Vues: 334 Created: 2011.05.26 Mis à jour: 2011.05.26

Les bonheurs de Sophie

Chapitre 15

Après une bonne douche, Tom rejoignit ses amis, il se sentait mal à l’aise. Aux yeux du groupe, il se sentait minable, incapable d’avoir mené à bien une manœuvre difficile comme s’il avait échoué la péniche sur un banc de sable en voulant accoster ou pire, percé une porte d’écluse en la percutant.

Pourtant, il avait accepté de bonne grâce de jouer le rôle de victime par compassion, il avait résisté aux coliques infernales du laxatif sur-dosé, il avait accompli la durée rétention pour le temps imparti, mais Sophie se gardait bien d’expliquer qu’elle était la cause du naufrage de sa dignité, que la voie d’eau n’était pas de la responsabilité de Tom et que sans la folie nympho maniaque de sa dulcinée il n’aurait pas sombré dans la déchéance et perdu corps et biens son slip petit bateau…

Fort heureusement, la vie suivit son cours car les canaux ne sont pas toujours un long fleuve tranquille. Sandrine qui prenait le soleil à l’avant comme une sirène en guise de figure de proue interpela l’équipage.

- « Venez voir, c’est magnifique, je crois que nous allons franchir des écluses. »

En effet, le spectacle était grandiose, la péniche s’engageait sur un pont canal au dessus de la rivière (l’Orb), sur la droite s’élevait la ville de Béziers avec sa cathédrale gothique St Nazaire, nous nous trouvions devant les neuf écluses de Fonserannes chef d’œuvre de l’ingénieur Paul Riquet.

- « Écluses droit devant » confirma le capitaine, « nous avons le temps, vous pouvez admirer les lieux. »

Il y avait du monde devant nous, en effet, le passage des écluses étant long, il y avait plusieurs péniches qui bouchonnaient. Comme pour la rétention d’un lavement, il fallait attendre en (se) faisant la queue !

Heureusement, en fonction de leur taille, les bateaux entraient à 2 ou 3 à la fois dans chaque bief. Une heure plus tard, c’était à notre tour.

- « Tout le monde sur le pont, préparez vous à la manœuvre. Je pénètre dans le premier bassin ».

- « Comment fait-on ? demanda l’équipage totalement néophyte en la matière. »

Tom avait sa revanche, il était le seul expérimenté dans cet exercice. Il allait pouvoir remonter dans l’estime du groupe en expliquant avec pédagogie comment le système fonctionnait et ce qu’il fallait faire.

- « Bien, en premier lieu, veillez au bon positionnement des défenses appelées aussi pare-battage (boudins de caoutchouc remplis d’air permettant de protéger la coque). Il faut éviter de heurter les autres bateaux, les bords du bassin et ne pas se mettre trop près des portes.»

- « Ah, c’est ça les défenses » plaisanta joyeusement Mathieu en passant par dessus bord les bouées protectrices. « Je croyais que c’était d’immense poches à lavement avec leur cordes en guise de tuyau ! »

- « Chut, pas si fort ! » Intervint Tom, « Nous ne sommes pas seuls, regardez les équipages, ils ne bullent pas, eux ! Si vous n’accrochez pas rapidement les amarres avant et arrière aux rails verticaux, nous allons être ballotés comme un vulgaire bouchon quand les vannes s’ouvriront.

- « Mais ils ne vont pas ouvrir la grande porte d’un coup ! nous serions submergés ! » s’inquiéta Sandrine.

- « Mais non, grosse bouillote, les portes ne peuvent s’ouvrir que vers l’amont, on dit qu’elles sont busquées car elles se bloquent par la pression un peu comme les armatures d’un corset. Les vantaux forment un angle pointé vers la source de manière à résister à la pression de l'eau. Il y a des vannes coulissantes sur la porte qu’on appelle vannelles, c’est par elles que l’eau envahira le bief et fera monter progressivement l’eau et nous avec. Voilà pourquoi les amarres sont accrochées aux rails verticaux par des boucles, surtout pas de nœud sur des parties fixes, il faut que les colliers d’amarres coulissent avec la montée du bateau sinon nous seront retenus au bond du bassin comme le Nautilus par la pieuvre géante… »

Notre équipage ayant bien appliqué les consignes, notre embarcation se mit à monter lentement, avec la lenteur d’un ascenseur hydraulique, dans un bouillonnement d’eau infernal avec des remous gigantesques provoqués par l’ouverture des vannelles qui déversaient des torrents spectaculaires comme si l’on avait tiré simultanément la chasse des sanitaires d’une caserne. Avec la montée progressive, l’effet était saisissant.

A n’en pas douter, le passage d’écluses est toujours plus impressionnant en montée qu’en descente. On peut établir une comparaison avec un lavement, tant qu’on remplit, le plaisir monte, quand on se vide, la nostalgie s’installe. Enfin, lors du passage de l’ultime écluse, lorsque la dernière porte s’ouvrit lentement sous l’action des manivelles et des crémaillères, notre embarcation s’avança sur la surface tranquille du canal supérieur. Nous avions grimpés de vingt cinq mètres. A présent, un long parcours horizontal s’étendait devant nous.

- « C’est bien gentil ces écluses mais ça donne soif. » dit Sandrine. « J’ai vu à l’embarquement que Tom avait prévu une bouteille de Pastis qui nous réhydraterai bien. »

- « Certes, je te comprends ma belle », intervint Mathieu, « Mais depuis toutes ces semaines que je t’ai pas vue, je ne peux pas te laisser boire sans un petit contrôle médical. Ce serait une faute professionnelle. »

- « Comment ? Une visite médicale pour un petit pastaga ? Mais tu vas mettre sur la paille la société Ricard et creuser encore le trou de la sécu ! »

- « Oui, mais cela s’impose» compléta Justine, «pas d’alcool sans test d’aptitude préalable, surtout après ces dernières semaines passées dans l’air pollué de la capitale et avec un mode de vie dissolu ! »

- « Mais vous n’y êtes pas, la seule chose que je veux dissoudre c’est un peu d’anis avec cinq volumes d’eau ! »

- « Pour les volumes d’eau, nous verrons plus tard, en attendant déshabille-toi » ordonna Mathieu avec autorité.

- « Complètement ? devant tout le monde ? »

- « Comment veux-tu que je t’ausculte si j’ai du tissus de camouflage pour étouffer tes bruits corporels ! De toute façon à part Sophie l’assemblée ici présente connaît déjà ton anatomie. »

Sandrine s’exécuta contre mauvaise fortune bon cœur, après tout Sophie et Tom avaient déjà subits des soins plus humiliants. Mathieu exposa alors sa conception du diagnostic ciblé spécifique.

- « Il y a plusieurs manière d’évaluer l’état de santé d’une personne : les tests cliniques classiques comme l’examen du nez, de la gorge des oreilles, l’écoute du cœur, des poumons, la palpation de l’abdomen… etc. et des mesures plus ciblées sur un organe précis comme l’iris de l’œil, la plante des pieds ou d’autres partie du corps humain. Ces examens sont moins connus mais très révélateurs de pathologies parfois difficiles à détecter, pour ma part j’accorde beaucoup d’intérêt pour les parties génitales, elles révèlent la forme du patient bien mieux que la tension artérielle ou un électrocardiogramme. «

- « Tu penses donc diagnostiquer Sandrine rien qu’en examinant son sexe ? » S’exclama Tom incrédule.

- « Bien sur, » répondit Mathieu, « Et de plus, c’est tellement plus agréable, je comprends pourquoi tant de médecins se spécialisent en gynécologie, ce sont de vrais docteurs en œuvres d’art ! Bien, Sandrine, allonge toi sur la table, Justine va te mettre un coussin sous la tête, tu seras mieux installée. »

- « Mais on ne va pas y passer la journée quand même, je vais mourir de soif sinon ! »

- « Justine et Sophie, tenaient moi donc chacune une jambe en l’air et bien écartée, je vais voir entre les deux si des toiles d’araignées n’on pas eu le temps de se former. »

- « Et moi, alors » rouspéta Tom, « je ne vais pas pouvoir profiter du spectacle ! »

- « Désolé Tom, il n’y a pas de place pour tout le monde, mais tu connais déjà les lieux, à chacun son tour pour se rincer l’œil. Bien, voyons l’aspect général : Le ventre est dur et ballonné. J’ai l’impression que Gérard ne te pratiquait pas souvent d’hygiène intestinale ! »

- « Non, c’est exact » déclara Sandrine, « je lui en ai parlé une fois mais il n’était absolument pas habitué à ce genre de pratique, il m’a même regardé de travers, je n’ai plus insisté. »

- « On voit le résultat ! Nous verrons comment y remédier plus tard, mais il y a plus important, passons au vif du sujet et examinons le sublime coquillage. »

Mathieu prit de sa trousse un spéculum en acier inoxydable. Ces appareils sont robustes, faciles à désinfecter et très simples à manipuler. Leur seul défaut est d’être plus froid qu’un pénis et peuvent provoquer des contractions lors de leur introduction.

Heureusement les puissantes mâchoires arrivent facilement à écarter l’entrée du vagin même en cas de résistance réflexe de la patiente. Sandrine serra les dents mais ne broncha pas et quelques instants plus tard elle était aussi ouverte qu’un plat de moules de chez Léon de Bruxelles.

- « Fais vite, tu m’écartèles » haleta Sandrine qui n’était pas à la fête. « Je ne suis pas une cobaye pour présenter un cours de gynécologie au CHU. »

- « Laisse-moi quand même présenter les lieux » répondit Mathieu qui tenait à montrer ses connaissances à son auditoire. « Voyez-vous, un sexe féminin est toujours unique, il n’y en a pas deux pareils, chacun à sa spécificité, c’est ce qui en accroit l’intérêt pour les collectionneurs. »

- « Je vais veiller au grain » s’écria Justine prise d’inquiétude « Je ne tiens pas à ce que mon Mathieu enrichisse sa collection avec d’autres modèles, dans ce domaine je suis partisane du spécimen unique ! »

- « N’aie crainte, ma toute belle, mon intérêt pour la chose n’est que purement professionnel, pour consommer, je préfère la cuisine ‘maison’. » Puis continuant sa docte description : « Il y a la partie extérieure en forme d’abricot superbement mis en valeur quand on les a désherbés. Certains sont proéminents comme le mont pelé, d’autres sont encaissés comme un canyon qui cache la rivière qui court dans ses profondeurs. Puis il y a la partie cachée, obscure, mystérieuse, ne se dévoilant qu’avec une aide extérieure comme un doigt, une verge ou ici un écarteur médical. C’est comme si l’on avait à faire à une huitre perlière avec sa bille cristalline unique. Pour la posséder, il faut la mériter. L’odeur aussi est spécifique, elle n’est pas facile à quantifier mais elle est reconnaissable sans être un expert. Point besoin d’avoir l’odorat d’un aveugle pour retrouver sa belle dans le noir ! Les couleurs sont également variées, elles vont du rose pâle au rouge vif, l’intérieur est brillant et nacré mais avec des nuances subtiles, les bords sont souples, ondulés, musclés et humidifiés avec d’autant plus d’intensité que des caresses et des compliments sont prodigués avec tact et justesse. »

- « Certes, Mathieu, ta description est magnifique » félicita Sophie, « mais termine vite sinon le courant d’air va lui dessécher les intérieurs et sa coquille ressemblera à un fossile de l’ère tertiaire ! »

- « Soit, je vais conclure, » soupira Mathieu, « Pour résumer, un sexe féminin est comme une empreinte digitale : unique, reconnaissable et identifiable entre mille. Il est seulement moins commode pour prendre sa marque avec un tampon dans un commissariat ! »

- « Dites moi, inspecteur, la garde à vue est-elle terminée ? » demanda Sandrine ankylosée par la position ; « Suis-je reconnue innocente, relaxable et libérable ; pouvez-vous désincarcérer le spéculum qui m’entrave et me confirmer si je peux enfin boire un petit coup ? Après avoir eu les jambes écartées, j’ai bien le droit d’être élargie au sens juridique et désaltérée au sens physiologique. »

- « Oui, mais il ressort de l’examen que ta lordose lombaire est insuffisante » déclara Mathieu. « En d’autre terme, tu as une chute de reins pas assez prononcée, ton dos est trop plat, on le voyait nettement au contact de la table. Cela entraine de la fatigue pour ta colonne vertébrale et c’est moins esthétique pour une fille. Mais j’ai ce qu’il te faut pour redresser cette situation. »

- « Que vas-tu encore trouver comme remède ? » demanda Sandrine inquiète.

- « Juste le port d’un petit corset pendant la croisière, j’ai justement emmené avec moi un modèle semi rigide en plastique articulé réglable. Il est un peu contraignant pour des activités de couple mais comme tu es célibataire, son port ne sera pas une trop grande contrainte. Tu vas retrouver une silhouette de princesse. »

- « Ah non, je ne veux pas être enfermée dans un carcan, je suis en croisière, pas dans le plâtre. »