'inquiétude dans l'esprit de la jeune embauchée :"Vous allez passer deux heures ici. Une bonne demi-heure avec moi et le reste avec le médecin. Vous découvrirez la procédure au fil des minutes. Nous commençons Mademoiselle ?" Julie pouvait-elle se rétracter ? Bien qu'elle ne soit pas emballée par la situation, elle ne se posa pas la question ; cet emploi, elle s'était investie pour l'obtenir et ce n'était pas cette infirmière distante qui allait changer le cours des choses :"Bon, que va-t-on bien pouvoir vérifier pendant autant de temps ? Tant pis, à midi , je serai libérée et j'irai faire un tour en ville avant de retourner au bureau...".